Des médias libres et indépendants sont un des critère inhérent à une société démocratique. Pour savoir où la Tunisie est en train de se placer il est nécessaire de savoir où en est le développement des médias. C’est le sujet d’une étude réalisée sur le terrain et pendant plusieurs mois par l’UNESCO et présentée cette semaine à Tunis. Une équipe composée de deux experts nationaux Sawsen Chaabi et Bechir Ouarda et d’un expert international, Steve Buckley, est allée à la rencontre des professionnels des médias tunisiens pour dresser un bilan de la situation actuelle dans ce secteur.

En 2008 l’UNESCO a mis en place une liste indicateurs du développement des médias (IDM). Des indicateurs classés selon cinq catégories et qui permettent une méthodologie neutre qui aboutit à une évaluation globale de la scène médiatique nationale.

Bechir Ouarda, Sawsen Chaabi et Steve Buckley ont travaillé d’avril à septembre 2012 a essayer de dresser un bilan du développement des médias en Tunisie. Ils se sont pour ça basés sur le travail de l’INRIC, du gouvernement, des syndicats, de la société civile, des organisations internationales…

De nombreux points de vue ont été rassemblés quant aux différents domaines d’étude. Le premier domaine concerne le système de régulation. Il y est ici question de l’importance de l’adoption d’un cadre constitutionnel et juridique permettant d’assurer la liberté d’expression et la liberté des médias. La deuxième partie de l’étude explore la pluralité et la diversité de la scène médiatique, qui laisse encore à désirer puisque la non application des décrets-lois 115 et 116 freine l’ouverture de cette scène. Le troisième domaine de réflexion examine les performances des médias en tant que plate-forme de débat démocratique, un domaine dans lequel le manque de réformes des structures et d’autorégulation posent problème. Puis l’étude s’intéresse à un quatrième domaine: celui de la formation professionnelle, un domaine dans lequel des institutions comme des associations tunisiennes ont un rôle à jouer. Enfin le cinquième domaine d’étude concerne les technologies de l’information et de la communication et la nécessite d’investir pour leur développement.

Le fait est que parmi les indicateurs aucun ne prend en compte les médias internet. La question de TIC étant plutôt une question d’infrastructure que de contenu dans l’étude. Or dans un pays comme la Tunisie où, du fait de sa réactivité et de sa fluidité, l’information web est de plus en plus prééminente cet « oubli » pose problème et donne le sentiment que l’étude passe à côté d’une partie majeure de la scène médiatique tunisienne.

Des recommandations sans valeur contraignante

Au delà du fond certains professionnels tunisiens présents dans la salle se sont interrogés sur le réel impact de ses recommandations et de l’action de l’UNESCO. Un des participants n’hésitant pas à rappeler qu’à sa connaissance l’UNESCO oeuvrait depuis les années 70 pour le développement de la Tunisie.

Janis Karklins, sous-directeur général de l’UNESCO pour la communication et l’information, ayant participé au SMSI en Tunisie en 2004, présent lors de la conférence de presse, pense qu’il faut du temps et que la formation est essentielle pour que les changements se fassent. Mais surtout ce que les experts comme les membres de l’UNESCO ont répétés c’est l’idée que l’UNESCO s’inscrit plutôt dans une démarche d’accompagnement et que ses recommandations ne peuvent avoir valeur d’injonction. Les Tunisiens présents dans la salle semblent eux attendre plus d’une organisation dont le rôle est pourtant claire. Pas de place à l’ingérence ici. Seuls les citoyens tunisiens peuvent faire changer les choses.

Et pour celà les 50 recommandations de l’UNESCO peuvent être une bonne ligne directrice. Pourtant dans ce moment où la situation ne semble pas favorable aux médias il est normal que les attentes soient fortes.

Steve Buckley, consultant international ayant mené l’étude, comprend les inquiétudes des Tunisiens. Ainsi pour lui la question de la nomination à la tête des médias est un des nombreux problèmes urgents à régler. L’absence d’application du décret 116 créant un vide juridique, qui permet au Premier Ministre de faire les nominations, comme c’était le cas lors de la période de Ben Ali ou lors de la période transitoire préélectorale. Rien n’a changé finalement. Avec, tout de même, une différence importante aujourd’hui :

« Pendant la période transitoire on trouve des éléments de justice révolutionnaire, un certain niveau de consultation, l’INRIC était engagée dans le processus de discussion avec le gouvernement, on trouvait un certain consensus autour de la nomination des nouveaux dirigeants qui étaient acceptés. Le nouveau gouvernement ne fait pas de consultation, alors que l’INRIC était encore là lors de sa prise de fonction. Les journalistes n’ont pas été consultés et il n’y a a pas eu de consensus, ce qui, dans le contexte qui continue d’être transitoire et qui continue d’être révolutionnaire, semble être une approche un peu contre révolutionnaire. »

Le rapport :

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