Wael Karrafi: “Ils refusent de me rendre ma jambe amputée pour que je l’enterre”

Face aux prétextes officiels qui retardent une prise en charge proportionnelle à leurs états de santé dégradés, les blessés de la révolution sont sûrement ceux qui ont souffert le plus physiquement et psychologiquement depuis le déclenchement de la révolution, des souffrances amplifiées et prolongées par l’indifférence populaire d’une opinion publique éduquée aux préjugés pendant des décennies de dictature et habituée au déshonneur au point de ne plus croire que beaucoup de blessés ont étés motivés par le refus de l’injustice, mais je crois que la source des souffrances les plus intenses chez les blessés c’est le fait qu’en dépit des martyrs, eux ils voient pour quel gâchis ils se sont sacrifiés :

Un gouvernement incohérent et contre révolutionnaire qui diabolise tous ceux qui le critiquent, un peuple atteint par le masochisme intellectuel et soumis par reflexe au pouvoir politique, et une scène politique immature et machiavéliquement instrumentaliste.

Parmi les blessés de la révolution l’évolution de la situation de Wael Karrafi est un épisode qui incarne le plus l’état des lieux en ce qui concerne le dossier des blessés de la révolution et le rôle qu’a joué l’état (ou plus exactement qu’il n’a pas joué).

Wael est un blessé amputé d’une jambe suite à une blessure par balle survenue le 9 janvier 2011 à cité Ezzouhour, quartier chaud de la ville de Kasserine, bastion de la révolution, au cours des affrontements avec les forces de police qui essayaient de faire avorter la propagation de la révolte.

Le 9 janvier 2011, a Kasserine les hommes sont descendus dans les rues pour affronter la répression policière, et à partir du Hammam (bain maure) situé à l’entrée du centre ville, les femmes incitaient les hommes à ne pas reculer avec leur cris guerriers “Ahom ahom frechich ahom” ( “Voilà les frechichs” , Les frechichs étant une tribu Tunisienne de Kasserine qui a un historique révolutionnaire notamment contre l’armée française pendant la colonisation).

Wael était présent a ce moment là avec les jeunes de son quartier, participant à la résistance, fier de nature et combattif, il était dans les premiers rangs, quand soudain pour essayer de briser le moral des hommes révoltés, les policiers ont attaqués massivement l’intérieur du Hammam ou les femmes se baignaient avec du gaz lacrymogène, a ce moment elle sont sorties asphyxiantes et nues dans la rue, les hommes ont accouru pour les couvrir avec leur habits et pour les protéger, cette scène a fait entrer Wael dans un état de transe et il a avancé seul et désarmé contre les policiers, qui lui ont tirés une balle au niveau du genou, sa jambe se détacha sur le coup.

Après cette épopée et après le 14 janvier, Wael a souffert de négligence médicale grave et d’une absence totale de soutien psychologique, il a subit l’ingratitude de la majorité de ses compatriotes pendant des mois, nous l’avions rencontré avant sa récente prise en charge par un bienfaiteur et avant son voyage a vienne ou il a eu droit a une prothèse sophistiquée qui lui a redonné espoir dans la vie, le comédien Raouf ben Yaghlane lui avait rendu visite au local de Nawaat, d’abord Wael a parlé de ce qui l’a motivé pour se révolter et descendre dans la rue affronter la répression.

Ensuite Wael, dans une séquence d’un sarcasme noir digne des tragédies grecques les plus sombres, raconte comment l’hôpital de Sahloul à Sousse a refusé de lui remettre sa jambe amputée pour qu’il l’enterre!

Wael est parti le 18 mars 2012 pour Vienne afin d’avoir une prothèse et faire de la rééducation. Complètement pris en charge par un homme d’affaire Tuniso-autrichien.

Wael a attendu en vain que la promesse d’une prise en charge au Qatar de la part de l’Etat se concrétise, nous l’avons rencontré après son retour de Vienne :

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