Près de quatre semaines que je n’ai pas écrit. Pas une phrase ! Je m’étais pourtant habitué à lâcher mes émotions sur un papier. Certains de mes amis avaient même pensé que j’avais quitté mon travail pour me consacrer à l’action citoyenne, au développement régional, à la vie associative et à l’idée née du lendemain de la Révolution … l’idée de faire rapprocher le voisin de son voisin et vaincre l’ignorance, l’oubli et le mépris dans chaque localité de La Tunisie.
Près de quatre semaines que les journées du 14 janvier semblent se faufiler en laissant derrière elles un filet de souvenirs, de rêves et d’idéaux. L’idéal de voire inscrire dans la mémoire de chaque citoyen tunisien, les sacrifices de ceux qui ont perdu un enfant ou un parent, une affaire ou une situation ou tout simplement avalé leurs sueurs et leurs larmes face à la peur.
Près de quatre semaines où la voix citoyenne chantant l’hymne national à plein poumon, s’est mixée à des bruits … beaucoup trop de bruit à mon avis. Des partis politiques légitimes, des médias friands de sensations, un prim-time étalant des horreurs, des évènements supposés importants et devenant rapidement d’une banalité sans précédent !
Près de quatre semaines que l’habitude s’est installée. Une habitude de voir des vidéos de carnages en Libye sans cligner des yeux, à entendre des vocables supposés incorrects sans être alerter. A voir apparaître des attentas terroristes et vite relayés par une nouvelle trouvaille de coffre remplis de billets de banque. Près de quatre semaines où le n’importe quoi se creuse dans le quotidien, un quotidien avec une image de fond d’écran ; une image avec des pixels faisant surgir la faim, la pauvreté, la misère, le clanisme tribale de certaines régions, des bribes d’extrémismes idéologiques et en ayant au final une image globale du tout va bien ; à croire que le gouvernement et les commissions travaillent durement et provisoirement sans agenda publié à Photoshop.
C’est comme si, en quelque sorte, La Tunisie du 14 janvier ne m’appartenait plus ! J’avais pourtant l’illusion que je pouvais brandir ma nationalité et ma citoyenneté naissante et donner mon avis. Mais avant de clore ce post … je souhaite venir sur quelques journées du 14 janvier. J’y reviens en guise de mémoire et laisser des choses pour vaincre l’oubli.
…. Je me rappelle de cette fête des martyrs du 9 mars 2011… Les associations avaient regroupé les familles des tunisiennes et des tunisiens morts dans ce chaos de la Révolution. Beaucoup de femmes étaient présentes, toutes tenaient un portrait de leur mari ou de leur fils perdu. L’une d’entres elles tenaient une photo de petite fille. Je me suis avancé vers elle et j’ai posé la question si sa fille allait bien … en pensant que c’était le papa qui était parti …
Elle m’a regardé et m’a dit que sa fille n’était plus ! … morte asphyxiée .. asphyxiée par les gaz lacrymogènes… Sa fille de trois ans était morte en suffoquant. Je tenais ma fille sur mes épaules … je n’avais plus conscience qu’elle était avec moi … j’étais dans la douleur de cette mère venue pour faire partie des témoins … J’ai posé ma main sur son épaule en ayant une émotion devant l’horreur de la vie … j’ai reculé d’un pas en serrant ma fille pour repartir chez moi !
Oui … c’est dur d’écrire que les prémisses des saisons mortes reviennent. J’ai peur d’y penser. Et pourtant, ces prémisses sont bien là …
08/06/11
Moi je n’ai jamais cru que la révolution m’appartenait. A la limite les seuls qui pourraient la revendiquer ainsi sont les martyrs de Kasserine, pas les simples témoins (Acteur ?) du web comme moi. Mais quel que soit notre futur, ces quatre semaines font qu’aujourd’hui j’appartiens à la Tunisie. Et cet hymne qui avant m’insupportais presque autant que la marseillaise, aujourd’hui j’en ai la version d’Amina en sonnerie sur mon portable.
Carrie says
YMMD with that ansewr! TX