Lorsqu’on évoque la constitution et la religion dans les Etats musulmans, les concepts -ou même parfois simplement les termes- deviennent tellement à contenu ou à portée variable, qu’ils finissent par paraître rebelles aux définitions, voire même aux délimitations. Cela semble être vérifiable s’agissant de l’Etat musulman, de la constitution et de la religion.
Lorsqu’on évoque la constitution et la religion dans les Etats musulmans, les concepts -ou même parfois simplement les termes- deviennent tellement à contenu ou à portée variable, qu’ils finissent par paraître rebelles aux définitions, voire même aux délimitations. Cela semble être vérifiable s’agissant de l’Etat musulman, de la constitution et de la religion.
L’Etat musulman
L’Etat musulman est-il singulier ou peut-il être conjugué au pluriel ? Question fondamentale dans le monde musulman. A priori, la multitude n’a pas de raison d’être en Islam ou plus précisément dans une certaine pensée musulmane. La communauté musulmane, la Umma est UNE et INDIVISIBLE, unie de manière trans-frontalière, trans-temporelle autour du message du prophète Mohamed, autour de l’Islam (2). Officiellement pourtant, c’est la division ou du moins la nette différenciation qui est consommée.
C’est la multitude qui prévaut, de manière officielle et quotidienne depuis qu’il a été mis officiellement fin, en 1924, au régime du califat qui symbolisait l’unité de l’Umma beaucoup plus d’ailleurs qu’il n’en exprimait l’intégration politique. Il n’y a plus lieu, dès lors, de faire état de l’Etat musulman. Il y a, en conséquence, des Etats musulmans, ou qui se présentent ou sont présentés comme tels. Si on devait être plus précis, on dirait simplement qu’il y a des Etats qui se réclament de l’Islam. Ces Etats, faute de pouvoir s’unir autour de ce qui est constant -le message du Prophète- tentent de coordonner, épisodiquement, leurs efforts autour de variables politiques dans le cadre, notamment, d’une organisation internationale : l’Organisation de la conférence islamique (O.C.I.).
Ensuite, au-delà de l’introuvable singulier et de l’incontournable pluriel, c’est la qualification de l’Etat musulman qui pose problème et de manière substantielle. Etat musulman : quand ? pourquoi ? comment ? lequel ? qu’en résulte-t-il ? Interrogations dont la multiplication témoigne de la difficulté de saisir la notion, d’en déterminer les contours et d’en fixer le -ou les- critère(s).
Etat musulman ? Est-ce l’Etat qui affirme à travers sa dénomination officielle son caractère musulman ? République islamique d’Iran, République islamique de Mauritanie, République islamique des Comores, République islamique du Pakistan.
Etat musulman ? Est-ce l’Etat qui se qualifie, constitutionnellement comme tel ? Le Maroc, l’Arabie saoudite et bien d’autres encore.
Etat musulman ? Est-ce l’Etat dont la population ou la majorité de la population ou un pourcentage de la population se réclame de l’Islam ?
Ou plus encore l’Etat musulman, serait-ce l’Etat “héritier” de la civilisation musulmane ou se réclamant du “patrimoine musulman” ?
Il semble être indiscutable, aujourd’hui, que le paysage qu’offre l’espace musulman est, dans une large mesure, fonction de celui qui l’observe, de l’intérêt qu’il y a à l’observer, de la manière de l’observer. Les horizons de l’Islam peuvent conquérir, par-delà les obstacles, des contrées bien différentes quitte à conduire à l’identification de l’illusion et de la réalité, la réalité traduisant des reflets renvoyés par des miroirs aux alouettes. C’est dire que toute définition conceptuelle de l’Etat musulman est non opérationnelle et même quelque peu arbitraire. Il n’y a pas d’essence de l’Etat musulman. Y a-t-il une existence de l’Etat musulman ? A cet égard, il y a lieu, en partant de la réalité politique interne et internationale, de faire, dans un premier temps, un constat général quitte à l’ajuster par la suite.
Le constat pourrait être ainsi formulé : les Etats musulmans seraient les Etats membres d’une organisation internationale se réclamant de l’Islam, l’Organisation de la conférence islamique, fondée, notamment, autour des buts suivants :
Consolidation de la solidarité islamique
Soutien de la lutte de tous les peuples islamiques en vue de sauvegarder leur dignité, leur indépendance et leurs droits nationaux.
La proclamation de la Mecque de 1981 sur la base de laquelle l’O.C.I. avait été créée, affirme -après avoir dénoncé les idéologies importées- “la ferme conviction” des participants selon laquelle “les problèmes du monde islamique ne peuvent être résolus que dans le cadre de l’idéologie islamique”. Le préambule de la charte de l’O.C.I. exprime, quant à lui, le souci des Etats signataires “de préserver les valeurs spirituelles, morales, sociales et économiques de l’Islam qui constituent un important facteur de progrès pour les hommes”.
Quels sont, donc, les Etats membres de l’O.C.I. ? Du point de vue de la procédure, il existe deux catégories d’Etats : les Etats fondateurs d’un côté et les Etats non fondateurs, de l’autre.
Les Etats fondateurs sont ceux dont les chefs ou les chefs de gouvernement avaient participé au sommet islamique qui s’était tenu à Rabat, en 1969, à la suite de l’incendie de la mosquée “Al-Aqsa” à Jérusalem. Le critère d’invitation et de participation qui avait, alors, été retenu était d’ordre quantitatif. Avaient été invités au sommet de Rabat les Etats dont la population était constituée de 20%, au moins, de musulmans compte non tenu des pays à condition particulière tels que les Etats marxistes ou ceux qui s’en réclamaient.
Aux Etats représentés à Rabat, étaient venus s’ajouter, plus tard, d’autres, lors des réunions des ministres des affaires étrangères tenues à Djedda et à Karachi en 1970 et qui avaient alors signé la charte de l’O.C.I. Au total trente Etats au départ et entre lesquels il n’y avait pas toujours de grandes similitudes politiques : Afghanistan, Algérie, Emirats arabes unis, Bahreïn, Tchad, Egypte, Guinée, Indonésie, Iran, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Malaisie, Mali, Mauritanie, Maroc, Niger, Oman, Pakistan, Qatar, Arabie saoudite, Somalie, Soudan, Syrie, Tunisie, Turquie, Yémen.
Les Etats non fondateurs, ce sont, bien évidemment ceux qui, en application de la procédure d’adhésion, ont été admis au sein de l’O.C.I. Il s’agit, notamment de l’Irak, du Bangladesh, du Cameroun, des Comores, du Gabon, de la Guinée-Bissau, de la Gambie, du Burkina Faso, des Maldives, de l’Ouganda.
Au total, l’O.C.I. compte, à la date d’aujourd’hui, -juillet 1994- cinquante-et-un Etats dont certains sont issus du monde qui se réclamait du marxisme comme l’Albanie ou l’Ouzbékistan.
Les critères d’adhésion à l’O.C.I. ne semblent pas être d’une grande clarté. L’article 8 de la charte de cette organisation dispose, en effet, que tout Etat islamique a le droit de devenir membre de l’O.C.I. Mais la charte ne donne aucune définition de l’Etat islamique. La pratique n’a pas permis de clarifier, de manière évidente, la question. Elle a permis de dégager, ou plutôt de faire usage, de trois critères : le critère quantitatif, le critère constitutionnel et le critère personnel.
Le critère quantitatif : l’Etat musulman est l’Etat où 50% de la population est musulmane. De ce point de vue quarante-deux Etats dans le monde seraient musulmans. Certains Etats n’ont pas été considérés pour autant musulmans, bien que remplissant la condition des 50%. Il en a été ainsi, notamment du Nigeria. Il en est encore ainsi de l’Ethiopie.
Le critère constitutionnel : est Etat musulman tout Etat qualifié comme tel par sa constitution. Est également musulman tout Etat dont l’Islam est, constitutionnellement, la religion d’Etat ou la religion de l’Etat. Ce critère n’a pas été, toujours, appliqué. Des Etats dont les constitutions ne font pas référence à l’Islam ou qui se proclament franchement laïcs ou qui établissent la séparation entre la religion et l’Etat, sont membres de l’O.C.I. Illustration en est donnée, notamment, par la Turquie, le Sénégal, le Niger et le Burkina Faso.
Le critère personnel : d’importance très relative, il a été retenu par l’O.C.I. pour répondre à quelques sollicitations particulières venant d’Etats ne remplissant ni la condition quantitative, ni la condition constitutionnelle, mais dont les chefs sont ou sont devenus musulmans. Il en a été ainsi pour l’Ouganda sous la direction d’Amine Dada, pour le Gabon aujourd’hui encore présidé par Hadj Omar (Albert) Bongo. Le Président non musulman Paul Biya est à la tête du Cameroun, Etat admis à l’O.C.I. du temps et en considération de la personne de son ancien Président Hadj Ahmadou Ahidjo.
En fait, il n’y a ni conception, ni pratique cohérente susceptible de permettre une définition acceptable ou opérationnelle de l’Etat musulman.
Sur le plan quantitatif, il est difficile de mettre dans la même catégorie des Etats dont la population est constituée presque totalement de musulmans comme l’Arabie saoudite, la Tunisie ou le Maroc, et des Etats où la population musulmane est nettement minoritaire comme le Cameroun (22% de musulmans), le Gabon (2% de musulmans), la Guinée-Bissau (35% de musulmans), le Tchad (50% de musulmans). L’Albanie, avec 70% de musulmans était restée longtemps en dehors de l’O.C.I. A cette remarque doit s’ajouter une autre tenant au fait que des micro-Etats comme les Maldives (103 000 habitants) ou la Guinée-Bissau (35 0000 habitants) sont représentés au sein de l’O.C.I., alors que des Etats où vivent des millions de musulmans n’y ont aucune place. Il en est ainsi, notamment de l’Inde qui compte près de cent millions de musulmans et de la Chine où vivraient plus de dix millions de musulmans.
Sur le plan constitutionnel, les différences entre les Etats membres sont considérables. Certains de ces Etats semblent adhérer à un Islam militant au point d’être souvent exposés à l’intolérance. Il en est ainsi, notamment de l’Arabie saoudite, de l’Iran et du Pakistan.
En Arabie saoudite, le statut fondamental du pouvoir établi le 1er mars 1992, et qui tient lieu de constitution, énonce que “le royaume d’Arabie saoudite est un Etat arabe et islamique, totalement souverain dont la religion est l’Islam, la constitution le livre d’Allah et la Sunnah de son prophète”.
En Iran, la constitution est fondée sur des considérations strictement religieuses au point que rien n’échappe à la religion. Les fondements de l’Etat et du régime, l’action qu’ils ont à mener, les moyens qu’ils ont à observer s’inscrivent dans la seule sphère du religieux ou plus précisément de l’Islam chi’ite.
Au Pakistan, la constitution du 12 avril 1973 définit, dans son préambule, de manière claire le cadre musulman dans lequel évoluent l’Etat et la société : “Whereas sovereignty over the entire Universe belongs to Almighty Allah alone, and the authority to be exercised by the people of Pakistan within the limits prescribed by Him is a sacred trust… Wherein the Muslims shall be enabled to order their lives in the individual and collective spheres in accordance with the teachings and requirements of Islam as set out in the Holy Quran and Sunnah…”
D’un autre côté, on trouve, parmi les Etats considérés musulmans, des Etats qui se réclament franchement de la laïcité ou du sécularisme ou qui affichent une certaine tiédeur à l’endroit de l’Islam. Les exemples sont, à cet égard, relativement nombreux. C’est ainsi qu’en Turquie la constitution de 1982 dispose, dans son article 2, que “the Republic of Turkey is a democratic, secular and social state”.
Au Niger, dont la population est à 90% musulmane, la constitution du 26 décembre 1992 fait de la séparation de l’Etat et de la religion un principe fondamental (art. 4). Au Sénégal, dont la population est à 85% musulmane, la constitution énonce, dans son article 1er, que “la République du Sénégal est laïque”.
La constitution du Burkina Faso, qui date de 1991, n’établit aucun lien entre l’Etat et la religion et proclame, avec force, la liberté de croyance et de non croyance, de conscience et d’opinion religieuse (art. 7), étant précisé, par ailleurs que ce pays compte 43% de musulmans. En Syrie, la constitution se limite à indiquer que le chef de l’Etat est de religion musulmane. La constitution tunisienne de 1959 dispose que la Tunisie est un Etat dont la religion est l’Islam (art. 1er) et que le Président de la République tunisienne doit être musulman.
Au total trop de différences, voire même de divergences et d’oppositions séparent les Etats membres de l’O.C.I. Il n’y a pas, de ce point de vue, une plate-forme élémentaire de définition de l’Etat musulman.
S’agissant du critère personnel, il est, par définition même, l’anti-critère. Il permet de résoudre des cas et non de tracer une ligne de conduite et de comportement ou une approche globale et synthétique des problèmes.
En définitive, la réalité la moins discutable est fournie par une tautologie qui affirme que les Etats musulmans sont les Etats membres de l’O.C.I. et que les Etats membres de l’O.C.I. sont des Etats musulmans. Cela n’est pas satisfaisant sur le plan intellectuel. Mais pourtant, c’est de cela que la réalité est constituée. Une réalité faite de multitude et de diversité.
Bien évidemment, la tentation de la sélectivité, voire même de l’appréciation subjective, peut être grande et permettre de dire que l’Islam des Etats membres de l’O.C.I., est un Islam à contenu variable et à portée variable et que parmi les Etats musulmans, il y aurait des Etats plus musulmans que d’autres. Tout en évitant ce type d’appréciation qui relève beaucoup plus de la quantification que de la qualification, l’on peut être tenté de dire que la notion d’Etat musulman semble s’appliquer, principalement, aux Etats qui, au-delà de la croyance, donnent à l’Islam un contenu militant et en font, en conséquence, une idéologie. Il y a, indiscutablement, un usage, téléologiquement, politique de l’Islam dans des pays comme l’Arabie saoudite, l’Iran, le Pakistan, l’Afghanistan ou le Soudan. En revanche, de manière générale, l’Afrique subsaharienne ne semble pas être tentée par le militantisme musulman.
Le constat qui vient d’être fait est important, parce qu’en dernière analyse, il pose le problème des représentations idéologiques et des intérêts partisans aussi bien, d’ailleurs, à l’échelle interne qu’à l’échelle internationale. Un tel constat atteste de la prévalence des variables sur les constantes. La réalité du monde musulman est faite, aujourd’hui comme hier de variables. Il ne peut pas, peut-être, en être autrement. C’est dire que la réalité qu’offre l’O.C.I. est inévitable parce qu’elle traduit, précisément, la variabilité, la diversité. Le monde musulman est un monde de la diversité et non de l’uniformité. Il n’y a pas, en d’autres termes, d’essence de l’Etat musulman ; il y a, tout simplement existence d’Etats musulmans.
La constitution
S’agissant de la notion de constitution dans les Etats musulmans, elle n’est pas, toujours, acceptée sans nuance. Elle ne constitue pas, toujours, la loi des lois, tellement est imposant le poids du passé, mais aussi le poids des traditions et le poids de la religion. Il y a toujours eu des rapports tendus, notamment, entre l’idée de constitution et l’Islam. Cette tension est de degrés variables, fonction des circonstances de temps et de lieu.
L’idée de constitution avait été perçue par la contre-révolution française comme une hérésie. “La constitution d’un peuple, c’est son histoire mise en action” disait Bonald. Joseph de Maistre sera plus radical. Stéphane Rials résumera, parfaitement, sa pensée en ces termes : “ce qu’il conteste le plus durement dans le constitutionnalisme à prétention rationnelle des Jacobins, ce n’est pas tant la quête violente d’une uniformisation illusoire ou le mépris des règles d’expérience éprouvée, que l’orgueil proprement anti-divin d’une démarche qui consiste à vouloir reconstruire l’homme social et politique à partir des seules lumières de la raison”. Le refus de la constitution par la contre-révolution, en France, a été, magistralement analysé par Gérard Gengembre dans un ouvrage collectif paru récemment (3). Gérard Gengembre écrit que “la contre-révolution se rassemble bien autour d’un refus de la constitution révolutionnaire” et il ajoute, pour expliquer le sens donné à la constitution révolutionnaire qu’il s’agit de “la prétention de créer une constitution”. Analysant le point de vue d’Edmond Burke sur la révolution, Gengembre écrit : “Burke fait (…) de la révolution française un contre-sens, dans toutes les acceptions du terme. Erreur sur ce qu’est véritablement une constitution, ignorance du poids de l’histoire, de l’influence du temps, illusions sur les pouvoirs de la raison, viol de la nature politique, oubli de la force des choses…”. Gengembre note plus loin : “Le cercle se referme : si la constitution existe, elle est éternelle. Il ne faut rien changer car on ne peut rien changer. La tradition, toujours la tradition, encore la tradition : elle est l’histoire même (…) Dans ce cadre la théorie contre-révolutionnaire va s’inscrire”.
L’attitude de la contre-révolution, en France, trouve, parfois, des échos dans les Etats musulmans. Le raisonnement est, toujours, aussi simple et aussi radical : une vérité énoncée par la religion ne peut être découverte, et encore moins contestée, par la raison. Il en découle une subordination de la raison à la religion. Dès lors, la raison ne peut qu’être évacuée. Dès lors aussi, la constitution est soit inutile -parce qu’elle ne peut innover- soit tout au plus d’intérêt limité parce qu’elle ne fait que reproduire les prescriptions religieuses ou au mieux s’en faire l’écho. En d’autres termes, il ne peut y avoir de prescriptions constitutionnelles ou plus généralement de prescriptions juridiques en dehors du cadre fixé par la religion. C’est dire que, pratiquement, le problème de la constitution dans les Etats musulmans se pose souvent dans les mêmes termes que ceux auxquels avait été confrontée la révolution française deux siècles plus tôt. Le temps n’a pas permis un changement quant à la nature des problèmes. Il est vrai, cependant, que les attitudes des Etats musulmans ne sont pas uniformes bien qu’elles aient tendance à converger relativement à la prévalence du “transmis” (Al-Manqul) sur le “raisonnable” (Al-Ma’qul).
Analysant les attitudes des Etats du tiers monde à l’égard de la constitution, le doyen Sadok Belaïd estime, relativement à la question des rapports entre constitution et religion, que trois attitudes méritent d’être soulignées. Ces attitudes nous semblent parfaitement transposables aux Etats musulmans :
Première attitude : c’est celle de l’hostilité absolue de l’idéologie religieuse à l’idée de constitution. Une attitude véhiculant une antinomie entre constitution et religion. Cette attitude se résume dans un slogan lancé et entretenu, depuis longtemps, par les “frères musulmans” et plus généralement, aujourd’hui, par de nombreux groupes religieux extrémistes à travers le monde musulman : “Pas de constitution autre que le Coran”. Cette attitude a été observée, sans nuance, par l’Arabie saoudite jusqu’en 1992. L’adoption du statut fondamental du pouvoir en 1992 ne semble pas avoir modifié l’état des choses malgré les controverses qu’elle peut susciter. Le Roi Fahd n’a pas manqué, à l’occasion de la promulgation de ce statut, le 1er mars, de souligner que “Notre constitution, en Arabie saoudite c’est le Saint Livre de Dieu (…) et la Sunnah du Prophète”. La même attitude se vérifie en Libye, au niveau de la proclamation du pouvoir du peuple du 2 mars 1977. Les soubassements de l’attitude libyenne sont fondamentalement différents, cependant, de ceux qui sous-tendent l’attitude saoudienne
Deuxième attitude : c’est une attitude de subordination de la constitution à la religion. La constitution n’est pas, ainsi, la loi des lois. Elle n’a pas de suprématie par rapport à la religion. Elle est, en d’autres termes, déclassée par rapport à la religion. A cet égard, trois exemples peuvent être invoqués, exemples qui témoignent, parfois, de la rencontre entre l’attitude d’hostilité et l’attitude de subordination. Ces exemples concernent l’Arabie saoudite, l’Iran, et le Pakistan.
L’Arabie saoudite dispose depuis 1992 d’un texte régissant le pouvoir et qui, plutôt que d’être intitulé constitution, est intitulé statut fondamental du pouvoir. Ce statut qui définit l’Arabie saoudite comme Etat islamique dont la religion est l’Islam et la constitution le Livre de Dieu, a été présenté par le Roi Fahd comme la traduction de la fidélité de l’Arabie saoudite à la voie religieuse qui a été la sienne et qui est fondée sur les trois vérités suivantes :
Première vérité : le fondement islamique du pouvoir est bien enraciné et n’obéit pas à la modification et au changement. Dieu a dit : “C’est nous qui avons envoyé le Coran et c’est à nous de le conserver”
Deuxième vérité : il n’y a pas lieu de discuter la nécessité de la préservation et de la confirmation de la voie déjà tracée et ce en application de la volonté divine s’adressant au prophète : “Nous avons mis à ta disposition la Shari’à. Suis-la et ne suis pas les caprices de ceux qui ne connaissent pas”.
Troisième vérité : la fidélité des dirigeants de l’Arabie saoudite à leur Islam en toutes situations et circonstances, est intangible.
Tirant les conséquences de cette attitude l’article 7 du statut dispose que “le pouvoir tire son autorité en Arabie saoudite du Livre de Dieu et de la Sunnah de son prophète qui l’emportent sur le statut et sur tous les autres statuts de l’Etat”.
Le deuxième exemple est celui de l’Iran dont la constitution obéit à la même logique et dont l’article 4 vient soumettre toutes les règles juridiques du pays aux normes islamiques, le Conseil des savants se chargeant de la mission de contrôle pour assurer la prévalence des normes islamiques sur toutes les autres normes.
Le troisième exemple est celui du Pakistan où la constitution assure, dans son article 227, la supériorité des prescriptions de l’Islam sur les lois positives : “All existing laws shall be brought in conformity with the injonctions of Islam as laid down in the Holy Quran and Sunnah, in this Part referred to as the Injonctions of Islam, and no law shall enacted which is repugnant to such Injonctions”.
La Cour suprême du Pakistan n’a laissé aucune équivoque quant à la subordination du droit positif aux normes islamiques, c’est-à-dire à la Shari’à. Dans une série d’arrêts rendus le 3 juillet 1993, relativement à la question des Ahmadis, la Cour affirme, dans un style d’impérativité, ce qui suit : “It is clear that the constitution has adopted the injonctions of Islam as contained in Quran and Sunnah of the Holy Prophet as the real and the effective law. In that view of the matter, law the injonctions of Islam as contained in Quran and Sunnah of the Holy Prophet are now the positive law. The article 2A made effective and operative the Sovereignity of Almighty Allah and it is because of that Article that the legal provisions and principles of law, as embodied in the Objective Resolution, have become effective and operative. Therefore, every man-made law must now conform to the Injonctions of Islam as contained in Quran and Sunnah of the Holy Prophet (peace be upon him). Therefore, even the Fundamental Rights as given in the constitution must not violate the norms of Islam”.
Troisième attitude : c’est celle de l’instrumentalisation de la constitution. Elle consiste à intégrer le dogme dans la constitution de manière à ce que l’Etat se trouve engagé par la religion et que la légitimité de ses gouvernants ne soit pas en rupture avec la religion : Islam religion d’Etat, Islam religion de l’Etat, Shari’à source unique ou principale ou simple source de législation, sont des formules souvent utilisées à l’effet d’assurer l’instrumentalisation de la constitution -avec des degrés d’intensité variable- à des fins religieuses. La constitution est, ainsi, récupérée pour devenir un instrument d’expression d’une politique religieuse et parfois même d’une idéologie religieuse. Or il n’y a pas une seule politique ou une seule idéologie pouvant prétendre à l’exclusivité de l’imputabilité à l’Islam. Et voilà que l’on redescend, encore une fois, sur terre pour retrouver les hommes avec leurs conflits d’intérêts et d’opinions, leurs représentations sociales collectives et leurs conflits idéologiques et partisans.
Les attitudes, relativement aux rapports Etat-religion ne doivent pas, quelle que soit par ailleurs la formulation dans laquelle ils s’inscrivent, occulter cette réalité fondamentale qu’en dehors du for intérieur il n’y a pas de religion politiquement innocente et qu’il n’y a pas d’usage du religieux à l’abri des conflits des représentations idéologiques et des intérêts partisans.
En tout état de cause, il demeure évident que la plupart des constitutions des Etats musulmans établissent des liens entre constitution et Islam. Avec une intensité à degré variable. Avec une portée tout aussi variable.
Il reste à préciser cependant que ce ne sont pas tous les Etats musulmans qui disposent de constitutions aujourd’hui, c’est-à-dire d’un statut écrit du pouvoir. Le Sultanat d’Oman demeure régi, à titre essentiel par des traditions d’origine tribale notamment. L’Afghanistan n’a pas encore de constitution malgré la chute du régime qui se réclamait du marxisme. Une véritable lutte entre les différentes factions musulmanes est engagée au sujet de la question constitutionnelle et de la maîtrise du pouvoir. La Libye n’a pas non plus de constitution. Au sens formel du terme. La proclamation du pouvoir du peuple et le livre vert du colonel Kadhafi y tiennent lieu de constitution bien que le Coran ait été qualifié, depuis 1977, de constitution de la “Jamahirya”. Le Soudan est régi, quant à lui, par des ordonnances constitutionnelles à caractère organisationnel.Il résulte de la diversité des situations qui caractérisent le monde musulman que les rapports entre constitution et religion doivent être recherchés dans les constitutions écrites, mais également en dehors d’elles dans la mesure du possible.
La religion
Il demeure évidemment entendu que la question à examiner ne porte pas, uniquement, sur constitution et Islam dans les Etats musulmans, mais plus généralement sur les rapports entre constitution et religion, celle-ci étant entendue de manière abstraite et visant, en conséquence, l’ensemble des religions en terre d’Islam. Il est clair, cependant, que, par la force des choses, l’examen portera, principalement, sur l’Islam.
Relativement à la définition de la religion, les points de vue ne concordent pas toujours, surtout qu’ils ont parfois tendance à traduire les données d’une religion particulière. C’est ainsi que le professeur Jacques Robert estime qu’une religion présuppose une croyance, un culte et si possible un clergé plus ou moins hiérarchisé (4). La notion de clergé n’est pas vérifiable en Islam. L’importance et la réalité du culte varie d’une religion à une autre. Par ailleurs les critères proposés par le professeur Robert peuvent être réunis s’agissant de groupes ayant des préoccupations religieuses mais également des préoccupations financières. A tout cela s’ajoute la difficulté de distinguer secte et religion à moins de dire qu’une religion est une secte qui a réussi. C’est dire qu’il y a lieu de se limiter à tenter de tracer, à grands traits, les contours de la notion de religion afin d’en saisir les dimensions au niveau des constitutions.
On peut décrire la religion comme tendant à donner un sens à la vie et à prescrire la ligne de conduite à suivre en conséquence. Dans un rapport établi en 1986 (5) Mme Elisabeth Odio Benito, analysant le problème de l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, note que “la notion de religion sous-entend au minimum credo, code d’action et culte”.
On notera, dès lors, que la détermination des rapports entre constitution et religion dans les constitutions des Etats musulmans ne peut être limitée au simple énoncé religieux au niveau de la constitution, mais qu’elle va au-delà pour intégrer les conséquences de cet énoncé tant au niveau de l’individu qu’au niveau de la collectivité. Or, par-delà les références formelles et symboliques et par-delà les considérations de légitimation politique fondée sur la religion, la question cardinale demeure de savoir quelle est la représentation idéologique et quels sont les intérêts partisans qui sous-tendent les rapports entre la constitution et la religion dans les Etats musulmans.
Historiquement, l’imbrication du religieux, du politique et du juridique en terre d’Islam était telle qu’il n’y avait pas lieu de se poser la question de leurs rapports puisque, en dernière analyse, le politique et le juridique n’avaient pas d’autonomie propre et que toute distinction dans ce domaine était très souvent de portée limitée voire même insignifiante (6).
Ce n’est qu’à partir du XIXème siècle, et sous l’effet de la pénétration des idées européennes dans le monde musulman, que des questions commençaient à être posées. Celles-ci devenaient de plus en plus pressantes au fur et à mesure que se développaient les réclamations européennes tendant à la protection des non musulmans en terre d’Islam et parfois aussi -et de manière implicite- à la propagation du christianisme. Les rapports entre constitution et religion n’avaient, pratiquement, de l’intérêt dans les déclarations et constitutions que dans la mesure où ils donnaient un éclairage sur la condition des non musulmans. Il en a été ainsi en Tunisie relativement aussi bien au pacte fondamental de 1857 qui était une déclaration de droits qu’a la constitution de 1861. Il en a été ainsi, également, en Egypte à l’occasion des progrès réalisés en 1848 et en 1866 sur la voie du parlementarisme. L’Empire ottoman dans son ensemble s’était fait l’écho de ce phénomène, notamment à l’occasion des réformes politiques et constitutionnelles qu’il a réalisées spécialement en 1839, 1856 et 1876.
Le grand tournant eut lieu à la suite de la dislocation de l’Empire ottoman et de l’abolition, en 1924, du régime du califat. Depuis, la tension entre constitution et religion, entre laïcité et engagement religieux, entre Islam ouvert et Islam clos n’a cessé de se manifester, au point qu’aujourd’hui elle semble être d’une intensité particulièrement forte tant à l’échelle internationale qu’a l’échelle interne.
A l’échelle internationale, l’expression des courants se réclamant du socialisme et le développement des idées sous-tendues par l’athéisme ou par la non-croyance religieuse, avaient favorisé l’émergence beaucoup plus d’un mouvement de réaction et de résistance que d’éveil de l’Islam. L’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan en 1979, conjuguée avec l’établissement au coeur même du monde musulman d’un Etat -le Yémen du sud- se réclamant franchement du marxisme conduira au renforcement de l’alliance islamique initiée à partir du sommet islamique de Rabat en 1969.
La chute du régime impérial en Iran et la proclamation de la République islamique d’Iran créeront une situation nouvelle aux conséquences internationales considérables y compris au niveau du monde musulman où la nouvelle donnée iranienne était appréciée de manières fort différentes. Toute la question était de savoir si la nouvelle situation en Iran était, au-delà des problèmes qu’elle posait aux uns et aux autres, annonciatrice d’un renouveau de l’Islam ou d’une simple réaction, voire même d’une revanche, sans lendemain. Quelles que soient les appréciations, il demeure établi que la “donnée islamique” a pris de plus en plus d’importance à l’échelle internationale depuis les années quatre-vingts. La contribution de l’O.C.I., de l’Arabie Saoudite, de Iran, du Pakistan et du Soudan, à cette évolution semble être importante. Par ailleurs la situation en Bosnie-Herzégovine depuis l’éclatement de l’ancienne Yougoslavie et l’influence croissante du courant islamiste au sein du mouvement palestinien et spécialement depuis 1993 participent à la dimension internationale de l’Islam aujourd’hui.
A l’échelle interne les idées et mouvements politiques et sociaux se réclamant de l’Islam n’ont cessé de se développer depuis le début des années soixante-dix notamment. Tous les Etats musulmans connaissent, aujourd’hui, et à des degrés divers le phénomène islamiste et très souvent sous sa forme extrémiste. L’exemple qu’en offre l’Algérie semble constituer la manifestation la plus éclatante parce que, peut-être, la plus violente et la plus dramatique.
Les développements de l’islamisme, y compris dans son aspect extrémiste, ont été favorisés par l’émergence d’une littérature islamiste souvent démagogique, mais parfois aussi d’une très grande qualité intellectuelle. Cette littérature a vu le jour et s’est développée, notamment, en Egypte et au Pakistan. C’est dire toute l’importance des questions d’ordre religieux dans les Etats musulmans. C’est dire surtout l’importance des conséquences juridiques et politiques attachées à l’énoncé religieux. Il est, dès lors, normal que les rapports entre constitution et religion interpellent aussi bien l’Etat que l’individu. Deux développements seront, en conséquence, consacrés d’une part à la condition de l’Etat (I) et d’autre part à la condition de l’individu (II).
I – LA CONDITION DE L’ETAT
Des questions importantes concernant les relations entre l’Etat et la religion dans les Etats musulmans ont suscité et continuent à susciter des controverses. L’Etat encadrant une population musulmane peut-il s’affranchir de la religion ? Au cas où l’Islam serait la religion d’Etat ou religion de l’Etat peut-il être en même temps celui de l’ensemble des citoyens ou des personnes liées à l’Etat par des liens de nationalité ? A quelle condition religieuse peuvent prétendre des étrangers dans un Etat dont la religion est l’Islam ?
Il arrive que soit mis en relief le point de vue selon lequel “l’existence où que ce soit d’une religion d’Etat pourrait être considérée comme une déclaration officielle d’intolérance. En effet une religion dont la situation dominante est ainsi reconnue de droit peut sans aucun doute influer sur l’action législative et le sens de la loi” (7).
Le Comité des droits de l’homme institué par le pacte des droits civils et politiques de 1966 a, dans une observation générale se rapportant à l’article 18 présentée le 22 juillet 1993, noté que “l’établissement d’une religion d’Etat ne porte pas atteinte à la liberté de religion et n’est pas incompatible avec l’interdiction de la discrimination fondée sur la religion ou la conviction”.
En réalité, relativement au monde musulman, les situations sont plus diversifiées et plus complexes même. Une clarification, dans ce domaine, peut être tentée à travers l’examen d’abord de la nature de l’Etat (A), ensuite de la législation de l’Etat (B), enfin de la politique de l’Etat (C).
A – La nature de l’Etat
L’examen des constitutions des Etats musulmans permet d’identifier trois catégories d’Etats :
des Etats “affranchis” de la religion et dont certains sont franchement laïcs ;
des Etats subordonnés à la religion au point de paraître des Etats de religion ;
des Etats maîtres de la religion, au point que celle-ci n’a de force que dans la mesure où elle se trouve récupérée par lui, la religion de l’Etat n’étant alors que sa “chose”.
1 – Etats affranchis de la religion
Lorsque, relativement aux Etats musulmans, on évoque l’affranchissement de l’Etat par rapport à la religion, c’est, bien évidemment de l’affranchissement de l’Etat par rapport à l’Islam qu’il s’agit. Cependant, cet affranchissement peut s’exprimer de manières différentes, passant de la simple séparation entre l’Etat et la religion à la confrontation avec la religion voire même à l’hostilité délibérément entretenue à l’égard de la religion. Les exemples qui illustrent ces différentes situations sont, relativement, nombreux. Il suffit à, cet égard, de mentionner des Etats comme le Burkina Faso, le Cameroun, la Gambie, la Guinée, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad et la Turquie. On observera, cependant, qu’aucun des Etats, ci-dessus mentionnés, n’est arabe et que la plupart d’entr’eux sont africains, très souvent héritiers d’une tradition de tolérance et d’une grande expérience de coexistence entre différentes religions et convictions. On observera, également, que parmi les Etats dont il est question figure la Turquie, héritière de l’Empire ottoman, et qui, après la première guerre mondiale, avait connu, sous l’impulsion de Kamel Ataturk, une véritable insurrection contre l’Islam.
En réalité cette catégorie d’Etats peut être subdivisée en trois sous-catégories :
Première sous-catégorie : dans cette première sous-catégorie, peuvent être classés les Etats qui s’abstiennent de reconnaître un statut constitutionnel à l’Islam, qui n’établissent pas, officiellement, la laïcité ou la sécularité et qui admettent la liberté de croyance et de conviction. Cela est, notamment, le cas de la Guinée et la Guinée Bissau auxquelles peut être ajoutée l’Indonésie.
Deuxième sous-catégorie : dans cette deuxième sous-catégorie, peuvent être classés les Etats qui, sans établir une religion d’Etat ou une religion de l’Etat, prônent la séparation entre l’Etat et la religion tout en reconnaissant la liberté de croyance et de conviction. C’est le cas, notamment, du Niger où l’article 4 de la constitution de 1992 est venu poser formellement et clairement le principe de la séparation de l’Etat et de la religion. Tirant la conséquence de ce principe, l’article 9 §2 énonce que “aucune religion, aucune croyance ne peut s’arroger le pouvoir politique ni s’immiscer dans les affaires de l’Etat”. Le paragraphe 3 du même article ajoute que “toute propagande particulariste de caractère (…) politique ou religieux est punie par la loi”. L’article 10 interdit, quant à lui, les partis à caractère religieux tout autant que ceux ayant un caractère ethnique ou religieux. De l’autre côté la République du Niger assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction y compris d’ordre religieux. Elle respecte et protège toutes les croyances et reconnaît que “toute personne a droit à la liberté de pensée, d’opinion, d’expression, de conscience et de culte” (art. 24). L’Etat garantit plus spécifiquement le libre exercice des cultes et l’expression des croyances.
Troisième sous-catégorie : cette troisième sous-catégorie comprend les Etats qui se proclament franchement laïcs. Cela est le cas du Burkina Faso, du Cameroun, de la Gambie, du Mali, du Sénégal, du Tchad et de la Turquie.
La constitution du Sénégal reconnaît, déjà dans son préambule, les libertés philosophiques et religieuses et énonce, dans son article 1er que “la République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale” et qu’”elle assure l’égalité devant la loi de tous ses citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances”. L’article 19 de la même constitution dispose que “les institutions et les communautés religieuses ont le droit de se développer sans entrave. Elles sont dégagées de la tutelle de l’Etat. Elles règlent et administrent leurs affaires de manière autonome”.
La constitution turque, quant à elle, qualifie, dans son article 2, la République turque d’”Etat de droit, démocratique, laïc et social qui respecte les droits de l’homme” et qui établit l’égalité entre tous les individus sans distinction aucune y compris celle tenant à la religion ou au culte. La constitution turque condamne, par ailleurs toutes les hégémonies, y compris de religion ou de culte, ainsi que tout moyen tendant à créer un régime “fondé sur l’hégémonie ou la discrimination”. Elle établit la liberté de conscience, d’opinion et de foi religieuse et énonce que “nul ne peut être contraint de prier ou de participer à des rites ou des cérémonies religieuses, ni de divulguer ses croyances et ses convictions religieuses’’. Se démarquant par rapport à certains aspects de l’histoire ottomane, mais aussi par rapport à la pratique dans certains Etats musulmans, l’article 24 de la constitution turque affirme, avec force que “nul ne sera critiqué ou incriminé pour ses croyances et ses convictions religieuses”. Semblant craindre les aléas de l’avenir, les constituants turcs ont cru devoir préciser, dans l’article 136 de la constitution que “le département des affaires religieuses, qui occupe une place dans l’administration générale, s’acquittera des devoirs qui lui incombent en vertu de la loi, conformément au principe de la laïcité, en dehors des opinions et des idées politiques et en faisant de la solidarité et de l’intégrité nationales son objectif”.
En d’autres termes, l’affirmation du caractère laïc de l’Etat turc place l’Etat au-dessus des luttes religieuses et partisanes et fait de lui -et non de la religion- l’élément fédérateur et intégrateur des individus et des groupes, abstraction faite des opinions et croyances particulières et des appartenances aux groupements partiels qui demeurent subordonnés au groupement supérieur et global qu’est l’Etat.
2 – Etats subordonnés à la religion
Par Etats subordonnés à la religion, on vise les Etats qui ne sont que l’expression instrumentale de la religion. Un simple appareil de réalisation du dogme religieux et d’une politique religieuse ou se voulant ou se présentant comme tel. Il ne s’agit pas, donc, de l’Etat souverain, mais de l’Etat redéfini, reconceptualisé. La puissance de l’Etat ne se justifie que par la religion où il trouve sa propre limite. C’est dire qu’il n’y a pas de primauté autre que religieuse et qu’il n’y a pas de suprématie en dehors de la religion. L’Etat est ainsi approprié par la religion.
S’agissant des Etats musulmans concernés par cette construction, l’Etat y est celui de l’Islam. L’Etat est, dès lors, l’Etat de la religion, condition fondamentalement différente, voire même opposée à celle de la religion réduite simplement à la religion d’Etat. Il en résulte que, non seulement la logique de la séparation de l’Etat et de la religion n’a pas de raison d’être, mais aussi que l’idée même d’une interaction entre l’Etat et la religion est inacceptable, tellement est ancrée la conception plaçant la religion au niveau des origines, des fondements et l’Etat au niveau des mécanismes et moyens. L’Etat, institution posée, n’a de raison d’être que dans la religion, institution imposée. On trouve, dans le monde musulman, des Etats qui répondent, à des degrés divers, à ce type de construction et de représentation. Les exemples du Soudan, du Pakistan et, dans une moindre mesure, de Bahreïn méritent d’être mentionnés à cet égard. Mais les exemples qui semblent mériter de retenir particulièrement l’attention sont ceux de l’Iran d’un côté et de l’Arabie saoudite de l’autre.
– a- L’exemple de l’Iran
La constitution de la République islamique d’Iran de 1979 constitue, certainement l’une des expressions les plus éloquentes de la suprématie du dogme religieux sur le droit positif et de l’instrumentalisation de la notion d’Etat au profit de la religion.
La République islamique d’Iran tire son origine de la “croyance du peuple iranien au gouvernement du droit et de la justice prévu par le Coran” annonce l’article 1er de la constitution. L’article 2 vient préciser, en outre, que la République islamique est fondée sur la croyance en Dieu, l’Unique, à la révélation divine, à la justice divine, à l’imamat et sa direction continue, à la dignité humaine et à la liberté de l’homme qui va de pair avec sa responsabilité devant Dieu. Tirant les conséquences des fondements et options définis aux articles 1 et 2, l’article 4 dispose qu’”il faut que toutes les lois, tous les règlements d’ordre civil, pénal, financier, économique administratif, militaire, politique ou autre, soient établis sur la base des normes islamiques”. Cet article 4 est doté, par ailleurs d’une valeur supra-constitutionnelle qui lui permet de prévaloir, et de manière absolue, sur tous les autres articles de la constitution et sur l’ensemble des règles de droit positif. Afin qu’il en soit ainsi, la constitution a confié au Conseil des oulémas qu’elle a institué, la mission de s’assurer de la prévalence du droit imposé sur le droit posé. Dès lors l’établissement de l’Islam comme religion d’Etat (art. 12) semble être superflue puisque l’Etat lui-même est tenu, contenu par la religion, saisi par elle et parfois même à un niveau qui peut paraître de détail. En effet l’article 12 de la constitution, après avoir énoncé que l’Islam est la religion officielle de l’Iran, ajoute que le rite officiel est “le rite jaafarite ithna-acharite (duo-décimain)”, étant précisé que la religion et le rite sont insusceptibles de modification ad aeternam. Les autres rites, qu’il s’agisse du rite hanéfite, du rite chaféite, du rite malékite, du rite hambélite ou du rite zeidite, bénéficient, cependant “du respect absolu”.
La constitution ne reconnaît pas, en dehors de ce cadre, la liberté religieuse de manière absolue. Elle charge le gouvernement de la République islamique d’Iran, ainsi que l’ensemble des musulmans, de traiter les non musulmans de bonne manière, sur la base de l’équité et de la justice islamiques et de tenir compte de leurs droits humains. Ce traitement ne doit être observé, cependant, qu’à l’égard de ceux qui ne complotent pas contre l’Islam ou contre la République islamique d’Iran.
– b – L’exemple de l’Arabie saoudite
Depuis 1992 l’Arabie saoudite est régie, comme cela a été mentionné, par un texte qualifié de statut fondamental du pouvoir. On rappellera que l’article 1er de ce statut indique, et dès le départ, que l’Arabie saoudite “est un Etat islamique dont la religion est l’Islam et la constitution le Saint Livre de Dieu et la Sunnah de son prophète”. Aux termes de l’article 7, le pouvoir tire son autorité du Livre de Dieu et de la Sunnah de son prophète auxquels sont et demeurent subordonnées toutes les règles de l’Etat.
Fondé sur la base de la Shoura (consultation) et de l’égalité, le pouvoir doit être exercé selon l’article 8 conformément à la Shari’à islamique. L’Etat est chargé, de manière générale, de protéger la foi musulmane, d’appliquer la Shari’à, d’ordonner le Bien et d’interdire le Mal. Il a, par ailleurs, l’obligation de propager l’Islam et d’assurer la da’awa (l’invitation à adhérer à l’Islam ou plus simplement le prosélytisme).
Les droits de l’homme sont protégés aux termes du statut, mais dans le cadre de la Shari’à islamique (art. 26).
La nature de l’Etat, en Arabie saoudite, est clairement analysée dans le discours que le Roi Fahd avait prononcé à l’occasion de la promulgation, le 1er mars 1992, du statut fondamental du pouvoir et des textes relatifs à la Shoura et aux régions. Le Roi y déclare que “le fondement du statut du pouvoir et sa source sont constitués par la Shari’à islamique. Le statut a déterminé la nature de l’Etat, ses buts, ses responsabilités, les rapports entre gouvernants et gouvernés à la lumière de la Shari’à islamique”. Le Roi avait cru devoir préciser, en outre, que les dispositions édictées par le statut le sont dans le strict respect de l’Islam et que “l’Islam est la voie de la vie” et qu’”il ne peut y avoir renonciation à ce que comporte le Livre de Dieu, ni à la Sunnah du Prophète établie et vérifiée, ni à ce sur quoi se réalise le consensus des musulmans”. Le Roi Fahd ajoute que “l’Arabie saoudite est liée -aujourd’hui comme hier- par la Shari’à de Dieu qu’elle applique scrupuleusement et avec détermination dans toutes ses affaires tant intérieures qu’extérieures. Elle restera, avec l’aide de Dieu et sa puissance, engagée dans cette voie, veillant de manière scrupuleuse à la pérennité de la Shari’à”.
3 – Etats maîtres de la religion
Les constitutions des Etats musulmans n’établissent pas toujours une relation entre l’Etat et l’Islam, comme on a eu à le souligner déjà. Lorsqu’elles le font, les formules qu’elles utilisent ne sont pas exclusives d’autres religions et ne donnent, nullement, à l’Etat un caractère théocratique ou même une connotation religieuse. En réalité tout se passe comme si l’énoncé d’une relation entre l’Etat et la religion permettait à l’Etat de récupérer l’Islam, de le contenir et d’en faire sa chose. L’Islam reconnu par l’Etat, protégé par l’Etat, n’échappera pas à l’Etat et n’aura pas assez de moyens pour le contester ou le combattre. Ce sera l’Islam de l’Etat qui pourra s’opposer, au besoin, à d’autres expressions de l’Islam qu’il combattra au nom de l’Etat et en tous cas à son profit. Yadh Ben Achour a remarquablement analysé ce type de situation et a relevé, notamment, que “l’Islam religion de l’Etat est précisément le credo du nouvel étatisme en pays d’Islam. Il ne signifie nullement l’entrée de la religion en politique, mais bien sa sortie. Le principe constitutionnel implicite qu’il cache est celui-ci : “il est interdit d’être plus musulman que son prince”, rien de plus”. Yadh Ben Achour ajoute : “le dogme est (…) “Pas d’Islam au-dessus de l’Etat”, “Pas de Dieu en dehors du chef” (8). En d’autres termes, l’Etat devenu maître de l’Islam ne lui donnera que la portée qu’il voudra bien lui donner, celle-ci se situant très souvent dans la sphère de l’individuel, rarement dans la sphère du collectif, presque jamais dans la sphère du politique, à moins que ce soit celui de l’Etat lui-même
L’Islam de l’Etat -on aura à le souligner- n’a pas de répercussion sur l’organisation et le fonctionnement de l’Etat et n’aura d’effet sur la politique de l’Etat que dans la mesure où il pourra y contribuer dans le sens souhaité par l’Etat et, bien évidemment, dans l’intérêt même de l’Etat ou de ses gouvernants. La logique de l’Etat canalisera l’Islam et en délimitera le champ d’influence. Ce schéma général varie, bien évidemment au niveau du détail, d’un Etat à un autre et dans le cadre du même Etat d’une période à une autre.
C’est dans cette perspective que s’inscrivent les rapports entre l’Islam et l’Etat dans un certain nombre d’Etats dont la plupart -il y a lieu de le préciser- sont arabes ou qualifiés comme tels. On mentionnera l’Algérie, Djibouti, l’Egypte, les Emirats arabes unis, l’Irak, la Jordanie, le Koweït, le Maroc, la Mauritanie, le Qatar, la Somalie, la Tunisie…
La reconnaissance de la liaison Etat-Islam n’est pas, partout, admise dans les mêmes termes ni avec la même intensité. En Tunisie, l’Islam est proclamé religion de l’Etat sans insistance particulière. Il est religion d’Etat à Qatar et “l’Etat s’efforce d’inculquer à la société les bons principes de la religion islamique et de l’épurer de toute forme de dégénérescence morale.”(9)
En Mauritanie, en vertu de l’article 5 de la constitution de 1991, l’Islam est la religion du peuple et de l’Etat. Aux Emirats arabes unis, l’Islam tient lieu de religion officielle de l’Union. Au Soudan, selon la constitution de 1986 -aujourd’hui abrogée- “la société s’inspirera de l’Islam en tant que religion de la majorité de la population et l’Etat s’engage à en affirmer les valeurs spirituelles”. Quant aux autres religions, prévoyait cette constitution, elles ne seront pas “insultées ou méprisées”. En Syrie, l’Islam est, nécessairement, la religion du Président de la République. La constitution syrienne de 1973 ne va pas au-delà de cet énoncé.
Ailleurs les rapports entre Islam et Etat sont admis selon une formulation classique : l’Islam est religion de l’Etat (art. 2 de la constitution algérienne, art. 2 de la constitution égyptienne, art. 4 de la constitution irakienne, art. 2 de la constitution jordanienne, art. 2 de la constitution yéménite). Une mention particulière doit, cependant, être faite en ce qui concerne le Maroc dont la constitution dispose que l’Islam est religion de l’Etat qui garantit à tous le libre exercice des cultes (art. 6) et précise, en outre, que le Roi est Amir al Mouminin (Commandeur des croyants) et qu’il a la charge de veiller au respect de l’Islam (art. 19).
En tout état de cause, l’énoncé du rapport Etat-Islam doit être, toujours, saisi compte dûment tenu du contexte qui avait conduit à son édiction. Très souvent ce contexte véhicule, beaucoup plus une volonté de rendre un hommage formel à l’Islam qu’a instituer une obligation quelconque tendant à imprégner l’Etat de religiosité. Il arrive, également que l’établissement d’une liaison Etat-Islam s’inscrive dans le cadre de préoccupations de légitimation politique à effet conjoncturel ou immédiat.
B – L’organisation de l’Etat
L’organisation du pouvoir dans les Etats musulmans obéit aux représentations et aspirations propres à chacun d’entr’eux. C’est dire que la diversité est la donnée essentielle dans ce domaine et qu’il n’y a pas de modèle de référence imposé par l’Islam ou recommandé par lui. Il y a, évidemment, des Etats qui affirment traduire la volonté de l’Islam en matière d’organisation du pouvoir. Il y a bien des efforts conceptuels qui ont été entrepris en vue de découvrir “le modèle islamique de constitution” ou “le modèle islamique d’organisation du pouvoir”. La réalité juridique et politique -mais également religieuse- demeure, cependant rebelle aux affirmations et aux constructions doctrinales. Le modèle recherché s’avère impossible. La diversité s’avère incontournable.
1 – L’impossible modèle
Impossible modèle parce que, si la Shari’à comporte des règles précises en droit privé, elle n’en comporte guère en droit public. Ce qu’elle comporte, dans ce dernier domaine, ce sont quelques principes généraux ayant trait à la direction des hommes et à la sauvegarde de la communauté. Ces principes généraux sont susceptibles d’interprétations différentes en fonction des circonstances de temps et de lieu. La Shari’à, écrit, avec beaucoup de pertinence, Mohamed Assad “fournit des orientations générales, mais guère de modèle” (10).
S’agissant de la pratique musulmane, ou qui se réclame de l’Islam, tant du temps des premiers califes que des autres, elle n’a pas pu permettre l’émergence d’un modèle d’organisation du pouvoir spécifique à l’Islam, tant et si bien que, dans ce domaine, en dehors des partis-pris idéologiques et politiques, des illusions d’optique et des fantasmes, il n’y a rien d’autre qu’une multitude d’expériences humaines, tentées ou réalisées compte tenu de considérations contingentes et de rapports de force passagers. Pourtant, l’on continue, ça et là, à se bercer d’illusions ou à présenter les expériences que réalisent certains Etats, aujourd’hui, comme expression de l’organisation politique en Islam et parfois même comme l’expression de l’Islam politique. L’idéologie et parfois la volonté d’hégémonie tiennent, alors, lieu de règles politiquesconstantes d’unIslaméternel.Pour étayer ces observations, il y a lieu d’examiner, brièvement au besoin, ce qui a paru à certains comme modèle islamique d’organisation du pouvoir avant d’exposer deux expériences nationales non identiques et qui se réclament toutes deux de l’Islam ; il s’agit de l’expérience de l’Iran d’un côté et de celle de l’Arabie saoudite de l’autre.
a – Présentation d’un modèle de constitution
De nombreux modèles de toutes sortes de textes ont été élaborés un peu partout dans le monde musulman et notamment au cours du dernier quart de ce siècle : des modèles de constitution, des modèles de code pénal, des modèles de code de statut personnel… On s’arrêtera, ici, à la présentation d’un modèle de constitution islamique et spécialement au mode d’organisation de l’Etat qu’il retient.
La recherche d’un modèle de constitution islamique semble avoir préoccupé de nombreux corps de spécialistes et de théologiens depuis que les mouvements politiques se réclamant de l’Islam avaient commencé à connaître une certaine jouvence rendue possible, notamment, par l’échec du nationalisme arabe et spécialement “nassérien” et par le renforcement de la confrontation avec le marxisme et les idéologies de gauche dont l’influence dans le monde musulman ne cessait de se développer, dès le début des années soixante.
Ce n’est pas par hasard que l’un des premiers modèles importants à avoir vu le jour, fut élaboré en Egypte. En effet, en 1978, une commission composée de savants de l’université Alcazar du Caire, travaillant sous l’égide de l’Académie de recherches islamiques, avait élaboré un projet de constitution islamique dans lequel elle avait consigné les principes et règles devant régir l’organisation et le fonctionnement de tout Etat islamique (11). Ce texte n’a pas eu un très grand écho, peut-être parce que perçu beaucoup plus comme égyptien et arabe que comme musulman. Un autre effort fut entrepris en vue d’établir un modèle de constitution islamique à l’abri des contingences nationales.
En 1983, lors d’un congrès sur “l’Islam aujourd’hui”, tenu à Islamabad du 10 au 12 décembre, un modèle de constitution islamique a été rendu public (12). Ce modèle a été élaboré par un groupe de savants musulmans à l’initiative du Conseil islamique d’Europe (13). L’importance théorique de ce modèle est certaine. Il n’est pas, dès lors, inutile d’en tirer quelques indications, ce qui permettrait de mieux situer l’organisation du pouvoir dans les Etats musulmans et d’apprécier l’importance de l’écart qui sépare la représentation du réel et la représentation de “l’idéel”.
Le modèle de constitution du Conseil islamique d’Europe définit, dans ses premières dispositions, les fondements du pouvoir et les bases de la société. Bien évidemment, il le fait par référence à l’Islam. Son article 1er énonce que :
“- Le pouvoir tout entier appartient à Dieu seul et la souveraineté tout entière appartient à la loi divine.
– La loi divine qui se présente dans le Livre de Dieu et la tradition de son prophète, est la source de la législation et la règle du pouvoir.
– L’autorité est un dépôt sacré ainsi qu’une responsabilité : le peuple l’exerce conformément aux dispositions de la loi divine”.
S’agissant de l’organisation du pouvoir étatique, le modèle reprend des schémas conçus depuis longtemps mais rarement mis en application, étant précisé que lorsqu’ils le furent, ils ne le furent qu’à titre partiel et limité.
Notes :
1 Abdelfattah Amor : doyen honoraire de la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis (Tunis II).
2 Cf. AMOR (A.) “La notion d’Umma dans les constitutions des Etats arabes”, Arabica, t. XXX, fasc. 3, p. 267 et s.
3 1789 et l’invention de la constitution (sous la direction de Michel Tropper et Lucien Jamme), L. G. D. J. Bruylant, 1994.
4 Cf. son article sur la liberté religieuse publié à la Revue de Droit Comparé, 2-1994, p. 629 et s.
5 Et publié en 1989 (United Nations Publication. ISBN 92-1-254082-1 ; ISSN1014-5702).
6 Cf. le remarquable ouvrage de Yadh Ben Achour : Norme, foi et loi (Tunis, Céres Productions, 1993). Cf. également du même auteur, le cours sur le constitutionnalisme publié dans le cadre du recueil des cours de l’Académie internationale de droit constitutionnel : volume I : La suprématie de la constitution, Casablanca, Ed. Toubkal, 1986.
7 Cf Odio Bénito, p. 24.
8 Normes, foi et loi , ouvr. cité, p. 259.
9 Art. 7 b de la constitution de Qatar.
10 Cf. The principles of government and state in Islam, Université de Los Angeles 1961.
11 Cf. la revue Al-Azhar, avril 1979, p. 1092 et s.
12 Islamic Council, 16 Grosvenor Grescent, London, SW1, 1983, 42 pages.
13 Organisme privé établi à Londres et animé, notamment, par des Pakistanais.
Page suivante
1 | 2 | 3 | 4
[…] ont façonné l’histoire des démocraties occidentales. En France, par exemple, où « l’idée de constitution avait été perçue par la contre-révolution comme une hérésie », au lendemain de […]