Par Valérie Guilloteau, coordonatrice-Tunisie, Amnistie internationale section canadienne-francophone.
A la veille d’être l’hôte du Sommet mondial des sociétés de l’informations (SMSI), les autorités tunisiennes continuent de bafouer quotidiennement les droits de la personne les plus fondamentaux dont celui à la liberté d’expression.
Lorsque le président de la République française déclarait, il y a quelques années à Tunis, que le premier des droits de l’homme était de se nourrir et qu’en ce sens il félicitait le gouvernement tunisien de son bilan ; il souleva, non sans raison, un tollé car les droits humains sont indivisibles et aucun n’a préséance sur les autres. Le droit de s’exprimer librement est un droit à la dignité humaine.
Amnistie internationale recense chaque année de nombreuses violations du droit à la liberté d’expression en Tunisie que ce soit au niveau de la presse écrite, télévisuelle ou radio-diffusée. Mais s’ajoute maintenant une nouvelle forme de répression : celle qui s’abat sur l’Internet. Deux cas récents témoignent de ces nouvelles pratiques.
Le cas de Maître Mohammed Abou.
Mohammed Abou, avocat et membre du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) a reçu dans la nuit du 28 au 29 avril une peine de 3 ans et six mois d’emprisonnement à l’issue d’un procès bafouant toutes les normes du droit international. Le procès a eut lieu en présence d’une foule d’avocats tunisiens soutenant Me Abou, de diplomates étrangers ( canadiens, américains et européens notamment) et de représentants d’ONG internationales telles que Human Right Watch, Avocats sans frontières, la Fédération internationale des droits de l’homme, etc.
Me Abou a été reconnu coupable d’agression physique sur une consoeure de travail et de diffusion de fausses nouvelles. Aucune preuve recevable n’a été présentée lors du procès pour l’une ou l’autre des ces accusations. En réalité, on reprocherait lui un article publié sur le site internet Tunisnews en août 2004 qui comparait la situation des prisons tunisiennes à celle d’Abou Ghraib en Iraq et qui dénonçait l’usage de la torture en Tunisie.
Le cas des internautes de Zarzis
Le 6 avril 2004, des jeunes internautes d’origine de Zarzis, au sud de la Tunisie, ont été jugés et condamnés à de lourdes peines, en moyenne 19 ans et 3 mois de prison sur des accusations de “terrorisme” et de rassemblement non autorisé. Ces jeunes Tunisiens étaient notamment accusés d’avoir consulté et téléchargé des documents sur Internet, jugés dangereux par les autorités. Depuis 2003, une loi anti-terroriste d’ « appui aux efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et de blanchiment d’argent » stipule que sont soumis au régime de l’infraction terroriste « les actes d’incitation à la haine ou au fanatisme racial ou religieux quels qu’en soient les moyens utilisés » -Internet étant l’un de ces moyens.
Amnistie internationale est convaincue que leurs aveux ont été obtenus sous la torture. Et plusieurs irrégularités sont venus entacher leurs procès. Le procès en appel (confirmé en cassation) a finalement réduit leur peine à 13 ans de prison (24 mois pour Abderrazak Bourguiba, mineur lors de son arrestation).
En Tunisie, l’accès à Internet est strictement contrôlé. Certains sites d’informations tunisiens ou journaux électroniques, mais aussi de partis, d’ONG ou de médias étrangers diffusant des informations critiques contre le gouvernement, sont régulièrement bloqués. Le contrôle des moyens de communication et notamment d’Internet est renforcé avec la mise en place d’une véritable ” police du cyberespace ” en vue de pister et d’interpeller les internautes trop actifs. Les messageries anonymes , de type « Hotmail » sont souvent inaccessibles afin d’inciter les internautes à utiliser des comptes plus facilement contrôlables par les autorités.
Les responsabilités de la communauté internationale
Le gouvernement canadien participe activement aux préparatifs entourant le prochain Sommet mondial des sociétés de l’informations qui se tiendra en novembre 2005 à Tunis. En février dernier, il y investissait plus de 100 000 dollars canadiens. Une large délégation canadienne, tant du domaine public que privé se rendra à Tunis lors de cet événement. Il est de notre responsabilité de rappeler aux autorités tunisiennes leurs engagements internationaux en matière de droits humains et d’appuyer les initiatives démocratiques de la société civile tunisienne.
Vous trouverez plus d’informations sur le site internet de la coordination-Tunisie d’Amnistie internationales section canadienne-francophone.
« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »
(article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme)
site web de la coordination-Tunisie.
Source : centre des médias alternatifs au Québec| 30/04/2005
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