Bonn, le 27.12.2012
Cher Monsieur Bhiri,
Vous êtes le ministre de la justice de la nouvelle Tunisie et nous, un groupe de tunisiens résidents en Allemagne et n’appartenant à aucune mouvance politique, avons voulu à travers cette lettre vous rappeler vos responsabilités envers la Tunisie et les Tunisiens à appliquer les valeurs nobles de la démocratie, des droits de l’homme et de la justice.
Monsieur le ministre, nous voudrions vous citer quelques événements qui ont marqué l’histoire de l’Allemagne, un pays phare en matière de justice, démocratie et droits de l’homme qui sont la colonne vertébrale de toute démocratie et le garant premier du succès de n’importe quelle révolution. Ce pays est un pays de transparence totale, une transparence telle que le phénoménal parcours du chancelier Helmut Kohl, l’un des hommes qui ont marqué l’histoire en Allemagne et dans le monde, a été sali à cause d’une affaire de dons pour son parti et que son bras droit à l’époque et actuel ministre des finances Wolfgang Schäuble, le tendon d’Achilles de la finance Européenne a été contraint de démissionner à cause de cette affaire. C’est également un pays de liberté d’expression, une liberté d’expression telle que le président Allemand Christian Wulff démissionna après avoir menacé un journaliste qui a dévoilé une affaire d’emprunt d’argent auprès d’une personne privée et c’est aussi un pays de justice et de droits de l’homme, une justice telle que le kidnappeur et tueur du fils du fameux banquier Von Metzler eut un dédommagement malgrés l’atrocité de ses actes après avoir gagné son procès contre la police pour mauvaise conduite lors de sa garde à vue.
Monsieur le ministre, on voulait vous rappeler que les Tunisiens en Allemagne veulent voir les élus du peuple tunisien refléter ces valeurs nobles et donner l’exemple à nos compatriotes qui ont soifs de Liberté, Justice et Démocratie. Monsieur le ministre de la justice, nous estimons en toute sincérité inutile de vous rappeler que les cours de justice sont des instances sacrées dont les verdicts sont indiscutables et qu’on se doit de les appliquer à la lettre. Que la Tunisie ne soit pas encore un pays démocratique mais plûtot qui traverse une transition démocratique vous oblige d’être responsable vis-à-vis des tunisiens et de remettre à l’ordre quiconque qui n’appliquerait pas la loi en prenant l’exemple des pays fortement démocratiques. Que le ministère de la justice tunisienne n’applique pas la décision de la cour de cassation, peu importe le nom de l’accusé, est un fait inacceptable dans une Tunisie qui aspire à la démocratie et aux droits de l’homme. De plus, elle donne un argument fort aux pays hôtes des symboles de l’ancien régime de ne plus jamais les livrer à la Tunisie faute d’indépendance de la justice, ce qui serait une grande perte pour les tunisiens et leur révolution. Monsieur le ministre, après notre révolution, nous ne défendons pas des personnes mais les valeurs de la justice et de l’égalité devant la loi. Si on ne respecte pas les verdicts des magistrats, quelle serait la différence entre après et avant la révolution? On risquerait bien que la chaine de l’injustice se reproduise et on tomberait dans le même schéma de dictature, chose que vous ne souhaitez surement aucunement.
Cher Monsieur Bhiri, tant nous sommes fiers des valeurs du pays où nous vivons, tant nous espérons que notre pays, notre Tunisie aura un jour la chance de gouter aux valeurs nobles d’un pays qui nous reste étranger malgrés nous. Alors, au nom de la confiance que les électeurs vous ont attribué, au nom des années de souffrance que vous avez vécu, de l’injustice qui vous a fait souffrir, au nom de ceux qui regardent ici avec beaucoup d’admiration notre révolution, au nom de notre chère Tunisie et enfin au nom de Dieu, nous vous demandons d’appliquer ce que nos magistrats ont décidé et d’intervenir pour libérer Sami Fehri puisque la décision vous revient principalement.
Cordialement.
• Balghouthi Mounir
• Hamdi Oualid
• Boufaied Lamia
• Bada Oualid
• Dellali Skander
• Dr. Foudhaili Hatem
• Amri Samih
• Dr. Kachouri Salma
• El Karaa Karim
• El Arbi Fedi
• Dellali Afef
• Romdhani Sarra
• Zammel Souhaib
• Abbes Abir
• Khlif Skander
• Ouled Ali Zied
• Tarssim Oula
• Ayadi Anis
• Drissi Samia
• Kefi Amor
• Rami Baccar
Prière et encore prière, de ne pas faire la comparaison avec l’Allemagne, puisque la Tunisie n’est pas l’Allemagne et ne sera jamais comme l’Allemagne, tout simplement à cause des différences culturelles, historiques, économiques/ sociales, linguistiques…etc. La Tunisie a plutôt besoin d’un élan qui correspond à la volonté de son peuple, et d’un essor économique qui convient à la puissance productive de sa “population active”, d’où les revenus de l’Etat seraient assez pour entreprendre et financer de grands projects qui assurent également la continuité du développement économique, et ainsi le vrai combat contre le chomage donnerait son fruit du moment que la prospérité “atteint” les classes pauvres par leur donner du travail ou une indemnité de chomage . Mais pour arriver à ce stade, il faut d’abord générer des grosses sommes d’argent,pour pouvoir lancer les grands projets d’emploi, et garantir le droit au chomage à chacun . Et surtout, apprendre à vivre comme des frères, loin de l’egocentrisme et de l’egoïsme matériel . Une Nation se développe quand il y a cette fraternité entre ses citoyens . C’est donc tout un changement de mentalité qui sera le défi à moyen terme, voire à long terme dépendant de l’engagement collectif fourni .
En ce qui concerne la lettre ouverte, il y a un dilemme moral . D’une part, la demande de la mise en liberté de Sami Fehri, et d’autre part la volonté de devoir accepter que le ministère de la justice est devant le choix de laisser tomber son rôle de superviseur sur le déroulement des enquêtes judiciaires, menées par le minitère public, dans le cadre d’enquêter sur la provenance des biens acquis de telle ou de telle personne, afin que justice soit rendue au peuple, longtemps victime de pillages de toutes sortes, et de repression . Cependant le dilemme est plus grand qu’on ne l’imagine . Ou bien on laisse les enquêtes se dérouler, ou bien on revient à “la politique de pistons”, jadis héritée du temps des Beys .
C’est effarant de lire cette lettre de tunisiens qui ont l’air d’être éduqués et de comprendre le fonctionnement de la démocratie puisqu’ils l’admirent dans leur pays de résidence. Mais au fur et à mesure qu’on avance dans la lecture de leur lettre on s’aperçoit du contraire. Ils n’ont pas l’air de comprendre le fonctionnement de la démocratie. La démocratie occidentale part du principe de la séparation des pouvoirs: Le législatif est confié au parlement qui vote les lois, l’exécutif au gouvernement chargé de l’administration conformément aux lois et le judiciaire aux tribunaux et autres instance chargés de l’application des lois en cas de litige. La responsabilité de chaque pouvoir est bien délimitée et aucune ne doit chevaucher l’autre. En Tunisie du temps de la dictature les choses ont fonctionné différemment. L’exécutif dictait au parlement les lois qu’il fallait voter, comme celles qui violaient la Constitution et permettaient au dictateur de se faire réélire autant de fois qu’il voulait ou même pour lui accorder la présidence à vie. Cet exécutif se mêlait aussi du judiciaire et du fonctionnement des tribunaux et dictait aux magistrats les sanctions à imposer. Ou bien il leur faisait savoir quels individus étaient au-dessus des lois et ne pouvaient être poursuivis ou sanctionnnés. Des Tunisiens qui se présentent comme respectueux de la loi dans leur pays de résidence viennent aujourd’hui exprimer le désir de violer les lois de leur pays d’origine. Ils demandent au ministre de la justice de perturber le fonctionnement de la justice en décidant à la place des tribunaux du sort d’un accusé. J’ai peine à le croire.