Le journaliste était sorti le 14 juillet vers 12h30 de l’hôpital, et avait passé la nuit chez des amis près de Sousse. Il était revenu le 15 juillet à l’hôpital afin de récupérer son dossier médical.
Fahem Boukadous a été poursuivi avec acharnement par les autorités tunisiennes depuis deux ans pour sa couverture des manifestations populaires dans la région minière de Gafsa en 2008. Reporters sans frontières est d’autant plus inquiète pour le journaliste qu’il souffre de problèmes pulmonaires. Il est toujours sous traitement médical et les médecins l’ont convoqué pour de nouveaux examens le 23 août prochain.
C’est un cas de plus qui montre que le régime du président Zine El-Abidine Ben Ali se veut implacable avec les journalistes indépendants. Les autorités sont même prêtes à enfreindre leurs propres règles de justice pour arriver à ses fins (cf. communiqué précédent).
Depuis la réélection du président Ben Ali, en octobre 2009, le pays a renforcé son image d’Etat policier, journalistes et blogueurs subissant un véritable harcèlement au quotidien. Récemment, le Parlement a adopté un projet de loi visant à criminaliser directement les activités de sensibilisation menées par les défenseurs des droits de l’homme tunisiens, renforçant son dispositif légal destiné à verrouiller les libertés fondamentales.
Historique de l’affaire
Le 5 janvier 2008, la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), principal employeur d’une région marquée par un fort taux de chômage, publie les résultats du concours d’embauche. La population de la région de Redeyef, jugeant ces résultats frauduleux, entend dénoncer la politique de recrutement de la CPG, le favoritisme et la corruption.
Le 7 avril 2008, une trentaine de grévistes sont interpellés, provoquant d’importantes manifestations. Une vague de répression s’abat alors à l’encontre des jeunes et des activistes de la région qui multiplient les rassemblements. Trois jeunes manifestants sont tués. Deux d’entre eux sont tués par balles le 6 juin 2008.
Fahem Boukadous a couvert pour El Hiwar Ettounsi ces manifestations populaires. Il collabore depuis 2006 avec cette chaîne de télévision satellitaire privée, lancée en 2002 à partir de la France .
Les images filmées par Fahem Boukadous sont reprises par d’importants médias panarabes et postées sur les sites de partages de vidéos, tels que YouTube et Dailymotion, tous deux censurés en Tunisie. Le 5 juillet 2008, par crainte d’être arrêté, Fahem Boukadous entre dans la clandestinité.
Le 4 décembre 2008, s’ouvre le « procès des 38 », accusés “d’entente criminelle en vue de commettre des attentats contre les personnes et les biens“, de “rébellion armée commise par plus de dix personnes“ et de “troubles à l’ordre public“. A l’issue du procès le 11 décembre, 33 personnes sont condamnées à des peines allant de deux ans d’emprisonnement avec sursis, à dix ans et un mois de prison ferme. Cinq personnes sont relaxées. Le verdict est rendu en l’absence de plaidoiries de la défense et d’interrogatoires des prévenus.
Fahem Boukadous est, quant à lui, condamné, par contumace, par le tribunal de première instance de Gafsa, à une peine de six ans de prison ferme, pour “appartenance à une association criminelle susceptible de porter atteinte aux personnes et à leurs biens”, et “diffusion d’informations de nature à troubler l’ordre public“, sur la base des articles 131 et 121 du code pénal tunisien.
Le procès en appel s’ouvre le 13 janvier 2009. Le 5 février 2009, la cour d’appel confirme la condamnation de Fahem Boukadous à une peine de six ans de prison ferme.
Le 24 novembre 2009, le journaliste se présente libre au tribunal de Gafsa, mettant ainsi un terme à près de dix-sept mois de clandestinité. Absent lors de son procès, Fahem Boukadous peut faire opposition du premier jugement. La procédure recommence depuis le début, annulant les décisions juridiques précédentes concernant le journaliste.
Il a été condamné le 13 janvier 2010 à quatre ans de prison ferme par le tribunal de Gafsa pour les mêmes faits que ceux qui lui étaient reprochés en décembre 2008. Depuis, le procès avait été reporté à plusieurs reprises.
Des affaires « en veux-tu, en voilà »
Le 14 juillet 2010, le tribunal cantonal de Jendouba a annoncé le report du procès du journaliste Mouldi Zouabi, reporter à Radio Kalima, au 4 août prochain.
Alors qu’il s’attendait à être convoqué en tant que plaignant dans l’affaire où il avait été agressé par Khalil Maaroufi, un proche des services de police, Mouldi Zouabi avait reçu, le 7 juillet 2010 pour répondre de l’accusation de « violences aggravées et injures publiques » contre son agresseur.
Le 1er avril 2010, le journaliste a été agressé devant le poste de police central de Jendouba par Khalil Maaroufi, gérant d’un café situé en face du palais de justice à Jendouba (200 km à l’ouest de Tunis).
« Le type est sorti d’une voiture et m’a demandé si je m’appelais Mouldi Zouabi. A peine avais-je répondu par la positive qu’il s’est jeté sur moi en me rouant de coups et me traitant de tous les noms. Il a cassé mes lunettes. Il m’a arraché mes papiers. Il m’a tout pris, mes papiers d’identité, ma carte de presse de la Fédération internationale des journalistes, ma carte bancaire, mon permis de conduire, mon dictaphone et d’autres documents personnels », avait déclaré Mouldi Zouabi.
Mouldi Zouabi avait alors porté plainte auprès du parquet de Jendouba après avoir été examiné par un médecin qui lui a délivré un certificat médical attestant des blessures provoquées par l’agression.
Aujourd’hui, la plainte qu’il avait déposée a été classée pour « insuffisance de preuves » et son agresseur le poursuit pour les faits dont lui-même avait été victime.
Zakia Dhifawi, journaliste à Mouatinoun, a été agressée, le 1er juillet 2010, à Nantes par des policiers tunisiens en civil alors qu’elle intervenait au Forum mondial des droits de l’homme. Elle a porté plainte. A son retour en Tunisie, le 6 juillet 2010, elle a subi une fouille corporelle humiliante.
Dans un communiqué de presse commun daté du 17 juin 2010, Reporters sans frontières, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), le Réseau Euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), Amnesty International et Human Rights Watch ont publiquement condamné l’adoption par le Parlement tunisien, le 15 juin 2010, d’un projet de loi visant à criminaliser directement les activités de sensibilisation menées par les défenseurs des droits de l’homme tunisiens (http://fr.rsf.org/tunisie-adoption-…).
Le 8 juillet 2010, une lettre a été envoyée au Président tunisien, Monsieur Zine El-Abidine Ben Ali, afin d’attirer son attention sur les conséquences de l’adoption d’un tel amendement sur les activités de promotion et de protection des droits de l’homme menées par les défenseurs des droits de l’Homme tunisiens, et lui demandant d’abroger cet amendement.
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