Il y a longtemps que j’ai cessé d’acheter le magazine “Réalités”. Depuis le temps, assez éloigné, où cette revue était indépendante, du moins dans les limites des besoins de la concurrence prédatrice livrée, avec le soutien actif, quoique furtif, de l’Etat bourguibien, contre “Le Maghreb” du très respecté Omar S’habou. Ce pionnier que j’avais personnellement vu à l’oeuvre de par mes fonctions au ministère de l’Information de l’époque est assurément de ceux qui incarnent encore, bien que boutés brutalement et ignominieusement hors de la filière presse, l’honneur de la profession. Humiliés, martyrisés même dans le cas de certains d’entre eux, mais encore et toujours debout…
Voilà donc que notre magazine qui semble s’appeler par auto-dérision “Réalités” se signale à mon attention, grâce, il est vrai, à l’agence en ligne “Tunisnews”, en consacrant tout un dossier au secteur de l’information dont chacun sait, pourtant, qu’il est l’un des motifs de honte de la Tunisie d’aujourd’hui. J’ai pensé, un moment, qu’un tel intérêt pouvait se justifier par l’approche du SMSI.
En pleine réunion préparatoire (Prepcom3 à Genève) de cette rencontre planétaire, cela pouvait en effet servir de message aux nombreux opposants au choix très controversé, de Tunis pour abriter le SMSI. Question de leur dire approximativement ceci, par la voix de “Réalités” qui est, comme chacun sait, un des vrais faux appendices de la presse gouvernementale, sous une vraie fausse étiquette indépendante : “Oui, nous avons longtemps bafoué la liberté d’expression. Oui, nous avons longtemps muselé la presse. Oui, nous avons beaucoup fait pour clochardiser les journalistes (ce que Réalités appelle pudiquement la nécessaire amélioration de la situation matérielle des médias) et réduire au silence toute voix discordante. Mais, aujourd’hui, nous avons la volonté de remédier à tous ces travers. La preuve ? Nous avons nommé un ministre en charge du secteur”…
Soit dit en passant et à propos de nomination de ministre (je sais, de plusieurs sources, que le nouveau titulaire du poste, Monsieur Rafaa Dekhil, est un homme intègre et un homme de dialogue comme il vient de le prouver aux Affaires sociales), les gens ont mis longtemps avant de comprendre que ce ministère était chargé de la tutelle du secteur de l’information. Le titre “ministre des communications” (au pluriel) annoncé par les journaux au lendemain du remaniement du gouvernement est, en effet, très révélateur du clair-obscur qui continue d’envelopper le secteur…
Cet intérêt subit pourrait tout aussi bien indiquer que des changements seraient envisagés quoique beaucoup trop d’indicateurs militent plutôt pour une attitude sceptique, surtout compte tenu de la très forte crispation du pouvoir sur le terrain des libertés et des droits de l’homme. Seuls quelques rares signaux, hélas bien timides, ont nourri quelque tétu espoir.
Le ministre de la communication s’est attelé à la tâche. A en croire les échos publiés dans les journaux, il multiplie les rencontres avec les gens de la profession pour tenter de dresser un état des lieux. Je viens tout juste d’apprendre qu’il a effectué sa première visite sur le terrain. Il aurait commencé par l’agence TAP. En s’y rendant en tout premier lieu, il a, à mon humble avis, vu très juste. D’après les informations dont je dispose en tant qu’ancienne du secteur mais toujours très présente dans le milieu, cette entreprise est devenue, au cours des dernières années, un vrai champ de ruines après avoir été longtemps leader en Afrique et au Maghreb dans son domaine d’activité. Le ministre a également vu juste parce que le dévoiement de la fonction de l’agence de presse nationale est l’un des principaux facteurs du délabrement, poussé jusqu’à la caricature, de la presse tunisienne dans son ensemble…
Si j’étais le ministre de la communication, je regarderais de très près ce qui s’y passe… Il s’y passe des choses graves, en effet… C’est une entreprise nationale gérée non seulement comme une “boîte” privée mais d’une manière quasi féodale. Dans l’impunité et la longévité… Je ne manquerai certainement pas d’y revenir d’une manière plus détaillée et de partager les informations surprenantes dont je dispose à ce sujet. Pour le moment, chacun peut constater avec effarement que la principale entreprise de presse tunisienne n’envisage même pas de se doter d’un site Internet. Même pas d’une adresse électronique… Mentalité archaïque et résistance au progrès obligent…
J’y reviendrai. Promis.
(*) Une tunisienne, fonctionnaire du ministère de l’information à la retraite, qui s’exprime sous couvert de l’anonymat, mais qui tient à s’exprimer.
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