Audelà de YouTube, la publication de cette vidéo a suscité et suscite encore beaucoup de commentaires sur notre site, certaines personnes, reprochant même à Nawaat de l’avoir publiée.

La vidéo n’est pas datée, ni localisée et l’image et le son ne sont pas de très bonne qualité et pourraient avoir été enrigstrés avec un téléphone portable. Il n’y a que l’accent des quatres enfants, et les quelques éléments d’architecture qu’on décèle dans l’arrière plan qui pourraient suggérer qu’ils sont originaires du sud tunisien.

Les images sont choquantes et révoltantes et l’attitude de l’interviewer qui se tient derrière la caméra, est obscène et voyeuriste, allant jusqu’à profiter de l’état dans le quel se trouvaient les enfants pour leur suggérer des réponses à ses questions. C’est dire à quel point il fallait prendre ces images avec précautions. Des précautions, nous n’avions certainement pas pris assez en relayant cette vidéo ainsi, sans l’accompagner des explications nécessaire pour la remettre dans son contexte.

Mais, cette vidéo, aussi insoutenable soit-elle, ne fait que mettre des visages sur un phénomène connu de tous et qui touche toutes les villes tunisiennes. Et c’est surement ce qui la rend encore plus, insupportable. Ne pas la diffuser ne contribuerait-il pas à renforcer la passivité générale devant ce phénomène.

Une passivité qui émeut même le quotidien La Presse qui lui a consacré récemment un article dans sa rubrique “Société”, sobrement intitulé : “«Sniffer» aujourd’hui, drogué de demain“. Le journal d’habitude plus discret sur le revers de la médaille du “model tunisien”, s’alarme à juste titre qu'”en dehors peut-être des parents dont les enfants sont accros à la colle ou à tout autre solvant, la question reste taboue. On en parle peu et cela semble convenir à tout le monde

Le phénomène de la “dépendance aux solvants organiques chez l’enfant et l’adolescent” serait si répendu en Tunisie que “l’Association tunisienne de la prévention de la toxicomanie, décide de de lui consacrer, au cours de l’été passé, un séminaire à Sfax s’appuyant sur une étude menée par le Dr Chakroun de l’Institut de la santé, de la sécurité et du travail sur un échantillon de 44 jeunes entre 11et 23 ans, tous soupçonnés de pratiquer l’inhalation de colle solvante. Le Pr ML Masmoudi du CHU Hédi Chaker de Sfax estime quant à lui que s’en est même devenu “un problème de santé publique” :

“Les résultats de cette enquête ne laissent aucun doute quant à l’impact sur la santé des jeunes. […] Il a été prouvé que les produits inhalés contiennent des composés pouvant causer la dépression du système nerveux central et le dysfonctionnement cardiaque.”

Une étude canadienne s’est également penchée sur le sujet et nous livre une image plus détaillée des effets de l’inhalation sur les adolescents :

“L’intoxication continue aux substances inhalées entraîne des échecs scolaires, de la délinquance et un comportement asocial. […] Une conséquence de l’abus chronique, prend la forme de dommages au système nerveux central provoquant de la démence et une dysfonction cérébelleuse. En général, on remarque une perte des fonctions cognitives et des autres fonctions supérieures, des troubles locomoteurs et une perte de coordination. […] Ainsi, étant donné que le cerveau est un organe riche en lipides, l’abus chronique de solvants dissout les cellules cérébrales.”

Comme on vient donc de le voir, cette vidéo ne montre pas un phénomène marginal mais bel est bien un “problème de santé publique” et même entachée par l’attitude de la personne qui filmait, les images n’en demeurent pas moins, l’un des rares témoignages sur ce problème.

En effet très peu d’études à grande échelles faites sur le sujet aux niveaux des pays du Maghreb malgré une prolifération des cas dans la région. Toutefois les études faites dans d’autres pays du monde ont toutes montré une corrélation entre dépendance et milieu socio-familial pour ces enfants et adolescents. comme l’a démontré l’étude citée plus haut :

“l’utilisation chronique tend à être endémique dans les quartiers urbains défavorisés et dans les régions éloignées, où l’on trouve aussi du chômage, de la pauvreté, de l’abus d’intoxicants et de la dysfonction familiale. […] Les enfants de familles dysfonctionnelles, qui ont intégré la violence et l’abus d’intoxicants dans leur vie quotidienne, sont plus susceptibles de se lancer dans une expérimentation des drogues qui finit par se dégrader en un abus chronique.”

Derrière ce drame humain de ces enfants accro à la colle, glisse donc en toile de fond, la pauvreté et la misère sociale. Et quand on entend l’accent du sud des enfants sur la vidéo on sait à quel point cela est encore plus vrai pour eux.

 

La rédaction
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