Lorsqu’on évoque la constitution et la religion dans les Etats musulmans, les concepts -ou même parfois simplement les termes- deviennent tellement à contenu ou à portée variable, qu’ils finissent par paraître rebelles aux définitions, voire même aux délimitations. Cela semble être vérifiable s’agissant de l’Etat musulman, de la constitution et de la religion.
Le modèle prévoit d’abord, une assemblée consultative dont la mission tient compte de la distinction “loi taklifya” (loi imposée ou loi divine) “loi wadhifya” (loi posée). L’assemblée est chargée, en effet, de “rédiger les lois civiles”, mais aussi de “vérifier si les fins que se propose la loi divine sont réalisées à travers les législations dont elle a la responsabilité”. Dans cette opération de vérification, l’assemblée recourt à “l’opinion du Conseil des docteurs de la loi” (art. 20).
L’imam, quant à lui, parce que chef d’une communauté musulmane doit, non seulement être de “bonne moralité religieuse” (art. 24b), mais en outre “connu par son zèle en faveur de l’Islam et pour sa connaissance et sa compréhension de la loi divine” (art. 24c). Avant d’assurer la charge de sa mission, l’imam doit s’engager à “se conformer à la loi divine quant à la lettre et quant à l’esprit” et “à s’attacher au message de l’Islam” (art. 25). Il sera jugé et destitué “dès lors qu’il aura enfreint, volontairement, les dispositions de la loi divine” (art. 23).
Une autre institution a été prévue par le modèle de constitution islamique et mérite quelques indications : la Hisba. La Hisba est une institution islamique qui était chargée, au départ, d’assurer la police des moeurs, mais aussi et surtout la police des marchés. Elle a évolué pour devenir une institution à compétence plus générale consistant en l’exercice du contrôle et de l’incitation quant à l’accomplissement du devoir communautaire d’ordonner le Bien et d’interdire le Mal (Al-Amrou bil Maârouf wa An-Nahyou An Al-Mounkar). Dans le modèle, la Hisba est définie comme une fonction administrative visant à “promouvoir les valeurs islamiques et à les défendre contre toute violation en vue d’ordonner le Bien et d’interdire le Mal” (art. 42). A cet effet le “Muhtaceb général”, autorité à la tête de la Hisba et dont les fonctions sont comparables à celle d’un procureur général ou d’un chef de “prokuratura”, est chargé de dénoncer auprès de l’autorité compétente les dispositions injustes, inadéquates ou non constitutionnelles.
S’agissant de l’ordre économique, il est, lui aussi, régi par les principes islamiques (art. 47). La propriété privée est admise tant que son “usage et sa mise en valeur se réalisent selon des fins reconnues licites par la loi divine” (art. 49b). L’article 50b du modèle interdit, quant à lui, “toutes les formes d’acquisition et de dépense de biens qui sont prohibés par la loi divine”.
En ce qui concerne la monnaie, le modèle énonce qu’elle constitue “un moyen d’échange et un critère d’évaluation”. Dès lors “toute politique monétaire ou financière qui lui enlève cette fonction est une politique illégitime” dispose l’article 51.
Le modèle consacre, en outre, une institution typiquement islamique, celle du Jihad. L’article 57 en fait “une prescription religieuse de caractère impératif et perpétuel”. Cette prescription met à la charge de tout musulman “l’obligation de défendre l’ordre islamique et la terre de l’Islam”.
Au total, donc, l’ordre islamique, autant que les institutions islamiques et les valeurs islamiques, s’impose à tous les musulmans. Pour qu’il en soit ainsi, des mécanismes de contrôle et d’orientation ont été prévus. Il s’agit d’une part du Haut conseil constitutionnel et d’autre part du Conseil des docteurs de la loi.
Le Haut conseil constitutionnel est, aux termes de l’article 61 du modèle de constitution islamique, le gardien de la constitution. Il veille à protéger les fondements et les bases islamiques de l’Etat. Il est chargé, notamment, d’assurer le contrôle judiciaire de la constitutionnalité des législations et d’interpréter les textes législatifs. En somme, il s’agit ici d’une institution plutôt classique de contrôle de constitutionnalité et qui ne constitue pas un trait spécifique du modèle islamique. Il en va tout autrement du Conseil des docteurs de la loi.
Le Conseil des docteurs de la loi est composé de “docteurs experts en la Loi divine et dont tous témoignent qu’ils sont des hommes de grande prudence et de profonde piété, doués d’une science sûre et d’une perspicacité aiguë quant à la nature des temps et à leurs défis”. Ce Conseil assure, aux termes de l’article 65, les responsabilités suivantes :
remplir, directement, la fonction d’Ijtihad, étant précisé que l’Ijtihad est le constant effort d’interprétation de la loi religieuse à partir de ses données fondamentales -le Coran et la Sunnah- en fonction des diverses techniques juridiques qui ont été élaborées par les écoles d’interprétation et selon les nouvelles conjonctures. Le Conseil, dans son effort d’Ijtihad expose “ce qu’est le jugement éthique aux yeux de Dieu et répond aux besoins de la société musulmane” ;
exposer le jugement éthique de la loi divine quant aux lois que l’Assemblée consultative (Majlis Shoura) élabore ;
dire la vérité et proclamer quel est le jugement éthique de l’Islam, sans le moindre retard, en toutes choses qui intéressent la communauté islamique.
Il y a lieu, par ailleurs, d’indiquer que ce modèle de constitution islamique comporte de nombreuses dispositions relatives à l’unité de la communauté islamique et aux relations internationales (art. 72 à 79). Parmi ces dispositions, on retiendra celles des articles 72 et 76b. L’article 72 fait de l’unité de la communauté islamique l’un des buts qu’il incombe à l’Etat de poursuivre par tous les moyens possibles. L’article 76b énonce, quant à lui que “la guerre est légitime dès lors qu’il s’agit de défendre ses convictions religieuses et sa patrie ou bien ceux qui sont réduits à la misère ou victimes de l’injustice, ou qu’il s’agit de protéger la liberté et la dignité de l’homme et de sauvegarder la paix de l’humanité”.
On ajoutera, que le modèle de constitution islamique dispose que “la liberté des moyens de diffusion et d’information, la publication des journaux et des revues, tout cela est garanti dans les limites des principes et des valeurs de l’Islam” (art. 80 al. 2).
On indiquera, enfin, que le modèle fait du calendrier “hégirien” le calendrier officiel de l’Etat musulman (art. 83) et qu’il interdit “d’introduire un quelconque amendement qui porterait atteinte aux fondements islamiques de l’Etat ou qui comporterait quelque disposition contraire aux dispositions de la loi divine”.
Au total, c’est à ce modèle de constitution que l’Etat musulman est invité à se conformer. Or ce modèle n’a qu’une valeur morale, au surplus très souvent, et parfois, violemment contestée. Imputé à l’Islam, il ne semble pas avoir exercé un attrait particulier sur les musulmans. Les milieux savants le prennent, dans la plupart des cas, pour un bon exercice académique appelé à être, évidemment, sans lendemain. Il n’est pas étonnant, dès lors, qu’il n’ait pas bénéficié d’une attention de la part des Etats musulmans. Il n’y a pas, à ce jour, un seul Etat musulman qui l’ait repris à son compte ou qui s’en soit franchement inspiré. Ce que l’on relève, tout au plus, c’est que des Etats, en nombre limité, estiment avoir consacré -dans des termes souvent différents et antinomiques- des principes musulmans dans leurs constitutions.
b – Expériences constitutionnelles actuelles se réclamant de l’Islam
Deux expériences s’offrent souvent en modèle islamique et méritent, à ce titre, d’être examinées ; il s’agit de celles de l’Iran et de l’Arabie saoudite.
L’expérience de l’Iran
La constitution de la République islamique d’Iran constitue une illustration instructive de la liaison Etat-Islam au niveau de l’organisation du pouvoir. La religion est présente au niveau de toutes les institutions.
Les autorités gouvernantes en République islamique d’Iran sont les autorités législative, exécutive et judiciaire qui exercent leurs compétences, aux termes de l’article 57 de la constitution, sous la tutelle de l’imam.
Le législatif est confié à un Conseil national de la Shoura dont les membres sont élus par le peuple et dont les compétences doivent être exercées conformément à la Shari’à et sous le contrôle du Conseil de sauvegarde de la constitution.
L’exécutif est exercé par le Président de la République, le Premier ministre et les ministres. Certaines compétences exécutives relèvent, cependant, de la “direction” placée au-dessus de toutes les institutions.
Quant au judiciaire, il relève des tribunaux qui doivent être constitués, aux termes de l’article 61 de la constitution, conformément aux normes islamiques. Ils sont chargés de trancher les conflits qui leur sont soumis en assurant la justice et en observant les prescriptions divines des Hudud.
Mais l’originalité la plus importante de l’organisation du pouvoir en République islamique d’Iran provient de l’institution de la “direction”. L’article 5 de la constitution présente ainsi la “direction” (Wilayat Al-Amr wa Al-Umma) : “la responsabilité générale des affaires et de l’Umma en l’absence de l’imam Mahdi -que Dieu aide à sa réapparition- revient au Faqih juste, pieux, savant, courageux, gouvernant, homme de décision, celui que connaît la majorité des masses et qui accepte sa direction”. L’article ajoute que lorsqu’aucun Faqih ne dispose de cette majorité, le Conseil des Foukahas assure cette responsabilité conformément à l’article 107. L’article 107, quant à lui, indique que “si la grande majorité du peuple reconnaît et accepte la référence et la direction d’un des Fukahas, comme cela s’est produit pour la grande référence religieuse, le chef de la révolution islamique l’imam Khomeini, ce dirigeant prend, alors, la responsabilité de la société ainsi que toutes les conséquences qui lui sont attachées. Si telle n’est pas la situation, les experts élus du peuple se consultent au sujet de tous ceux qui sont aptes à remplir la fonction de direction. S’ils trouvent une seule personne remplissant les conditions, cette personne sera alors proclamée dirigeant du peuple. A défaut, ils chargent trois ou cinq personnes qui constitueront le Conseil de direction.
L’expérience de l’Arabie saoudite
L’expérience de l’Arabie saoudite est fondamentalement distincte de celle de l’Iran.
D’abord l’Arabie saoudite est une monarchie héréditaire. L’article 5 du statut de 1992 retient la forme monarchique et précise que la transmission du pouvoir se fait dans le cadre de la famille Al-Saoud sur la base de la Bey’à au profit du plus convenable des descendants du Roi Saoud, la Bey’a se faisant sur le Livre saint et la Sunnah du Prophète. Il est à noter, cependant, que le Roi nomme et révoque l’héritier du trône, mais que celui-ci ne peut accéder au pouvoir qu’après le décès ou l’empêchement absolu de son prédécesseur et sur la base de la Bey’à. L’article 6 ne précise pas les modalités de la Bey’à, mais dispose, simplement, que les citoyens font la Bey’à au Roi sur la base du Coran et de la Sunnah, s’engageant à la soumission et à l’obéissance aussi bien par temps faciles que par temps difficiles, en situation de bien qu’en situation de mal.
Il y a lieu de remarquer que le Roi est l’axe principal des institutions et le centre autour duquel tout le pouvoir est organisé. L’article 55 du statut confie au Roi la mission d’établir une politique “sharaïque” conforme à l’Islam, ainsi que la mission de veiller à l’application de la Shari’à islamique et des normes et politiques générales de l’Etat et d’assurer la protection du pays et sa défense. Le Roi est maître tant de l’exécutif -et du conseil des ministres notamment- que du législatif puisque le Conseil consultatif (Majlis Shoura) ne peut avoir de pouvoir que dans la mesure où le Roi le veut bien. C’est dire que l’Arabie saoudite ne dispose pas d’un pouvoir législatif proprement dit.
Sur le plan organique, le Conseil consultatif est dépendant, en ce sens que ses soixante membres sont désignés par le Roi. Son président, son bureau, son secrétaire général sont également désignés par le Roi.
Sur le plan fonctionnel, le Conseil est chargé d’émettre des avis sur les politiques générales de l’Etat qui lui sont soumises par le président du conseil des ministres, c’est-à-dire le Roi. Il est, en outre, spécialement chargé de ce qui suit :
– discussion du plan général de développement économique et social et formulation d’avis à son sujet,
– examen et avis au sujet des règlements et ordonnances, conventions internationale… ;
– interprétation des règlements ;
– discussion des rapports annuels présentés par les ministères et les agences gouvernementales et formulation d’avis à leur sujet.
Les avis du Conseil consultatif sont soumis au conseil des ministres. Lorsqu’il y a une divergence d’opinion entre le conseil des ministres et le Conseil consultatif, il revient au Roi d’arrêter ce qu’”il estime approprié”. De ce point de vue, il y a une différence très importante avec l’Iran. Le régime saoudien se rapproche, beaucoup plus que le régime iranien, du modèle de constitution islamique établi par le Conseil islamique d’Europe.
S’agissant du pouvoir réglementaire qui relève fondamentalement du Roi, le statut de 1992 indique que les règlements et ordonnances doivent se conformer à la Shari’à.
En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, on indiquera qu’il est exercé par des juges nommés par le Roi sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature et qu’ils sont révocables par lui. Pourtant l’article 46 du statut dispose que la magistrature est une autorité indépendante qui n’est soumise, dans l’exercice de la justice, qu’au pouvoir de la Shari’à islamique. On relèvera que, dans l’exercice de ses fonctions, le juge peut se heurter à des limitations rendues possibles par l’Ifta. Celle-ci est une opération d’interprétation-décision ou plus précisément d’interprétation officielle à valeur obligatoire. Les sources d’interprétation, telles qu’indiquées par le statut sont le Coran et la Sunnah. Le statut a renvoyé au règlement l’organisation et la détermination des compétences du Comité des grands oulémas et de la direction des recherches scientifiques de l’Ifta. Ce renvoi au règlement renforce, bien évidemment, l’autorité du Roi et est, conséquemment, de nature à limiter le pouvoir des juges. De ce point de vue aussi, des différences importantes avec le régime iranien mais aussi avec le modèle de constitution islamique, sont à relever.
Au total, il est important de souligner que les convergences entre les régimes des Etats qui se présentent ou sont présentés comme étant à l’avant-garde de l’Islam, sont loin d’être évidentes. La parenté entre les régimes iranien et saoudien d’une part et le modèle de constitution islamique élaboré par le Conseil islamique d’Europe d’autre part, n’est pas évidente elle aussi. C’est dire, en définitive, que l’accord au sujet d’un modèle d’organisation du pouvoir dans le monde musulman est impossible et il n’est pas à proprement parler d’actualité sauf, peut-être, pour les musulmans tentés par la surenchère et l’excès. En l’état actuel des choses la diversité, autant que les spécificités, est et demeure incontournable.
2 – L’incontournable diversité
La reconnaissance de l’Islam comme religion d’Etat ou religion de l’Etat n’a que rarement des répercussions sur l’organisation du pouvoir étatique. Elle ne conduit qu’exceptionnellement à la mise sur pied d’un régime dit islamique ou se réclamant de l’Islam. Très souvent les régimes des Etats musulmans sont en rupture idéologique avec l’Islam. Ils semblent manifester beaucoup plus de sensibilité à l’endroit du constitutionnalisme occidental qu’à celui des conceptions politiques se réclamant de l’Islam. A lire les textes de la plupart des constitutions des Etats musulmans, on éprouve de la difficulté à les dissocier du constitutionnalisme tel qu’il est né et tel qu’il s’est développé en Europe à partir du XVIIIème siècle.
Les constitutions des Etats musulmans s’inspirent, relativement aux droits de l’homme, beaucoup plus de la tradition philosophique occidentale et des textes internationalement établis que des préceptes islamiques en la matière. Il est significatif, par ailleurs que la déclaration des droits de l’homme en Islam, adoptée par le conseil des ministres des Affaires étrangères de l’O.C.I. au Caire, le 5 août 1990, n’ait même pas été soumise au sommet des chefs d’Etat et n’ait, pratiquement, pas eu d’écho au niveau des Etats et des opinions publiques.
L’organisation du pouvoir, telle qu’elle apparaît à travers la quasi-totalité des constitutions des Etats musulmans, est réalisée à la lumière du principe de la séparation des pouvoirs qui n’a pas, malgré le remarquable effort d’analyse de Sanhoury dans son “Califat”, d’équivalent en droit musulman (2).
Le système d’édiction du droit positif, tel que consacré par les constitutions, n’a pas de rapport avec le système islamique qui fait une nette distinction entre la loi taqlifya, loi imposée, et la loi wadhifya, loi posée, dégagée par les savants à partir de la Shari’à selon des mécanismes particuliers.
C’est dire, au total, que de manière générale, l’Etat musulman ne trouve pas, aujourd’hui, le fondement de son organisation dans l’Islam tant et si bien que la question ne se pose pas de savoir quelles sont les exceptions qu’apportent les constitutions des Etats musulmans au “modèle islamique”, mais quelles sont les exceptions islamiques qu’elles consacrent dans un système qui n’est pas fondamentalement islamique.
Pratiquement, l’un des points de convergence essentiels des constitutions des Etats musulmans, en la matière, concerne la religion du chef de l’Etat. La plupart des constitutions, en effet, n’ouvrent l’accès à la charge étatique suprême, qu’aux seuls musulmans. Les formules sont, à cet égard variables. Certaines sont particulièrement intéressantes sur le plan de l’analyse juridico-politique et religieuse. Il en est ainsi du Maroc où la constitution édicte que le Roi “Amir Al-Mouminin veille au respect de l’Islam”. Au Yémen, sous l’empire de la constitution de 1970, n’étaient éligibles au Conseil de la République -instance dirigeante suprême faisant fonction de chef d’Etat- que “ceux qui ont une maîtrise et une connaissance totale de la Shari’à et qui observent les prescriptions de l’Islam”. La constitution actuelle de la Jordanie énonce, quant à elle, que nul “n’accédera au trône s’il n’est…musulman issu d’une femme légitime et de père et de mère musulmans”. La constitution du Koweït prévoit les mêmes conditions. D’autres constitutions prévoient, sans plus de précision, que le chef de l’Etat doit être de religion musulmane. Il en est ainsi, notamment en Tunisie, en Algérie et en Syrie.
La condition relative à la religion musulmane du chef de l’Etat -là où elle existe- appelle les deux remarques suivantes :
La première est que cette exigence peut s’avérer formelle, sans suite. Il n’y a pas, en effet, et il ne peut pas y avoir de critère d’islamicité en dehors de la Chahada, affirmation en la croyance qu’il n’y a de Dieu que Dieu et que Mohamed est son prophète. Or, dans ce domaine, entre l’être et le paraître il peut y avoir bien des différences. Paraphrasant Nawaathiavel, on peut être tenté de dire qu’il n’est pas nécessaire que le prince soit musulman, l’essentiel étant qu’il le paraisse. “Tout le monde voit bien ce que tu sembles par dehors, mais bien peu ont le sentiment de ce qu’il y a dedans”. Il est un fait que les problèmes de croyance et de conviction peuvent échapper à la perception sociale. C’est dire que l’accessibilité à la charge suprême de l’Etat aux seuls musulmans peut n’être qu’une fausse fenêtre. Si les pouvoirs constituants des Etats musulmans y ont presque tous tenu, c’est essentiellement pour affirmer le caractère musulman de la société et pour rendre hommage à l’Islam.
La deuxième remarque est que l’édiction de la condition relative à la religion musulmane du chef de l’Etat est, en réalité, superflue pour utiliser un qualificatif employé par Pierre Rondot (3). Un coup d’épée dans l’eau, en somme. “Dans un pays dont la population est en majorité musulmane, écrit Pierre Rondot, prévoir que le Président de la République sera musulman est, en pratique, absolument superflu, car le jeu des forces politiques et sentimentales amènera, inévitablement, ce résultat ; mais pareille disposition est trouvée nécessaire, car elle atteste la supériorité de la communauté musulmane et comporte un hommage de principe à l’Islam” (4). C’est dire que, de ce point de vue la référence a une signification beaucoup plus symbolique et sociologique que juridique.
En dehors de cet aspect commun à la plupart des Etats musulmans et de leur adhésion quasi-générale au constitutionnalisme, il n’y a au niveau de l’organisation du pouvoir dans ces Etats que diversité : diversité de la forme des régimes, diversité de la forme des Etats, diversité de la nature des régimes, diversité des modes de répartition du pouvoir entre les différentes institutions…Il aurait été, évidemment intéressant, si le cadre s’y prêtait, de manière plus appropriée de comparer l’organisation du pouvoir dans des Etats comme le Bangladesh, le Pakistan, la Tunisie, l’Egypte, Bahreïn, Qatar ou Oman. Une telle comparaison aurait permis de mettre en relief la diversité mais également la richesse des expériences constitutionnelles des Etats musulmans. Il est un fait que la diversité dans le monde musulman l’emporte nettement sur l’unité. Le même phénomène peut être observé relativement à la question de la législation.
B – La législation de l’Etat
L’examen des législations des différents Etats musulmans permet de dégager trois situations, relativement, bien distinctes : celle de la législation subordonnée à la Shari’à, celle de la législation inspirée de la Shari’à et celle de la législation libérée de la Shari’à.
1 – La législation subordonnée à la Shari’à
La subordination trouve son fondement dans la distinction loi imposée-loi posée. En d’autres termes, la loi imposée par la volonté divine s’impose et prévaut sur celle posée par l’homme. La loi posée n’est légale et légitime que dans la mesure où elle traduit la Shari’à islamique, se conforme à ses prescriptions ou est compatible avec elles. Tous les pouvoirs publics sont, donc, limités dans leur volonté et dans leur action par la Shari’à. Les organes appropriés sont, par ailleurs, prévus pour assurer la prévalence de la Shari’à sur le droit posé par les institutions étatiques. C’est dire que le droit étatique n’a pas d’autonomie ou de légitimité propre. Cette situation est, de manière générale, celle des législations en Arabie saoudite, en Iran, au Soudan et au Pakistan.
a – Le cas de l’Arabie saoudite
Il n’y a pratiquement pas dans le statut fondamental du pouvoir ou dans le texte instituant le Conseil consultatif -qui datent tous les deux du 1er mars 1992- de dispositions qui soient étrangères, de par leur contenu ou leur portée, à la Shari’à islamique. Quelques indications tirées de l’un et de l’autre textes peuvent être fort édifiantes.
Selon le statut, la constitution de l’Arabie saoudite est le Coran et la Sunnah (art. 1er). Les fêtes d’Etat sont les deux Aïd dont les dates sont déterminées selon le calendrier de l’hégire (art. 2). La source du pouvoir est constituée par le Coran et la Sunnah. Cette disposition, qui figure dans l’article 7 prévaut sur l’ensemble des autres dispositions du statut ainsi que sur l’ensemble des autres règles. Le pouvoir est, aux termes de l’article 8, établi sur la base de la justice, de la Shoura (consultation) et de l’égalité conformément à la Shari’à islamique. Les fondements de la société saoudienne et des droits de l’homme sont déterminés par la Shari’à et le droit positif ne peut y déroger. L’économie obéit aux mêmes orientations et options. La source de l’interprétation (Ifta) s’inscrit, tout naturellement dans la même ligne, puisqu’elle est constituée par le Coran et la Sunnah (art. 45). La justice, indique l’article 46, se conforme à la Shari’à islamique. Elle est, précise l’article 46, exercée conformément à la Shari’à et aux règles édictées par le Roi et qui ne s’opposent pas à la Shari’à. S’agissant du pouvoir réglementaire, il ne peut être, lui aussi, exercé que conformément à la Shari’à. En ce qui concerne le Conseil de la Shoura, son statut est totalement imprégné de considérations sharaïques. L’article 1er du statut de la Shoura rappelle clairement les versets coraniques relatifs à la consultation. L’article 2 en trace les fondements : “le Conseil de la Shoura est fondé sur l’attachement à la voie de Dieu et à la conformité aux sources de la législation islamique”.
b – Le cas de l’Iran
On a eu, déjà, à évoquer l’article 4 de la constitution iranienne de 1979 qui soumet toutes les normes de quelque objet que ce soit et de quelque nature que ce soit aux normes islamiques. Il en est ainsi, notamment, des droits de l’homme qui sont gouvernés par la Shari’à. Les députés du Conseil de la Shoura sont appelés à agir aussi bien dans le domaine des droits de l’homme que dans les autres domaines, conformément à la Shari’à à laquelle, par ailleurs, ils doivent prêter serment de fidélité tout comme ils doivent prêter, plus généralement, fidélité à l’Islam. Mais la disposition constitutionnelle la plus importante, en dehors de celle prévue à l’article 4, est celle que comporte l’article 72 : “Le Conseil national de la Shoura ne peut pas édicter des lois contraires aux règles et dispositions du rite officiel de l’Etat, ou à la constitution du pays. Le Conseil de protection de la constitution est chargé se veiller à ce qu’il en soit ainsi”.
c – Le cas du Soudan
La législation soudanaise constitue l’une des illustrations les plus intéressantes de la subordination, de la soumission à la Shari’à islamique. La législation positive, au Soudan, est, très souvent, l’expression codifiée de la Shari’à, notamment en matière pénale. Sans qu’il soit nécessaire d’examiner différents aspects de la législation pénale, l’on peut évoquer l’attitude du Soudan à l’égard des délits de Hudud qui sont qualifiés, parfois, de crimes absolus ainsi que l’attitude qu’il adopte à l’égard de l’institution du Qisas.
Les Hudud sont des peines prévues et précisées par la Shari’à et qui sont passibles de châtiments corporels ainsi que de la peine de mort dans certains cas. L’introduction des Hudud date de 1983, du temps où le général Numeiry présidait aux destinées du Soudan et était assisté, au ministère de la Justice, par M. Hassan Tourabi qui semble bénéficier, aujourd’hui, d’une grande audience auprès des islamistes tant au Soudan qu’ailleurs. La législation de 1983 a été reconduite et confirmée par une loi de 1991 instituant le nouveau code pénal soudanais.
Conformément à la Shari’à, le code sanctionne le vol à main armée par la peine capitale ou la peine capitale avec crucifixion ou par l’amputation de la main droite et du pied gauche. S’agissant du vol grave, il est passible, aux termes desarticles170et 171 du code pénal, de l’amputationde la main droite. L’apostasie est sanctionnée par la peinedemort à moins que l’apostat se rétracte (art. 126). L’adultère est sanctionné par la lapidation si le délinquant est marié ou par une centaine de coups de fouet s’il est célibataire, cette dernière peine pouvant être renforcée par des peines complémentaires. L’article 147 sanctionne, en outre, les accusations de manquement à la chasteté. Là aussi la peine du fouet est prévue. Il y a lieu de souligner que lorsqu’il y a Hudud, il ne peut y avoir de pardon, aux termes de l’article 38.
Relativement à l’exonération de responsabilité, il y a lieu d’indiquer qu’elle ne peut s’appliquer qu’aux personnes âgées de moins de dix-huit ans et de plus de soixante-dix ans. Cette règle n’est, cependant, pas absolue. D’une part “une personne dont la puberté se manifeste par son aspect physique et qui est âgée de quinze ans révolus” peut être exclue du régime de l’exonération de responsabilité. D’autre part les personnes âgées de moins de dix-huit ans -réserve faite de l’hypothèse ci-dessus évoquée- et de plus de soixante-dix ne peuvent bénéficier de l’exonération de responsabilité lorsqu’il s’agit des délits de Hudud ou lorsqu’il s’agit de délits susceptibles de donner lieu à rétribution (Qisas).
La seconde manifestation de l’application de la Shari’à, en droit pénal soudanais, est l’institution du Qisas. Le Qisas ou rétribution consiste à faire subir au coupable la même offense que celle qu’il a commise. L’article 28 § 3 du code pénal prévoit qu’en cas de meurtre, la rétribution sera la mort par pendaison, et si le tribunal en décide ainsi, le coupable mourra de la même manière qu’il a employée pour faire périr sa victime. Le code pénal établit, dans son annexe, la liste détaillée des parties du corps et des blessures donnant lieu à rétribution. Mais, outre ces rétributions qui peuvent être qualifiées de simples, le code a prévu la “rétribution multiple”. Celle-ci signifie qu’un individu peut être exécuté à la place d’un groupe ou qu’un groupe peut être exécuté à la place d’un individu.
On remarquera, par ailleurs, qu’aux termes de l’article 38, en cas de faute impliquant la rétribution, aucune remise de peine ne sera accordée sauf s’il y a pardon de la part de la victime ou d’un membre de sa famille. On précisera, enfin, que les dispositions pénales d’ordre sharaïque ne sont pas applicables au sud du Soudan, peuplé majoritairement de non-musulmans, à moins que l’accusé n’en fasse la demande formellement ou qu’il en soit décidé autrement par l’organe législatif approprié.
d – Le cas du Pakistan
Le Pakistan, fondé en 1947 par Mohamed Ali Jinnah sur des considérations fondamentalement religieuses, est régi, dans de nombreux domaines, par une législation subordonnée à la Shari’à.
En 1984, l’ordonnance n°XX du 26 avril, adoptée par le général Zia Ul Haq, sous un régime d’exception, était venue consacrer la lutte contre les activités hostiles à l’Islam y compris celles provenant de minorités se réclamant de l’Islam comme la communauté des Ahmadis déclarée non musulmane par un amendement constitutionnel datant de 1974 et ce malgré la liberté religieuse consacrée par l’article 20 de la constitution de 1973. L’ordonnance comporte une définition du musulman par référence à la croyance en Dieu et en son dernier prophète Mohamed, le non musulman étant, en conséquence, celui auquel cette définition n’est pas applicable et qui relèverait, précise l’ordonnance, de manière explicite, du christianisme, de l’hindouisme, du bouddhisme, des Sikh, de la communauté des Parsis, des Ahmadis, des Bahaïs…
L’ordonnance de 1984 a intégré dans le code pénal un certain nombre de dispositions relatives, notamment, au blasphème et à la sanction de ceux qui “se posent en musulmans”. Le blasphème contre le nom du Prophète Mohamed est puni par la peine capitale. En vertu d’une décision rendue par la Cour suprême de Lahore en 1994, la même peine est applicable à l’auteur de blasphème contre tout prophète de Dieu.
Analysant l’ordonnance n°XX de 1984, la Cour suprême du Pakistan a estimé qu’elle s’inscrit dans la logique de l’Etat musulman et qu’elle trouve son fondement philosophique et juridique dans l’Islam. Dans l’arrêt qu’elle avait rendu dans l’affaire des Ahmadis, la Cour déclare au sujet de l’ordonnance : “it establishes and renforces the prophethood of Mohamed (peace be upon him). It protects the prayers and the mosques. It prohibits “Ilhaad” (apostasie) or subversion of the religion and it protects against hurting the religious feelings of others in Majority. These are all laudable objects recognised by the injonctions of Islam and permitted by the constitutional provisions in Islamic State”. La Cour en tire les conséquences au niveau de l’affaire des Ahmadis en ces termes : “Anything, in any fundamental right wich violates this injonctions of Islam thus must be repugnant. It must be noted here that the injonctions of Islam, as contained in Quran and the Sunnah, guarantee the rights of the minorities also in such a satisfactory way that no other legal order can offer anything equal. It may further be added that no law can violate them”.
En réalité, l’ordonnance de 1984 s’inscrit dans tout un processus tendant à approfondir l’islamisation de la société et de l’Etat au Pakistan et qui connut l’un de ses moments forts le 15 juin 1988 lorsque le général Zia Ul Haq promulgua “l’ordonnance pour la mise en application de la Shari’à”. Cette ordonnance est venue, d’abord, poser le principe de la suprématie de la Shari’à en ces termes : “La Shari’à sera la source suprême de la loi au Pakistan et la “GRUND NORM” pour guider les décisions de l’Etat”. Elle institue, ensuite, une Cour pour régler les affaires selon la Shari’à : “Si une question se pose devant une cour qu’une loi ou des dispositions de la loi sont incompatibles avec la Shari’à et que la cour considère que l’affaire mérite un examen, elle saisira la Cour fédérale de la Shari’à et cette cour pourra convoquer et examiner le dossier de l’affaire et décider de la question dans un délai de soixante jours”.
L’ordonnance prévoit, enfin, un certain nombre de règles d’organisation et de fonctionnement dont celles tenant à la qualification des juges et des collaborateurs de la Cour. Elle indique, notamment, que “les Ulémas ayant de l’expérience et des qualifications seront choisis pour être nommés juges et amicus curiae dans la Cour” et que “les personnes bien versées dans la Shari’à, les institutions réputées dans l’éducation islamique et les deeni madaris au Pakistan et à l’étranger seront (…) éligibles d’apparaître devant la Cour pour l’interprétation de la Shari’à en accordance avec les règles formulées à cet effet”.
L’adresse à la nation faite par le général Zia Ul Haq, le 15 juin 1988 à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance de la Shari’à, est très édifiante sur plus d’un plan et mérite qu’on s’y arrête quelque peu.
D’emblée le général Zia rappelle que, depuis sa prise du pouvoir le 5 juillet 1977, il n’a cessé de dire que “seule la mise en application de la Shari’à était la raison d’être de la création de notre pays, que seule la mise en application de la Shari’à était la force de notre existence, que seule la mise en application de la Shari’à était la garantie de notre survie”. Il ajoute plus loin : “Je crois profondément que la mise en application de la Shari’à est le seul remède efficace aux problèmes sociaux auxquels nous avons à faire face actuellement”.
Présentant l’ordonnance, le général Zia estime qu’il s’agit d’un “document très important et précieux qui a été préparé dans le vrai esprit de l’Islam”, un document dont “le nom même est témoin de l’esprit, du texte ou de la foi qui en est le pilier, c’est-à-dire, l’esprit de la mise en application de la Shari’à”. Il précise qu’”en plus la définition de la Shari’à est telle qu’elle est acceptable par toutes les écoles de pensée, c’est-à-dire qu’au lieu de se perdre dans les ambiguïtés, la base de la Shari’à est le Coran et la Sunnah”.
La grande particularité de l’ordonnance, selon le général Zia, est que “la Shari’à est considérée comme la loi suprême du pays”. Dès lors “l’objectif principal que cette ordonnance s’efforce d’atteindre, c’est que la base de chaque décision et de chaque loi du gouvernement devienne la Shari’à et la seule Shari’à”.Le général Zia conclut son adresse en proclamant que “si Dieu le veut, on n’est pas loin de l’époque où le Pakistan sera le vrai berceau de l’Islam, où les traditions non islamiques n’existeront plus (…) où les ennemis de l’Islam s’affaibliront et où dans chaque coin de notre cher pays régnera la suprématie de la Shari’à de Mohammad”.
L’ordonnance sur la Shari’à constitue, ainsi, un temps fort dans le processus d’islamisation de la législation au Pakistan. Elle constitue la suite logique de la mise en oeuvre, en 1979, des lois sur les Hudud, dont l’application se heurta, notamment, à un manque manifeste de personnel qualifié. L’ordonnance de 1988 souleva de nombreuses réactions et précipita la chute du général Zia Ul Haq. Le 29 juillet 1991, sous le gouvernement de M. Nawaz Charif, une loi de mise en vigueur de la Shari’à est entrée en application, ce qui engendra des modifications importantes, notamment au niveau du code pénal.
Au titre des observations finales relativement à la subordination de la législation étatique à la Shari’à, il pourrait être utile d’évoquer la question de la codification de la Shari’à et de l’établissement de codes islamiques.
L’idée de codification de la Shari’à est une idée ancienne et il y a eu plusieurs opérations de codification du Fikh au XIXème siècle. En revanche, l’idée d’établir des codes islamiques formellement élaborés et structurés, est relativement récente et a donné lieu à quelques initiatives. C’est ainsi, par exemple, que l’Université Al-Azhar avait élaboré, pour son usage interne de nombreux projets. Au courant des années soixante-dix, Al-Azhar avait essayé de mobiliser l’opinion publique autour de projets de codes islamiques à proposer au parlement égyptien en vue de leur donner force de droit positif. Il s’agit de :
quatre projets de code civil de la vente, chacun établi selon une des quatre écoles du sunnisme à savoir les écoles malekite, hanbalite, hanafite et chafiïte. Ces projets avaient été publiés, au Caire en 1972 par l’Académie de recherches islamiques dépendant de l’Université Al-Azhar.
un projet de code pénal islamique proposé à l’Assemblée du peuple (Parlement) par le cheikh d’Al-Azhar, Abdelhalim Mahmoud (projet publié en version française par Etudes Arabes de 1986, p. 87 à 109).
plusieurs projets préparés par l’Académie de recherches islamiques pour chacun des Hadd (pluriel Hudud).
A partir de 1978, cependant, une nouvelle initiative tendant à faire adopter les projets par les institutions de l’Etat, eut lieu. Sous l’influence d’Al-Azhar, à l’action duquel une partie de l’opinion publique semblait apporter son soutien, l’Assemblée du peuple en Egypte constitua une commission ad hoc groupant sept sous-commissions, à l’effet de discuter “des projets de codification de la Shari’à islamique”.
Les sous-commissions ont été chargées d’examiner les questions suivantes : action en justice, droit social, transactions financières et économiques, transactions civiles, droit pénal, droit commercial général et droit commercial maritime.
La commission, autant que ses sous-commissions, était autorisée par l’Assemblée à consulter “toutes les études et travaux de codification ainsi que les lois relatives à l’application de la Shari’à islamique en Egypte et à l’étranger et les travaux d’experts et de spécialistes de la Shari’à et du droit positif”. Cinq projets de code ont été publiés, en définitive, après avoir été préparés entre 1978 et 1982 :
transactions civiles (136 articles)
preuves en justice (181 articles) et actions en justice (513 articles)
droit pénal (630 articles)
droit commercial maritime (443 articles)
droit commercial général (772 articles) (5).
Préparés du temps de la présidence d’Anouar Sadate et sous la direction effective de Sufi Abou Taleb, président de l’Assemblée du peuple, les projets furent discutés en séance plénière. Ils le furent, cependant, comme documents de travail et non comme propositions susceptibles d’être adoptés. Le fait qu’ils soient discutés à un niveau aussi élevé, témoigne de leur importance stratégique et leur donne un grand écho auprès de l’opinion. Cet écho se manifesta, clairement, au niveau du barreau et spécialement auprès des avocats activistes islamistes, mais également auprès de certains magistrats. C’est ainsi que dans une décision rendue par la Cour de justice de Fayoum contre un trafiquant de drogue, le juge a cru devoir “implorer le pardon de Dieu” pour avoir fait application de la loi positive et déclarer qu’il “aurait préféré appliquer l’article 1er d’un projet de loi sur le Had (châtiment corporel) sanctionnant l’absorption d’alcool présenté le 7 juillet 1976 par une commission supérieure ad hoc du ministère de la Justice à l’Assemblée du peuple” (6).
Sur le plan professionnel, les magistrats, réunis en congrès en 1986, ont recommandé l’adoption des mesures suivantes :
“1°- publier les projets de lois tirés de la Shari’à islamique et revoir l’ensemble des législations afin que leurs dispositions soient en accord avec les principes de la Shari’à islamique ;
2°- préparer le climat public propice à la publication de ces législations et à leur mise en application dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation, de l’information, de la culture, de la solidarité sociale et dans d’autres domaines ;
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