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Pour les Tunisiens qui désirent surfer sur internet, les initiés parmi eux sont amenés à utiliser, entre autres, des serveurs mandataires pour échapper au contrôle de la censure tunisienne. En un mot, au lieu d’accéder directement aux pages désirées, ils passent par un serveur hors du territoire tunisien qui effectue la requête pour eux et leur envoie la page à visiter. Bien entendu, encore faut-il que le serveur mandataire n’ait pas été « blacklisté » par la police tunisienne de l’internet.

C’est exactement le même processus -inversé- que nous avons utilisé pour dénoncer une fois de plus le scandale criminel de la censure tunisienne. En somme, pour observer la censure tunisienne en direct, rien de mieux qu’un proxy tunisien qui ne peut faire un “pas” sans passer par les filtres de la censure de l’ATI (peut-être), du ministère de l’intérieur (ce n’est pas improbable), des ISP (c’est possible) … Bref de ces fameux filtres de Cisco, Nice System, Secure Computing, etc ; et ce, quels que soient les bâtiments qui les abritent.

  •  – Flèches bleues, le cheminement de la requête du mandant vers le serveur mandataire (proxy tunisien).
  •  – Flèches vertes, le cheminement de l’exécution de la requête par le serveur mandataire.
  •  – Flèches rouges illustrent le renvoie de la requête exécutée par le proxy vers l’ordinateur mandant.

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    Tous ceux qui résident en dehors du territoire tunisien et qui souhaitent observer la censure de l’internet en Tunisie en temps réel, s’ils arrivent à dénicher une IP d’un proxy tunisien, alors il leur est tout à fait possible de voir instantanément si tel site ou tel autre est censuré ou pas.

    On l’avoue, cela n’a pas été facile de trouver un proxy tunisien fonctionnel. Depuis des mois, nous en cherchions un qui ne soit pas trop lent. Pour ceux qui veulent essayer de trouver un proxy, n’hésitez pas à passer par Google ou Alltheweb (sur ce lien par exemple).

    Mais, surtout, il faut s’armer de patience, car la plupart sont périmés. En effet, bien que l’on puisse tomber sur des listes entières de proxies tunisiens, en sortir un qui fonctionne, n’est pas aussi fréquent.

    Exemple de listes :

    Une liste de proxies tunisiens sur Aliveproxy.com



    Une autre liste de proxies tunisiens sur atomintersoft.com

    Hélas aucune des IP sur les deux listes n’est encore valide

    I.– La procédure utilisée

    Muni de notre proxy tunisien et pour savoir exactement ce qui se passe lorsqu’une erreur 404 s’affiche, nous avons dans un premier temps utilisé l’excellent logiciel open source « Ethereal ». Celui-ci permet d’intercepter tous les paquets IP. Cette interception permet, en observant les données échangées, de connaître exactement la nature des en-têtes HTTP échangées.

    Interception des échanges de données avec Ethereal

    Ensuite, par commodité, et pour pouvoir procéder aisément à des captures d’écran, nous avons utilisé Firefox avec l’extension « Web Developer » de Chris Pederick. Cette extension permet aussi, bien que d’une manière moins brute, d’afficher les en-têtes « HTTP » échangées.

    Deux navigateurs ont été utilisés. Le premier, Opera, se connecte directement à internet. Le second, Firefox, a été paramétré pour se connecter via le proxy tunisien que nous avons réussi à trouver. Les deux navigateurs ont été juxtaposés afin de visualiser simultanément les résultats des requêtes.

    La session de navigation a duré près de 10 minutes. Elle a été intégralement capturée. Elle l’a été d’un seul trait. Autrement dit, elle n’a fait l’objet d’aucun montage ou une quelconque manipulation. Cette session de navigation a été effectuée le 8 juin 2006, entre 01:09 et 01:20 du matin.

    II.- Les sites visités

    D’abord, il faut préciser que notre objectif n’était pas de dresser une liste exhaustive. Notre but se limitait à produire une démonstration en temps réel de la gravité de la censure en Tunisie. Par ailleurs, il fallait aussi tenir compte de la nécessité d’avoir une séquence vidéo d’une taille raisonnable. Aussi, pour ces raisons, seulement 19 requêtes ont été effectuées.

    Voici la liste dans l’ordre des sites visités :

    -  http://www.google.fr – le moteur de recherche Google ;

    -  http://www.nawaat.org – site tunisien militant pour la démocratie ;

    -  http://www.pdpinfo.org – site du PDP, parti politique reconnu légalement ;

    -  http://www.nahdha.net – site du parti Ennahdha, légalement non reconnu ;

    -  http://www.albadil.org – site de l’organe du POCT, parti légalement non reconnu ;

    -  http://cprtunisie.net – site du CPR, parti légalement non reconnu ;

    -  http://www.fdtl.org – site du Forum démocratique, parti politique reconnu légalement ;

    -  http://www.verite-action.org – site tunisien militant pour la démocratie ;

    -  http://www.reveiltunisien.org – site tunisien militant pour la démocratie ;

    -  http://www.yezzi.org – site de la manifestation en ligne contre le régime de ben Ali ;

    -  http://www.tunisnews.net – Site de la Newsletter TunisNews ;

    -  http://www.kitab.nl – Blog de Sami Ben Gharbia ;

    -  http://www.elkhadra.org – site tunisien militant pour la démocratie ;

    -  http://www.tunezine.com – site tunisien militant pour la démocratie ;

    -  http://www.rsf.org – Site de Reporters sans Frontières ;

    -  http://www.hrw.org – Site de Human Rights Watch ;

    -  http://www.hrw.org/doc/ ?t=mideast – Site de Human Rights Watch rubrique MO et AN ;

    -  http://www.hrw.org/doc ?t=mideast&c=tunisi – Site de Human Rights Watch rubrique Tunisie ;

    -  http://www.carthage.tn – L’un des sites du maître de Carthage.

     

    Hormis les sites de Google, de « Carthage.tn », du CPR et partiellement celui de Human Right Wach, tous les autres sont censurés.

     

    La rubrique Tunisie censurée sur le site Human Rights Watch

    En effet, nous avons été surpris de constater que le site du CPR était accessible à partir de la Tunisie. Pour le site de HRW, la page qui concerne la Tunisie n’est pas accessible contrairement au reste du site.

    III.- Le scandale de la censure doublée du mensonge ainsi que de la fabrication et de l’usage d’un faux.

    Comme chacun le sait, lorsqu’une requête est faite vers une page qui n’existe pas, le protocole HTTP utilise le code 404 pour communiquer cette erreur (cf. RFC2616, sec.X). Si une page d’erreur personnalisée existe, le serveur renvoie le code 404 accompagné de ladite page personnalisée. Si, en revanche, l’administrateur du site n’a pas conçu une telle page, seul le code 404 est renvoyé. Lorsqu’Internet explorer -le navigateur de Microsoft- reçoit uniquement un code 404, il affiche alors cette page locale :

    La page locale 404 d’internet explorer

    Le même protocole « HTTP » gère également les accès non autorisés qu’il signale par le code 403. Ainsi, à chaque fois que le logiciel de filtrage utilisé par la censure tunisienne interdit l’accès à une page, il renvoie le code « 403 Forbidden » (accès interdit).

    Or, au-delà de la censure scandaleuse, on va également chercher à la masquer par la fabrication d’une sorte de faux électronique, en la forme d’une page identique à la page d’erreur 404, affichée par défaut par Internet explorer. En effet, le logiciel de filtrage ne se contente pas simplement d’interdire l’accès, mais il pousse encore plus loin le vice en faisant croire à un dysfonctionnement permanent du site interdit. En somme, plutôt que d’annoncer que l’accès n’est pas autorisé à cette page, en lieu et place une fausse page est fabriquée, puis servie pour faire croire à une éternelle absence de sérieux des auteurs du site.

    Et c’est ainsi que des partis politiques tels le PDP ou le Forum démocratique reconnus pourtant par la loi, (loi votée par l’Assemblée nationale), des partis auxquels la Constitution confie un rôle majeur au sein des institutions républicaines et démocratiques, des partis auxquels la loi fondamentale tunisienne confère un rôle « d’encadrement des citoyens en vue d’organiser leur participation à la vie politique. »(art. 8) se retrouvent non seulement odieusement censurés, mais par ailleurs décrédibilisés par le mensonge de la fausse page 404. Une fausse page systématiquement envoyée à tout Tunisien qui désire s’informer et participer à la vie politique de son pays.

    Afin de dénoncer ces agissements, nous avons systématiquement fait afficher le code renvoyé par l’en-tête « HTTP », en l’occurrence le « 403 forbidden ». Ce faisant, nous avons cherché à faire toucher du doigt tant la censure que les mensonges criminels du régime tunisien.

    Rappelons encore une fois que tout un chacun, de quelque pays qu’il soit, est en mesure d’observer ces exactions en temps réel, pour peu qu’il arrive à se procurer l’adresse d’un proxy tunisien.

    Un Conseil de prudence cependant ; à ne pas utiliser Internet explorer lorsqu’il s’agit de passer par un proxy tunisien. Ceci afin d’éviter de se faire piéger par un navigateur aussi mal sécurisé.

    IV.- La carrence d’effort d’information de la part des censurés.

    Si pour les sites associatifs cette carence d’éléments d’information relative à la censure qui les frappe ne pose pas de problème particulier, il en va autrement lorsqu’il s’agit de partis politiques légaux qui sont particulièrement avares en matière d’information et ce, sur leurs propres sites. C’est le cas du PDP et du FDLT.

    En effet, face à l’extrême gravité de cette censure qui les frappe, de nombreuses interrogations demeurent sans réponses, tant pour le Tunisien que pour les associations et militants désirant apporter leur soutien à ces partis.

    -  Cette censure a-t-elle été signifiée aux partis concernés par les autorités tunisiennes ?

    -  Cette censure sauvage en violation des lois tunisiennes a-t-elle fait l’objet d’un constat par exploit d’huissier pour un dépôt de plainte ?

    -  Y a t-il eu dépôt ou, tout au moins, une tentative de dépôt de plainte de la part de ces partis ?

    Nous savons, certes, que ce genre de dépôt de plainte se heure systématiquement en Tunisie au refus des autorités compétentes, sous la botte du régime, de les enregistrer. Mais il n’en demeure pas moins, qu’il est crucial que ces démarches en vue des procédures judiciaires soient entreprises. Il faut que les auteurs de ces violations caractérisées de la loi sachent que tôt ou tard des poursuites judiciaires à leur encontre sont susceptibles d’aboutir.

    Or, si tel est le cas, pourquoi sur les sites des partis politiques, notamment ceux reconnus mais censurés, il n’y a aucune communication sur la question ? Pourquoi ces partis n’informent-ils pas les Tunisiens sur les détails de cette censure qu’ils subissent au sein d’une rubrique ad hoc ? Pourquoi ne publient-ils pas sur leurs sites les éventuels courriers adressés au ministre de l’intérieur pour faire cesser ces exactions ignobles ? Pourquoi ne communiquent-ils pas à l’attention du monde entier pour démontrer l’extrême gravité – qui est indiscutable- de ces violations qu’ils subissent ?

    Tout particulièrement, la censure des partis politiques reconnus par la loi tunisienne ne concerne pas uniquement le PDP et le FDLT (pour ne citer que ces deux partis), ni d’ailleurs MM. Chebbi ou Ben Jaafâr, elle concerne tous les citoyens Tunisiens eu égard au rôle dévolu aux partis politiques dans le système institutionnel.

    Il est regrettable parfois de constater la débauche d’énergie qui est consentie pour dénoncer certaines violences qui sont, après coup, relativement difficiles à démontrer, étant donnée l’absence de caméras et de témoins et, au même moment, les lacunes en matière de communication pour démontrer à la face du monde, avec une facilité extrême, des violences ignobles non susceptibles, de par leur nature, d’être contestées.

    Et en l’espèce, nous ne sommes pas en présence d’un dossier où tout le monde s’embourbe dans une multitude d’éléments de fait et de droit et où chacune des parties cherche à faire prévaloir sont point de vue. Nous sommes en présence de deux faits avérés et dont le constat est indiscutable : des partis politiques reconnus par la loi, d’une part, et dont le droit de s’exprimer est violé d’une façon illégale, d’autre part.

    Il n’y rien à expliquer, rien à négocier et rien à concéder. Il n’y a qu’à constater l’ignominie des censeurs qui violent la loi et les institutions en toute impunité.

    Astrubal, le 12 juin 2006
    astrubal.nawaat.org
    www.nawaat.org

     
    M-A-J, le 30 septembre 2008
    Voir également sur le même sujet le recours de Zied El-Heni près du Tribunal de Tunis en date du 4 septembre 2008 tendant à faire condamner l’ATI. D’autres commentaires sur mon blog ici et et sur Nawaat sur ce lien sur celui-là et celui-ci.