Pourquoi on s’attend à ce que je dise non alors que je vois sa nécessité pour le secteur ?
Abdellatif Mekki
Cette phrase a été prononcée par le ministre de la Santé tunisienne, Mr Abdellatif Mekki en parlant du projet de loi 38/2013. Telle qu’on la voit, elle est conjuguée à la première personne du singulier. D’après lui, il détient le droit, les connaissances et les prérogatives pour décréter une telle loi qui touche à tout le système de santé publique en Tunisie.
Le conflit Mekki-médecins internes et résidents est le sujet de litige d’actualité. En effet, ce forcing a été suscité suite au parachutage d’un projet de loi qui impose un travail obligatoire de trois ans aux médecins spécialistes et leur interdit de s’établir dans le privé après l’obtention de leurs diplômes qui est justement, une qualification scientifique qui, en n’aucun cas, ne peut se relier à une obligation.
Mais les voix des propagandistes supporters du ministre de la santé ont détourné le sujet qui est devenu, entre autres à cause d’eux, un problème régionaliste et plus un problème d’affectation obligatoire car ce projet de loi, dans l’apparent, il favorise ce qu’on appelle « la discrimination positive » alors qu’il a été parachuté sans étude des lieux, sans prévoir un budget ni demander l’avais des concernés : les médecins internes et résidents. Ces derniers se sont opposés à ce projet. Cette décision a été jugée : abusive, populiste et non responsable. Dès lors, l’image des médecins s’est détériorée d’un coup et désormais, ils qualifiés de capricieux, régionalistes et non patriotes.
Pour cela, une mise au point s’impose sur le système éducatif dans les facultés de médecine en Tunisie, la plage horaire du travail et les rémunérations.
Pour commencer, la carrière médicale est sans fin. Après le bac, l’étudiant en médecine parcoure cinq ans d’études médicales avec des stages, non payés, de demi-journée à partir de la 3ieme année où on est surnommé médecin externe. Au bout de la cinquième année, on entame deux années d’internat avec des changements de service tous les 4 mois. Donc 6 stages en tout entre chirurgie, médical, gynéco, pédiatrie. On est appelé médecin interne. Le médecin interne touche dans les 700 dt/ gardes non payée y compris les gardes portes (dans les urgences). A la fin de l’internat, on peut soit soutenir une thèse pour être généraliste sinon passer le concours de résidanat. Si on a le concours, on commence la spécialité pour une période de cinq ans, toujours dans les établissements publics étant encore des stagiaires dans des centres hospitalo-universitaires (CHU) et qui doivent être encadrés par des séniors. Le médecin résident touche dans les 900 dt/ gardes payées selon la spécialité (de 20 à 40dt/) et tout cela sans repos hebdomadaire et sans repos de sécurité.
Après obtention de l’examen de fin de spécialité, on peut passer le concours d’assistanat pour devenir assistant hospitalo-universitaire ou on peut postuler a un poste de médecin de santé publique (non universitaire ) dans des hôpitaux universitaires ou régionaux mais après la fin de spécialité, la majorité s’installe en privée.
Plusieurs mesures ont été prises par le SIRT (Syndicat des Internes et Résidents de Tunis) dans le but de dissuader le ministre de faire passer la loi à l’ANC et la promulguer telle qu’elle est.
La stratégie des syndicalistes était ascendante pour ne pas cliver les canaux de dialogue entre le ministère et les médecins. 3 grèves ont été organisées, 2 jours, une semaine et une semaine. Entre temps, le syndicat a déposé plusieurs demandes d’audience avec Dr Mustapha Ben Jaafar qui sont restées sans réponse avant de passer à boycotte des hôpitaux !
Il faut signaler que même en grève, les services d’urgences et de permanence ont été assurés en plus que la disposition des médecins assistants et agrégés puisqu’ils ne sont pas directement concernés par ce projet de loi en plus que les internes et résidents de garde.
Mis à part l’agression du Pr Chokri Kaddour, la réaction officielle du ministère a été très violente, on est même arrivés à faire sortir des médecins de chez eux par la force de l’ordre pour aller travailler. Ce qu’on appelle des médecins réquisitionnés. Ce manque de respect à l’égard des médecins les a poussé à bout et ont décidé de mettre fin à toute tentative de dialogue de porter plainte en s’appuyant sur l’article 8 du pacte II de l’ONU et la La convention n° 29 de l’OIT (Organisation Internationale du Travail).
Avec tout cela, Mr Abdellatif Mekki tenait bon au projet de loi jusqu’au 08/01/2014 lors d’une conférence de presse où il a proposé de rabaisser le mandat de un an et ne pas discuter la loi avant au moins deux mois. Cette concession a été rejetée par les médecins qui demandent un moratoire et un dialogue national autour de la santé publique en Tunisie entretenu non pas seulement par le ministère de la santé, mais aussi par le ministère de la finance et le ministère de l’équipement.
Sinon, les jeunes médecins se sont réunis sur des groupes sociaux et des brainstormings sur internet pour proposer des alternatives et donner des solutions pour faire bénéficier les régions nécessiteuses des services médicaux.
Pour cela, on cite l’une des propositions donnée par Dr Hédi Ben Slama, AHU à l’hôpital régional Fattouma Bourguiba à Bizerte (le médecin imaginaire selon le ministre de la santé) . Habitant à Tunis, il fait la navette chaque jour pour la seule et unique raison, que cet hôpital dispose d’une salle de cathétérisme alors qu’il avait le choix d’autres hôpitaux, il dit :
« Voici ma proposition pour l’amélioration des soins au niveau des hôpitaux dits de l’intérieur
D’abord, il faut bâtir toute la réflexion sur deux faits.
1- L’état ne peut améliorer et restructurer à court et à moyen terme toutes les structures hospitalières ni même une partie d’entre elles. La restructuration d’un seul hôpital pour chaque région est plus réaliste. Ainsi, il serait préférable d’investir sur un hôpital pour la région Nord Ouest, un pour la région Sud Ouest et un pour la région Sud-est ; les structures périphériques à ces hôpitaux en ressentiront indirectement l’impact positif.
2- Le médecin spécialiste comme tout individu à l’âge de 32 ans en moyenne cherche à la fois l’épanouissement sur le plan professionnel et individuel avec stabilité sur le plan familial.
Pour que ce médecin veuille et accepte de son propre grès travailler à l’intérieur il faut qu’il y ait 4 conditions :
- L’existence de moyens d’accès par autoroute afin de rapprocher ces régions aux villes côtières aux grands centres Universitaires. Ceci impose l’achèvement de l’autoroute transmaghrébine en particulier des tronçons Sfax-Gabès, et le prolongement de l’autoroute Tunis –Mjez Beb – Oued Zerga vers Béja. Accélération de l’étude de l’autoroute reliant Tunis à Kairouan, Sidi Bouzid, Kasserine et Gafsa sur 360 kilomètres par la Direction générale des ponts et chaussées relevant du ministère de l’Équipement;
- Amélioration de l’infrastructure préexistante : Les hôpitaux de Béja, Gabés, Gafsa pourraient être les trois premiers bénéficiaires pour représenter les trois pôles régionaux déjà cités;
- Une vraie incitation financière via une vraie indemnité de transport et une augmentation de la prime de garde avec indexation de l’heure de garde à l’heure matinale;
- Réaménagement du temps de travail à 5 jours et donner la possibilité au médecin spécialiste de continuer à exercer en parallèle dans l’un des grands hôpitaux des grandes villes pour amélioration dans la sous spécialité qu’il souhaite.
En Résumé, il faut se donner les moyens de nos ambitions. Les monstrueuses sommes allant à « sondouk al karama » iraient mieux à ces investissements. »
Le deuxième témoignage à propos ce sujet, est celui d’un jeune médecin qui a été « expulsé » à Gabès sans matériel ni assez de formateurs pour sa carrière médicale. Dr Slim Hamroun, médecin résident en anesthésie et réanimation à l’hôpital régional de Gabès :
J’ai beaucoup à dire concernant ce sujet. Je suis l’exemple d’un spécialiste qui a accepté de plein grès qu’on décide pour lui, qui a suivi toute les décisions du ministère, qui a bouleversé sa vie privé pour aller s’installer à 400 km de chez lui, bref je veux parler de mon expérience : envoyer un jeune anesthésiste réanimateur dans un hôpital avec plus de 44 chirurgiens 8 salles opératoires et une réanimation médicale de 8 lits. En fait dans ces conditions on ne peut pas faire grand chose avec toute la bonne volonté, et eux ils s’en fichent pas mal de ce qu’on fait et de ce qu’on n’a pas fait. L’essentiel pour eux d’avoir un responsable. C’est-à-dire, on ne cherche pas pourquoi un polytraumatisé est mort ou qu’est ce qu’on aurait pu faire pour lui, mais on cherche juste à dire qu’il est mort malgré la présence d’un anesthésiste réanimateur. De point de vue formation et qualité c’est un pur suicide pour ce jeune de se lancer dans la médiocrité pendant 3 ans. Par exemple, pour moi cela fait 3 ans que je n’ai mis une péridurale, 2 ans que je n’ai pas réanimé avec un cathéter artériel, ni avec une gazométrie bref un pur suicide. J’ai beaucoup de choses à dire. Soyez solidaires, sauvez votre médecine.
Dr Slim Hamroun, médecin résident en anesthésie et réanimation à l’hôpital régional de Gabès
Ce que les gens n’ont pas compris, ce n’est pas le fait que les médecins refusent de travailler dans les régions de l’intérieur, il faut se pose les bonnes questions pour savoir pourquoi ils se sont acharnés contre ce projet de loi. Un tel dispatching ne peut pas se faire suite à une décision prise à la hâte d’un gouvernement démissionnaire. Et si on parlait révolution, le jeune médecin n’accepte plus qu’on décide pour lui, qu’il se fait rouler dessus pour des fins populistes et purement politiques. Il a le droit de revendiquer ses droits syndicalistes et travailler dans les meilleures conditions pour assurer aux patients les meilleurs services médicaux dont ils disposent.
PS : les membres du conseil de l’ordre des médecins sont furieux contre leur confrère Abdellatif Mekki et d’après les échos ils songent sérieusement à l’évincer du conseil. Donc, une fois mandat écroulé, il faudra que Mr Mekki cherche où se réfugier et trouver un autre travail puisqu’aucun n’acceptera de bosser avec lui, lui le médecin qui n’a jamais exercé.
Ces informations ont été fournies par Dr Issam Ben Ayed, assistant hospitalo-universitaire en anesthésie et réanimation à l’hôpital Charles Nicolle et Dr Karim Abdellatif, résident en orthopédie et membre du SIRT.
ya3tik essaha,mais je tiens a vous signaler qu’ il y a 5 syndicats qui sont entrain de se battre contre cette loi,SIRS (SOUSSE),SIRS (SFAX) ,et SIRM(Monastir) et SIRFMD(Dentaire);et les décisions sont intersyndicales et tous les communiqués sont pris aprés discussion commune:donc mentionner le SVP,il y a des gens qui font un travail enome dans les autres faculté ,avec bcp de pression ,des sit in ouvert,minimum 9 bus de chaque faculté le jour de la marche,et une pression enorme pour trouver les solutions et imposer le soutien de plusieurs organisations et organismes!de ma part je salut SIRS sousse pr la discipline et la rigueur et l’avance de phase,tous ce que vous faites est exemplaire
On nous submerge d’un tas de détails pour cacher les vrais problèmes qui se situent à 2 niveaux:
1er niveau: Les medecins actuels, vieux ou jeunes, installés ou stagiaires ont tort de refuser le principe de travailler dans les régions de l’intérieur, quelque soient leurs raisons. Ils seront obligés de le faire avec ce pouvoir (des islamistes) comme avec quel autre pouvoir (même démocratique).
2ème niveau: le ministère ont tord de vouloir imposer ce principe pour cacher leur incempétence durant ces 2 dernières années à améliorer le système de santé existant.
Sans doute que pour proposer à la population des structures de soins et une médecine dignes de ce nom, il faudrait avoir une politique de santé publique. Les disparités entre la capitale et ses périphéries sont aveuglantes, mème si certaines “capitales régionales” sont mieux dotées que d’autres. Les malades meurent dans les hopitaux publics, souvent sans avoir bénéficié des soins adéquats que leur situation commande.
Les médecins, quelles que soient leurs spécialités, auraient un plus grand mérite à batailler pour une équité de traitement devant la souffrance et la maladie. Et, pour ce faire, exiger les équipements et le personnel dans des structures soignantes accessibles aux plus humbles. En somme, contribuer à rendre résiduelle une médecine à plusieurs vitesses, attentive aux fortunés et indifférente aux pauvres.
Par ailleurs, qu’ils recoivent des émoluments à la hauteur de leur qualification ou de leur engagement professionnel, cela est compréhensible. Mais, nous invoquer toutes sortes de motifs, tant personnels que techniques, pour refuser un “décentrement” ou tout bonnement un service de quellques trois ans, eux qui ont bénéficié d’une formation longue et couteuse -qui leur a couté, certes!- dans les établissements publics, me parait une revendication un peu excessive, pour ne pas la qualifier de corporatiste.
Les soignants ne sont pas seuls à effectuer de longues études qui contraignent à des “sacrifices”. Dans un pays qui tente de s’émanciper de siècles d’avanie et d’injustices sociales et économiques, il serait juste que les favorisés consentent à quelque “sacrifice”. Ils auraient, ce faisant, mis leur quote-part dans la corbeille de la “révolution”.
Malheureusement Abdellatif El Mekki a atteint son objectif: présenter Ennahdha comme l’allilée des régions déshéritées contre le grand méchant médecin égoiste. L’image des médecins a été sérieusement écornée.
Je propose de lui faire payer ce populisme irresponsable et indigne: Médecins tunisiens, ne dispensez plus aucun soin à cet homme ni à sa famille. Qu’il sache ce qu’il en coûte de sacrifier la réputation des autres pour son ambition personnelle.