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Scènes de désolation et de chaos en marge d’un meeting Nidaa Tounes à Béja sous l’égide de Mohsen Marzouk samedi 19 septembre. L’incident vient rappeler que le parti au pouvoir, toujours sans congrès à ce jour, fait l’objet d’une âpre lutte de succession entre deux principaux camps. A Tunis, où des altercations fratricides similaires ont eu lieu dans les mêmes circonstances, des voix s’élèvent pour accuser Hafedh Caïd Essebsi d’être derrière des provocations savamment orchestrées.

Homme pressé, en orbite vers de plus grande ambition depuis la mi-mai 2015 quand il quitta précocement son poste de conseiller du président de la République pour se consacrer au fastidieux travail de conquête du parti dont il devenait secrétaire général, Mohsen Marzouk multiplie les visites en région.

A ce titre, le Nord-Ouest revêt une importance toute particulière, une région pauvre mais frontalière où la rhétorique antiterroriste de la « droite populaire » trouve une oreille réceptive. Nidaa Tounes y avait réalisé l’un de ses meilleurs scores aux législatives comme à la présidentielle, respectivement 3 sièges contre 1 pour Ennahdha à Béja et au Kef, et 70 à 75 % au second tour pour Béji Caïd Essebsi, ce qui avait valu à cette dernière circonscription l’appellation ironique de « perle du Sahel » par les facétieux réseaux sociaux, pour avoir totalisé davantage de votes BCE que le fief historique de Monastir.

Pour autant, impossible hier pour la valeur montante du parti d’entamer son meeting à Béja. En cause, l’organisation qui aurait vu trop grand, en affrétant des bus du Kef voisin pour remplir la salle. Bousculades, demandes d’apartés avec le secrétaire général pour requérir des aides sociales… La réunion se transforme en rixes avec le service d’ordre, sur fond de conflits régionalistes. « Nous brûlerons les voitures du cortège de Mohsen Marzouk quand il arrivera au Kef ! », menace une sympathisante Nidaa qui réagissait à une fin de non-recevoir.

C’est que dans son refus de recevoir en privé un à un les groupes de militants, le numéro un du parti a sans doute commis une erreur de communication, voire une faute politique, en attisant les sensibilités régionales. Renouant avec une certaine insolence caractéristique du style Marzouk, il lança : « Puisque vous le prenez ainsi, je ne vous parlerai pas, ceci est la réunion avec les gens de Béja, les autres peuvent quitter les lieux », en direction d’une foule indignée.

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Consacré également au projet de loi sur la réconciliation économique, un meeting organisé le même jour à Tunis en présence de Saïda Garrach et de Boujemâa Remili a subi le même sort. Suspendue, la réunion a fini par être désertée par la moitié de la salle. Voulant se montrer stoïque, Mohsen Marzouk s’est tout de même livré à un court exposé autour de sa dernière trouvaille : des aménagements cosmétiques de « son » projet de loi, désormais rebaptisé « Loi sur la réconciliation et le développement des régions défavorisées », visiblement dans le but de donner une dimension plus sociale à un projet perçu par l’opinion publique comme destiné à certaines élites financières amnistiées.

« Il est temps pour le gouvernement de prendre des décisions audacieuses, loin de la politique des mains tremblantes » a martelé Marzouk, laissant présager d’une volonté d’un passage en force, à l’image de ce qu’a suggéré récemment Lotfi Dammak, conseiller juridique à la présidence de la République, pour qui « soumettre le projet de loi à un débat national est une perte de temps ».

Ce n’est pas la première fois qu’un épisode violent ponctue la vie de ce jeune parti de trois ans d’âge, surtout à l’approche de grandes échéances nationales, régulièrement émaillées d’intimidations de « milices ». Début 2014, Abdelaziz Mzoughi en avait fait les frais. Appartenant au camp dit de l’aile gauche de Nidaa, il fut malmené par des gros bras selon lui mandatés par ce même camp soupçonné aujourd’hui de recourir à nouveau au « banditisme politique » : le bras RCDiste, rompu aux méthodes de barbouzes.

Membre du bureau politique de Nidaa Tounes, Abdelmajid Sahraoui accuse Caïd Essebsi junior, l’un des vice-présidents du parti, de conspirer pour saboter les réunions où Mohsen Marzouk empiète sur ses prérogatives et marche sur ses platebandes de coordinateur régional. Concrètement cela passe selon Sahraoui par le recours à « une dizaine de mercenaires » missionnés samedi à Tunis pour « faire du grabuge ».

Indépendamment des intrigues internes, il était du reste prévisible qu’un parti qui a, selon les observateurs, largement usé de l’argent politique durant son ascension fulgurante, attire une audience démunie parfois plus intéressée par les aides sociales que le sujet à l’ordre du jour des meetings.

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Autre constante, comme à chaque crise interne, il est d’usage pour celui en quête de pouvoir de se tourner vers le principal mécène étranger allié du parti : les Emirats Arabes Unis. Ainsi Mohsen Marzouk effectuait mercredi 16 septembre « une visite protocolaire » à l’ambassade des Émirats Arabes Unis qui n’est pas passée inaperçue.

Dimanche 20 septembre, c’était au tour du président Béji Caid Essebsi de préférer une visite d’urgence aux Emirats à ses autres obligations internationales, afin de présenter ses condoléances à l’Emir de Dubaï, Mohammed ben Rachid Al Maktoum, en deuil de son fils aîné décédé d’une crise cardiaque à 34 ans.

A l’aune de cette instabilité et de ces guerres d’influence, c’est bientôt le rapport de force politique et parlementaire qui pourrait être bouleversé par une fuite en avant destructrice, les appétits de pouvoir pouvant à terme scinder en deux le premier parti du pays, et autant de blocs parlementaires, avec toutes les conséquences que cela impliquerait aux imminentes élections municipales. Parti doctrinaire autrement plus patient et uni, Ennahdha en sortirait comme le premier bénéficiaire.