Ali Anouzla, directeur d’un site d’informations, a été arrêté au Maroc. De nombreuses personnes crient à la censure. Le point.
Le directeur de la version arabophone du site d’information marocain Lakome, Ali Anouzla, a été arrêté mardi 17 septembre 2013 au matin, à Rabat, capitale du Maroc.
Officiellement, c’est la publication, le week-end précédent sur le site Lakome, d’une vidéo d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) s’en prenant directement au régime marocain et appelant au jihad qui est la raison de son arrestation.
La version française du site Lakome a en effet publié la vidéo en question sur son site, tandis que la version arabophone du site a publié un lien hypertexte vers la vidéo en question.
Au Maroc, les lois anti-terroristes permettent a priori l’arrestation de personnes relayant des messages de groupes terroristes. En 2003, un journaliste bien connu au Maroc, Mustapha Alaoui, avait été emprisonné pour la publication d’un communiqué de type terroriste, sous couvert des lois anti-terroristes. Mais à l’heure qu’il est, les avocats de Ali Anouzla ignorent s’il est bien poursuivi dans le cadre de ces lois – adoptées en 2003.
Et comme le rappellent les équipes de Lakome : « Le fait même de diffuser une vidéo d’AQMI est une pratique constatée dans les médias internationaux. »
Pas un relai d’Al-Qaïda, mais un poil à gratter
Ali Anouzla a créé le site Lakome en 2010. En 2011, le journaliste Aboubakr Jamaï le rejoignait pour lancer la version francophone du site. Anouzla fait figure de journaliste indépendant et courageux au Maroc. La fameuse affaire dite du « DanielGate », qui a marquée l’été 2013 au Maroc, fût en partie révélée grâce à lui. En juin 2013, lors d’un voyage royal long et marqué par l’absence de communication, Anouzla avait carrément titré son éditorial « De l’absentéisme royal ». Et ce n’est pas la première fois que Anouzla a maille à partir avec la justice ou les autorités. En 2009, alors qu’il travaillait pour le journal Al Jarida Al Oula, il avait fait l’objet d’une enquête suite à la publication d’un article concernant l’état de santé du monarque Mohammed VI.
Assumant la paternité de la publication de la vidéo et assurant que des agents se sont emparés des unités centrales des ordinateurs de la rédaction, Aboubakr Jamaï a déclaré dans la presse marocaine :
C’est clair, le régime veut déstabiliser le fonctionnement du site et sa capacité de production. Et discréditer sa ligne pro-démocrate face à un régime autoritaire.
Selon une source interne à Lakome, la version arabophone du site « reçoit en moyenne 2,5 millions de visites par mois. »
Solidarité
Sur Twitter, de nombreux marocains commentent l’affaire, en utilisant divers hashtags, parmi lesquels #FreeAnouzla. Sur Facebook, plusieurs pages de solidarité ont été crées, recueillant des milliers de clics.
La puissante Association marocaine des droits humains (AMDH) a publié un communiqué de soutien à Ali Anouzla, tandis que de nombreux professionnels des médias se sont offusqués du manque de soutien à Ali Anouzla de la part du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM), jugé sur les réseaux sociaux tantôt « timoré », tantôt carrément « aux ordres ».
Un sit-in de solidarité avec Ali Anouzla est prévu ce soir 18 septembre à Casblanca, à 18h, devant le siège de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ).
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