Les participants aux Ateliers destinés aux journalistes tunisiens intitulé « comment les medias peuvent jouer un rôle majeur pour faire prendre conscience des problèmes et succès environnementaux en Tunisie ». Crédit photo : Mona Semari | nawaat.org

Le 13 avril dernier, dans le cadre du lancement du Réseau Tunisien de Reportage sur l’Environnement (TERN), s’est tenu un atelier destiné aux journalistes tunisiens intitulé « comment les medias peuvent jouer un rôle majeur pour faire prendre conscience des problèmes et succès environnementaux en Tunisie ». De nombreux acteurs de la société civile étaient présents afin de sensibiliser les journalistes participants sur les enjeux environnementaux. Le changement climatique a constitué l’un des thèmes majeurs abordé dans ce qui s’annonce comme une course contre la montre et pour la vie.

« Les journalistes aiment les chiffres…Mais le plus difficile est de les faire parler et de démontrer grâce à eux la gravité de la situation environnementale dans laquelle se trouve notre pays. Ce n’est plus une question de vie mais de survie. Depuis le 14 janvier, les pouvoirs publics n’ont accordé aucune importance aux problèmes environnementaux. Il faut savoir que la révolution a un coût environnemental terrible qui n’a pas attiré l’attention des médias», a expliqué Mounir Majdoub, président de l’Association Alternatives.

Sponsorisé Internews Europe et Earth Journalism Network et Internews, l’atelier initié et coordonné par Mona Samari visait notamment à pallier ce vide en créant un Réseau Tunisien de Reportage sur L’Environnement (TERN). L’hypothèse de départ est la suivante. Il est impossible de responsabiliser le citoyen des problèmes environnementaux en Tunisie lorsque le journaliste les ignore et n’en saisit pas la gravité. Pendant une journée, différents thèmes tels que la gestion des déchets, la dégradation des terres agricoles ou la surpêche ont été superficiellement, mais suffisamment, brossés pour aboutir à une conclusion : l’état des lieux de l environnement en Tunisie est catastrophique. Parmi les sujets abordés, le changement climatique, un terme scientifique derrière lequel se cachent des réalités perceptibles a suscité un grand intérêt.

Changement climatique, la grande lutte environnementale

Objet « star » de la communauté scientifique, le changement climatique (CC) a fait l’objet de multiples rapports. Si tous adoptent des angles différents, ils partent des de la même hypothèse, aujourd’hui (quasi) communément admise. Certes plusieurs scénarios existent mais le changement climatique est une réalité au jour d’aujourd’hui.

« Le réchauffement du système climatique est sans équivoque. On note déjà, à l’échelle du globe, une hausse des températures moyennes de l’atmosphère et de l’océan, une fonte massive de la neige et de la glace et une élévation du niveau moyen de la mer », notait en 2007 le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) dans un rapport qui lui avait valu un prix Nobel.

Fondé en 1988, le GIEC, un organisme purement scientifique, définit le changement climatique comme « la variation de l’état du climat que l’on peut déceler par des modifications de la moyenne et/ou de la variabilité de ses propriétés et qui persiste pendant une longue période, généralement pendant des décennies ou plus ». En langage commun, le CC prend en considération deux composantes : l’évolution « naturelle » du climat et l’action (prédatrice) de l’Homme. En effet, contrairement aux idées reçues, il y a toujours eu un effet de serre naturel. Toutefois, la pollution de l’Homme qui s’est accentuée ces dernières années a renforcé cet effet de serre, altérant l’équilibre de la planète. Toujours dans son rapport, le GIEC a déterminé une série de scénarios dépendant de plusieurs facteurs, scénarios qui « montrent ce qui va se passer si on continue à agir de telle ou telle manière, ou si on change dans tel ou tel secteur ».

Nous vivons avec le changement climatique…

Toutefois, derrière les termes scientifiques et les précautions de mise, le changement climatique dissimule une dure réalité. En effet, les experts sont catégoriques. Le doute n’est plus permis… Le changement climatique est une réalité avec laquelle avons commencé à vivre. Ainsi, selon le même rapport du GIEC, « Onze des douze dernières années (1995–2006) figurent parmi les douze années les plus chaudes depuis 1850 ».

Si l’élévation de la température est le « symptôme » le plus connu, le CC est caractérisé par d’autres impacts tout aussi préoccupants. Le réchauffement de la planète entraine l’élévation du niveau de la mer, entrainant une érosion des littoraux. Les précipitations augmentent dans certaines régions telles que l’Amérique du Nord et du Sud et diminuent drastiquement en Méditerranée. Enfin, ajoutent les experts, il est probable de voir des phénomènes dits extrêmes (cyclones tropicaux, inondations, sécheresse, etc) s’accentuer. Ces changements s’accompagnent automatiquement de conséquences sur l’activité humaine.

Le dernier cri d’alarme « institutionnel » date de 2012. Dans un rapport scientifique intitulé « Turn down the heat », publié le 18 novembre 2012, la banque mondiale alertait :

à défaut de mesures concrètes de lutte contre le changement climatique, la communauté internationale pourrait bien subir les conséquences catastrophiques d’une hausse de 4 degrés de la température moyenne d’ici la fin du siècle, y compris des vagues de chaleur extrême, une baisse des stocks mondiaux de denrées alimentaires, et une élévation du niveau des mers qui pourrait toucher des centaines de millions de personnes ».

Qu’en est-il de la Tunisie ?

La Tunisie n’échappe aux changements climatiques. Bien au contraire… En 2009, dans un rapport effectué en partenariat avec le ministère de l’Environnement intitulé « Changement Climatique du global au régional », les experts de la coopération technique allemande (ex-GTZ devenue GIZ) dressait un constat était clair. Certes, la Tunisie émet peu de gaz à effet de serre mais elle commence déjà à subir les conséquences du changement climatique de plein fouet. Quels que soient les scénarios, la température enregistrera une hausse et une diminution des précipitations. Le pays risque de connaitre davantage de phénomènes extrêmes, dont la sécheresse. Le premier impact est la baisse en « ressources en eaux conventionnelles », une baisse lourde de conséquence notamment pour l’agriculture. Une évolution accélérée du niveau de la mer entraînerait des impacts sur ce littoral. D’ailleurs, une érosion relativement importante est déjà observée dans certaines régions, comme Djerba ou Monastir…de quoi révolter la société civile. « Lorsque les gens entendent le terme de changement climatique, ils pensent ours polaires et fonte des glaces. Je crois que vous n’avez pas saisi ! Aujourd’hui certains de nos littoraux ont d’ores et déjà reculé sous l’effet de l’érosion. Certains hôtels n’ont plus de plages à Sousse ! Il faut avoir une stratégie et vite, c’est-à-dire commencer à envisager à construire de nouvelles villes car le changement climatique provoquera inéluctablement des déplacements d’habitants », a déclaré Mounir Majdoub.

Certes, le changement climatique est un phénomène global. Toutefois, il faut commencer par réfléchir à comment s’y adapter localement car nous allons y venir tôt ou tard. Selon moi, en ce qui concerne le CC, l’homme est le problème, la victime mais il est la solution

, a tempéré Ghazi Gader, expert chargé du projet changement climatique à la GIZ.

L’organisation allemande ne s’est contentée de dresser un bilan. Elle a également proposé des stratégies d’adaptation, stratégies que nous aborderons dans nos prochains papiers.