Souha Arafat, épouse de l’ex- président de l’autorité palestinienne, Yasser Arafat, a-t-elle été chassée de Tunisie en 2007 pour s’être montrée trop gourmande avec la famille de Ben Ali ? A-t-elle été déchue de sa nationalité tunisienne pour avoir voulu faire de l’ombre à la première dame de Tunisie, Mme Leila Benali ? A-t-elle été chassée de la Tunisie pour n’avoir pas eu la reconnaissance du ventre à l’égard de la famille régnante qui l’avait accueillie et choyée pendant plusieurs années ?


De nouveaux câbles obtenus par Wikileaks et révélés par le quotidien espagnol El Pais apportent de nouveaux éléments qui permettent aujourd’hui de comprendre comment et pourquoi Souha Arafat a été déchue de sa nationalité tunisienne le 2 août 2007.

Bien que ces câbles reposent exclusivement sur la version des faits rapportés par Souha Arafat à l’ambassadeur US à Tunis, ils ne constituent pas moins de précieux éclairages sur cette affaire qui a défrayé la chronique durant l’été 2007. Tout comme ils apportent de nouveaux éléments qui accréditeraient les informations selon lesquelles l’épouse d’Arafat est une femme plutôt portée sur les affaires; qu’elle est liée par le busines à la famille régnante; que celle-ci a fait la main basse sur les richesses en Tunisie; que Souha Arafat est loin d’être une femme désintéressée, une veuve éplorée…

Issue de la bourgeoisie chrétienne orthodoxe palestinienne, Souha Tawil est née en 1963, à Naplouse (Cisjordonnie). Embauchée pour s’occuper des relations publiques de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), elle devient conseiller économique de Yasser Arafat avant de l’épouser secrètement en 1990. De leur union nait une fille dénommée Zahwa. Le couple a élu résidence en Tunisie où Yasser Arafat avait trouvé refuge pendant quelques années avant de retrouver sa terre natale.

Prise sous la protection de la famille Ben Ali au lendemain de la mort de son époux en novembre 2004, Souha ne manque de rien. Résidence, subsides, elle s’est vue octroyer, en guise d’ultime cadeau, la nationalité tunisienne le 18 septembre 2006 par décret signé par le président Ben Ali.

Au cours de son séjour en Tunisie, Souha Arafat s’est ainsi liée d’affaires avec Mme Benali avec laquelle elle avait ouvert l’Ecole internationale de Carthage, avec laquelle elle a fondé plusieurs sociétés à Dubaï et investi dans la téléphonie mobile. Alors que les deux dames sont intiment liées, alors que Souha bénéficie d’un statut de privilégiée en Tunisie, le vent tourne brusquement en sa défaveur durant l’été 2007. Du jour au lendemain, la vie dorée de la veuve Arafat se dérobe sous pieds.

Le 2 août 2007, un décret présidentiel paru dans le « Journal officiel de la République tunisienne » la déchoie, ainsi que sa fille, de la citoyenneté tunisienne. « La nationalité tunisienne acquise par voie de naturalisation par Madame Souha Bent Daoud Ben Jabrane Ettaawil, née le 17 juillet 1963 à Jérusalem, lui est retirée. », annonce les autorités tunisiennes. Communiqué laconique, déchéance immédiate. Tombée en disgrâce, Souha Arafat est chassée de la Tunisie comme une malpropre. Elle part s’installer à Malte où son frère exerce les fonctions d’ambassadeur.

A l’époque des faits, plusieurs versions ont circulé dans la presse internationale pour tenter d’expliquer cette chute brutale. Souha aurait épousé en secret le frère de Leila Ben Ali, Belhassen Trabelsi, elle aurait eu des vues sur les richesses de la famille régente, elle aurait piqué dans la caisse de l’école de Carthage, elle aurait demandé de l’argent à Khadafi et déversé son fiel sur le président Ben Ali, elle aurait aussi fait de l’ombre à la famille du raïs tunisien, famille connue pour sa propension à s’accaparer les richesses de la Tunisie. Bref ! Plusieurs rumeurs, mais pas l’ombre d’une confirmation officielle.

Ces deux télégrammes diplomatiques transmis par l’ambassade US à Tunis lèvent ainsi un coin du voile qui entoure cette affaire. Si, encore une fois, ces câbles reposent uniquement sur la version des faits tel qu’ils sont été rapportés par Souha, ils ne révèlent pas moins quelques détails croustillants sur la disgrâce de celle qu’on surnomme la « veuve tapageuse » ainsi que sur le système de prébende mis en place en Tunisie par ce que les diplomates américaines appellent « La Famille ».

 

Traduction du câble émis le 16 octobre 2007


 
Le journal official du gouvernement tunisien a annoncé le 2 août 2007 la révocation de la nationalité tunisienne accordée à Suha Arafat, épouse de l’ancien président de l’autorité palestinienne, le Président Yasser Arafat. Le gouvernement tunisien avait accordé la nationalité tunisienne par naturalisation à Mme. Arafat ainsi qu’à sa fille Zaha, 12 ans, en septembre 2006. La décision du gouvernement de déchoir Mme Arafat de sa nationalité a été brusque. Au début du mois de juillet, lors d’une conversation téléphonique avec l’ambassadeur US à Tunis, Mme Arafat n’a pas fait la moindre allusion à ce sujet. En effet, elle avait indiquait qu’elle souhait rencontrer l’ambassadeur une fois de retour de vacances à Malte à la fin de l’été. Il n’y avait, non plus, aucun signe de détresse de la part de Mme Arafat, lors de cette conversation téléphonique.

Lors d’une conversation téléphonique avec l’ambassadeur à la mi-octobre, Mme Arafat a justifié sa déchéance par une animosité personnelle avec la Première dame, Leila Ben Ali. « Je ne peux pas croire à ce qu’elle m’a fait, s’est-elle écriée. J’ai tout perdu ! » Elle s’est plainte que tous ses biens en Tunisie lui ont été confisqués, y compris en recourant à des documents falsifiés. ( La rumeur dit que Mme Araft a investi – et perdu -quelque 2,5 million d’euros dans le projet de l’Ecole internationale de Carthage). De plus, dit-elle, ses amis, ses collègues ainsi que son banquier en Tunisie ont été également soumis à des pressions. « Quiconque me soutient est puni. »

Mme Arafat a attribué sa déchéance à un différent avec Mme Ben Ali autour de l’Ecole Internationale de Carthage, une nouvelle école privée, à but lucratif, dont elles étaient associées. Selon la version des faits rapportée par Mme Arafat, la dispute est née de la décision de Leila Ben Ali de fermer l’école Bouebdelli (connue sous le nom de la Fondation Louis Pasteur), une grande école privée très respectée d’où une grande partie de l’élite tunisienne est sortie). ( Note : Le ministère de l’Education a notifiée, mi-mai, à L’école Bouadbelli sa fermeture, officiellement pour non-respect des règlements d’inscription.

Cette décision a été suivie de protestations publiques, soutenue, en partie, par une compagne de pétitions et de lettres de la part des parents d’élèves inscrits à cette école. De nombreux journaux locaux et internationaux ont critiqué la décision de fermeture arguant que celle-ci est une tentative fragrante d’étouffer la concurrence au profit de l’Ecole internationale de Carthage. Le fait que les parents d’élèves de Bouebedlli aient été encouragés à inscrire leurs enfants à l’école de Carthage, l’octroi le 29 août, via un décret présidentiel, à cette dernière, d’une aide de 1.794.600 dinars tunisiens (environ 1,5 million de dollars), soit un 25 % de son budget, ont contribué à donner du crédit à ces accusations.

Mme Arafat a affirmé que c’est Leila Ben Ali en personne qui a pris la décision de fermer l’École Bouebdelli. Elle a affirmé qu’elle a essayé de raisonner la Première Dame en lui disant que ce que nous faisons est contraire à l’éthique», et que la concurrence en fin de compte serait saine. Elle ajouté que leurs différents sont allés crescendo, et le point culminant, selon Mme Arafat, est la décision de la déchoir de sa citoyenneté alors qu’elle était encore en vacances à Malte. Mme Arafat a déclaré l’ambassadeur qu’elle entend rester à Malte où son frère exerçait comme ambassadeur et qu’elle souhaite passer Noël dans les territoires palestiniens.

D’autres rumeurs ont circulé autour de cette école, apportant un autre son de cloche. Selon une autre version, c’est plutôt Mme Arafat qui a outrepassé ses limites, et non Leila Ben Ali. Plus précisément, on dit que Mme Arafat a convaincu le Ministère de l’Education de la fermeture de l’école Bouebdelli. Pour ce faire, elle aurait évoqué le nom de Mme Leila Ben Ali comme étant lié à cette école. Bien que sujette à caution, cette version laisse croire que Leila Ben Ali n’était pas tenue au courant du fait que son nom ait été évoqué. Ausi, la première dame du pays aurait été fortement irritée en apprenant la nouvelle de la fermeture de cette école – donc de son rôle présumé dans cette décision – à travers des articles parus dans la presse locale et internationale. ( Commentaire : Le fait que l’école ne Bouebdelli n’a pas été rouverte, même après la déchéance de Souha Arafat de sa citoyenneté, semble mettre en doute la véracité de cette version. Commentaire Fin.)

De nombreuses autres versions ont alimenté la rumeur autour de l’affaire de Suha Arafat. Un Palestinien résident en Tunisie, plutôt bien renseigné, a affirmé à l’ambassadeur sous le sceau de l’anonymat que le sort de Mme Arafat a été scellé lors d’un récent séjour à Tripoli au cours duquel elle a sollicité de l’argent auprès du leader libyen Khadafi. Khadafi a généreusement mis la main à la poche pour aider Souha, mais il aurait appelé le président Ben Ali pour lui reprocher de ne pas avoir subvenu aux besoins de la veuve de l’ex-président de l’Autorité palestinienne.

L’embarras de Ben Ali, selon cette version, a vite tourné à la colère. Il ne fallait pas longtemps pour que Mme Arafat perde sa citoyenneté tunisienne. Une autre version raconte que Suha Arafat a été déchue parce qu’elle a mis le grappin sur une partie importante des biens de la famille de la première dame de Tunisie. Finalement, au vu de rumeurs persistantes selon lesquelles Mme Arafat s’est secrètement mariée avec Belhassen Trabelsi, le frère de la première dame de Tunisie, certains commentateurs pensent que toute cette affaire est liée à l’échec de cette relation entre Arafat et Trabelsi.

Il ne fait aucun doute que compte tenu de ses déboires, Mme Arafat ne s’est pas gênée pour faire part à l’ambassadeur de ses critiques négatives à propos du président Ben Ali, de sa femme, des membres de sa famille, qui, dit-elle, sont trempés dans des affaires de corruption. A l’appui de sa relation étroite nouée au cours de ces dernières avec la famille régnante, elle a mis en avant plusieurs allégations dont les suivantes :

  • Le président Ben Ali demeure affaibli par son combat contre le cancer ;
  • Le Président Ben Ali passe tout son temps à jouer avec son fils autour de la résidence;
  • Le Président Ben Ali ne fait que ce que sa femme lui demande de faire ;
  • Leila Ben Ali et sa famille pillent tout ce qui possède une valeur ;
  • Leila Ben Ali croit qu’elle succédera à son mari ;
  • Les membres de la famille élargie Ben Ali agissent comme bon leurs semblent dans une totale impunité, y compris en falsifiant des documents;
  • Leila Ben Ali a récusé le programme scolaire américain établi au profit de l’école de Carthage parce que fondamentalement elle ne veut rien entreprendre avec les Américains.

Il est peu probable que nous puissions un jour connaître tous les faits dans l’affaire de Souha Arafat, ou, en l’occurrence ce qui s’est passé autour de l’Ecole Bouebdelli et de l’École internationale de Carthage.

De toute évidence, avoir été dépouillée de sa citoyenneté tunisienne et privée de ses propriétés en Tunisie, donnent à Suha Arafat des arguments pour s’en prendre au clan de Ben Ali. De fait, ses allégations ne doivent pas être prises au pied de la lettre.

Les deux câbles de l’ambassade publiés par El Pais sur cette affaire :
http://www.elpais.com/articulo/internacional/Cable/analiza/expulsion/Tunez/viuda/Arafat/elpepuint/20101213elpepuint_8/Tes

http://www.elpais.com/articulo/internacional/Cable/analizan/razones/Tunez/conceder/nacionalidad/Arafat/elpepuint/20101213elpepuint_6/Tes

Source: DNA-Algérie.