Le dernier round préparatoire du Sommet de l’information – Tunis du 16 au 18 novembre – a démarré lundi à Genève. Entre partage démocratique des savoirs et instrument suprême de répression, l’internet sera au centre des débats.
Allons-nous vers une démocratie renforcée ou une cyberpolice des citoyens ? Un partage du savoir ou sa commercialisation généralisée ? A deux mois de la seconde phase du Sommet Mondial sur la Société de l’Information (SMSI) – qui se déroulera à Tunis du 16 au 18 novembre – ces questions cruciales marqueront l’ultime conférence préparatoire qui a débuté lundi à Genève. Officiellement, la gouvernance de l’internet – comment organiser sa régulation internationale – devrait constituer l’un des enjeux majeurs de ces dix prochains jours. Les autres thèmes concernent l’accès des pays pauvres aux technologies de l’information et le suivi des décisions. Deux visions, l’une commerciale, l’autre à visage plus humain, s’affrontent autour de chacun de ces points.
Lors de sa première phase à Genève en décembre 2003, le SMSI a réussi à accoucher d’une déclaration et d’un plan d’action. L’information y a été reconnue comme un besoin essentiel au même titre que l’eau ou la santé. La Suisse avait alors insisté pour que soient mises sur le tapis les questions sur la liberté d’expression, le rôle des médias, la diversité culturelle, la vie privée des internautes. Elle avait alors pris position contre les atteintes aux droits humains en Tunisie. Aujourd’hui, les ONG suisses dénoncent la frilosité de Berne, pourtant coresponsable du Sommet.
“Dans l’ombre de cette PrepCom, va planer le problème de l’aggravation des répressions en Tunisie. Il faut absolument qu’après le 18 novembre, la situation ne soit pas pire. Sinon cela signifierait que la communauté internationale cautionne un symbole terrible : un sommet de l’information dans un pays qui étouffe l’information”, avertit l’ancien directeur de la TSR Guillaume Chenevière, membre de Communica.ch (plate-forme suisse regroupant une vingtaine d’organisations de journalistes, d’humanitaires et d’universitaires).
“Nos gouvernements ont considéré les technologies de l’information comme des instruments de liberté, pas ou peu comme des instruments de répression, déplore Yves Steiner, membre suisse du Comité exécutif de Amnesty International. Et les violations des droits humains qui en découlent, en Tunisie mais aussi en Egypte, Syrie, Chine, Birmanie, Angola, etc., ont été mis de côté. C’est un comble pour un sommet sur l’information.”
Selon le vice-directeur de l’Office fédéral de la communication, Frédéric Riehl, le défi consiste à trouver un équilibre entre la lutte contre terrorisme et le respect des libertés. Il voit une autre urgence : internationaliser les noms de domaine de haut niveau afin que les USA ne soient pas les seuls maîtres du jeu. Mais Stéphane Koch, président de l’Internet Society à Genève, est pessimiste : “Pour les Etats-Unis, l’internet constitue un enjeu économique, stratégique et surtout militaire. Et aujourd’hui, nous sommes dans une guerre de l’information. En plus, les Américains, qui ne sont pas en surabondance économique, ne sont pas prêts à partager ni les bases de données comme Google, ni les infrastructures qui permettent d’accéder à internet.”
Statut quo aussi sur les questions de financement du net dans le Sud : alors que les Américains ne jurent que par les capitaux privés, l’Europe prône une aide publique. En attendant, les sous n’arrivent pas et la Tunisie continue à se présenter comme le pionnier technologique pour éblouir les pays pauvres. Quand à la proposition genevoise d’un Fonds de solidarité numérique (prélever 1% sur les achats publics d’équipements), elle a été critiquée par Berne et le secteur privé.
Et l’après Tunis ? “Les Etats Unis ne veulent pas de changement, précise Riehl. Par contre, la Suisse et les pays européens envisagent un partage des tâches entre société civile et secteur privé. Il faut s’entendre sur les rôles de chacun. On peut imaginer que l’Union internationale des télécommunications s’occupe, par exemple, des spams, et que les libertés individuelles soit suivie par l’UNESCO.”
Source : InfoSud
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