Tout commence bien évidemment en décembre 2010 du côté de Sidi Bouzid. Mohamed, jeune vendeur de fruits et légumes, harassé par les difficultés du quotidien, humilié par la police, s’immole devant un bâtiment public. Très vite, Mohammed devient le symbole de toute une jeunesse qui refuse l’oppression d’un pouvoir vieillissant et suffisant.
Chacun de nous se souvient de cette période, de l’émotion soulevée par ce peuple en révolte contre le pouvoir répressif de Ben Ali. Et par l’incurie de certaines personnalités politiques françaises. Une révolution relayée en Tunisie par les réseaux sociaux, facebook et twitter en tête. Pour la première fois, une révolution se jouait grâce à la toile, chacun allant de sa petite vidéo, de son indignation, de son appel à rejoindre les révoltés, de son témoignage sur la terreur entretenue pas la police… Eric Borg, connu des bédéphiles pour avoir créé le magazine Zoo, nous offre un récit bien construit, senti, rythmé, documenté, un récit de fiction, certes, mais totalement encré dans la réalité historique avec quelques libertés assumées et expliquées par l’auteur en postface.
Quant à Alex Talamba, dont c’est ici le premier ouvrage en langue française, son graphisme de caractère sert admirablement l’histoire. Un très bon livre, forcément passionnant et utilement complété par un dossier graphique qui revient sur la révolution, ses acteurs, le rôle des réseaux sociaux…
Dans ce roman graphique de 126 pages en couleurs, découvrez Mohamed, mais aussi ses copains Foued Amami, Lotfi et sa copine Anissa, Houssine, et bien d’autres confrontés à la réaction d’un pouvoir usé et suivez heure par heure cette révolution spontanée. Avec quelques pleines pages très suggestives, et un style semi-réaliste à forte dominante de noir, il campe l’ambiance avec dynamisme et efficacité. L’ensemble est renforcé par des couleurs dans une jolie gamme chromatique. Certes, le regard d’Éric Borg est français où les agissements “effrayants” de la Ministre Alliot-Marie ne passent pas inaperçus. Mais, le récit est suffisamment documenté pour réaliser un vrai et profond travail de mémoire à chaud.
Synthèse
Pour la littérature francophone, Ali Abbassi vient de publier un roman exquis aussi. Avis aux amateurs; en voici un extrait:
EXTRAIT DE MON DERNIER ROMAN : “Le Vent se lève en janvier” (Tunis et Lausanne, Ed. “Sahar” et “En bas”, mars 2012)
Préface
Le roman, la révolution, la vérité
Si vous cherchez la vérité, passez votre chemin, car aucun romancier ne l’a trouvée, et ménagez votre monture, puisque vous ne la trouverez nulle part. Un pays en révolution a quelque parenté avec un roman qu’on lit. Vous y trouverez bien des héros, des contes, des récits chevaleresques, des histoires qui rappellent Don Quichotte, Mille et une nuits, Le Comte de Monte Christo, L’Espoir et Nedjma, à côté de faits bien réels, mais souvent inconsciemment perçus et interprétés comme ceux qu’on trouve entre les pages d’un livre. La vie réelle ne serait ainsi ni sérieuse ni passionnante si elle n’était pas suffisamment romanesque.
Si, en revanche, vous croyez qu’il y a autant de vérités qu’il y a d’observateurs, en dépit de quelques illusions communes, si vous avez assez de curiosité pour lire une vérité, telle que l’œil du romancier a cru la voir, une vérité syncopée et ductile comme est censé nous l’offrir un genre littéraire comme le roman quand il s’inspire directement de la vie et veut s’inscrire dans la mémoire, au rythme quotidien d’un journal troué et romancé, descendez de selle un moment, il y a de fortes chances pour que vous trouviez, ici, quelque satisfaction !
Ali Toumi Abbassi
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