Institut Tunisien des Relations Internationales

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Savigny/ Orge le 29 Juin 2005


A l’Attention de Son Excellence José Luis Rodriguez Zapatero
Chef du gouvernement Espagnol- Madrid

Objet : Cas du réfugié politique tunisien en Espagne M. Ridha El Barouni

Excellence,

Je vous écris dans l’urgence pour vous dire la profonde inquiétude de la communauté des réfugiés politiques tunisiens à l’étranger, dont je suis, par le traitement que votre gouvernement s’apprête à réserver à notre compatriote Ridha El Barouni, et ce à travers la procédure engagée par vos services pour le retrait de son statut d’asile politique.

Il convient de rappeler que Monsieur Ridha El Barouni, réfugié dans votre pays en 1988 avait obtenu son statut de réfugié en 1995, c’est-à-dire 3 ans après avoir été jugé et condamné par contumace, dans le procès du tribunal militaire de Bou Choucha en 1992.

Cet acte symbolique fort est à l’honneur de votre pays, parce qu’il y a là une reconnaissance implicite du gouvernement Espagnol, que les procès en série, intentés au mouvement Nahdha et à ses militants en Tunisie et étendus par la suite aux diverses composantes de l’opposition tunisienne « ne reposaient sur aucune réalité matérielle prouvée et que la thèse de l’atteinte à la sûreté de l’Etat n’était guère fondée », comme en avaient conclu par ailleurs tous les observateurs des grandes organisations internationales (A.I. ; HRW ; FIDH et autres) qui avaient suivi ces procès.

Excellence,

Les autorités tunisiennes n’ont eu de cesse d’affirmer, depuis le début des années 1990, qu’elles avaient éradiqué définitivement ce mouvement et qu’elles avaient mis fin à son existence. Elles n’auraient pas hésité à l’épingler de nouveau et à l’enterrer définitivement, si, par hasard, elles lui avaient trouvé un lien quelconque avec l’acte terroriste perpétré contre la synagogue de Jerba le 11 avril 2001. Curieusement, elles se sont abstenues d’envisager la simple éventualité de son implication !

Comment admettre, dans ces conditions, les allégations des services de sécurité d’un pays démocratique comme l’Espagne, que le mouvement Nahdha « est partie intégrante d’un grand mouvement Jihadiste, lié à AL Qaida et prêt à perpétrer des actes terroristes analogues à ceux du 11 septembre 2001 à New York ou du 11 mars à Madrid » ?

La vérité que vous ne pouvez ignorer Excellence, est que la Tunisie est un pays qui vit depuis 18 ans sous une dictature implacable, comparable à celle qu’a connue l’Espagne pendant longtemps, mais sans le développement économique qui l’avait accompagnée dans votre pays. Cette dictature a fait de l’acharnement contre ses opposants, notamment les islamistes, parce que les plus fragiles dans l’opinion publique internationale, sa raison d’être.

Il n’est pas étonnant dans ces conditions que la dictature tunisienne s’attaque à un homme comme M. El Barouni et qu’elle l’accuse, ainsi que le mouvement auquel il appartient, de terrorisme. Tout le monde connaît la facilité avec laquelle le simple musulman, se transforme automatiquement « en islamiste puis en terroriste » dans l’imaginaire des gens !

Mais ce n’est pas sur la base de rapports tendancieux des services tunisiens que l’on juge équitablement de la conduite d’un homme qui vit dans votre pays depuis 17 ans et qui semble s’être impliqué profondément dans l’action et les débats de la société espagnole.

Excellence,

Le retrait du statut de réfugié politique à M. El Barouni, envisagé par vos services, serait, au-delà des graves menaces pour la vie de l’intéressé, un signal fort, à tous les réfugiés politiques tunisiens et autres, que l’Espagne, qui a connu elle aussi la dictature et dont les réfugiés ont essaimé à travers le monde, a tout oublié de son passé récent, en moins d’une génération.

J’ose espérer qu’il en sera autrement et que, dans un geste de fidélité à votre passé et d’attachement à votre hospitalité traditionnelle, vous donniez l’ordre à vos services de clore ce dossier à la satisfaction de M. El Barouni et de sa famille.

Veuillez agréer Excellence, l’expression de ma haute considération.

Ahmed Manaï

ITRI

N.B. Comme de coutume, une copie de cette lettre, en langue espagnole, suivra par la poste.