Le journal des débats à la Constituante : Le prêt du FMI en débat à l’Assemblée

Rubrique préparée en collaboration avec Marsad.tn, l’observatoire de l’Assemblée Nationale Constituante

Le prêt du FMI n’en finit pas de créer des débats notamment au sein de l’assemblée où la plénière du mardi 21 mai a porté sur l’accord de prêt du FMI à la Tunisie.

Pour rappel, ce prêt représenterait le 3ème dans l’histoire du pays. Deux autres prêts ont eu lieu en 1964 et 1986. Aujourd’hui, il s’agit d’un prêt de 2,7 milliards de dollars sur deux ans mais les conditions des réformes requises pour ce prêt, restent floues. Selon le communiqué officiel, l’accord une fois approuvé «soutiendrait le programme économique des autorités tunisiennes destiné à protéger la stabilité budgétaire et extérieure (du pays), promouvoir une croissance plus forte et bénéficiant davantage au plus grand nombre, et s’attaquant aux déficiences les plus importantes du secteur bancaire». Seul un document confidentiel révélé fin mars par nawaat a donné une ébauche du programme: des augmentations de prix comme celui des carburants, la baisse des impôts pour les entreprise, le déplafonnement des taux d’intérêt (ce qui signifierait une meilleure rentabilité des banques), un audit des entreprises publiques de l’énergie, gaz, électricité et raffinage des produits pétroliers, laissant présager un régime d’austérité. Il ne s’agit pas de conditions mais plutôt d’un accord tacite entre le gouvernement tunisien et le FMI. Pour la société civile, ces contreparties apparaissent comme une « atteinte à la souveraineté du pays » mais aussi une augmentation de la dette déjà estimée à 30 milliards de dinars (soit 15 milliards d’euros) dont la moitié serait issue du régime Ben Ali. La nécessité d’un audit des comptes de l’Etat semblait donc être primordiale avant d’envisager des prêts. Or malgré un projet de loi déposé en ce sens, cette option ne semble plus être envisagée par le gouvernement. C’est ce manque d’informations sur les réelles conditions imposées par le prêt qui a fait l’objet principal du débat au sein de l’Assemblée. Ce prêt suscite la controverse et le débat et la séance plénière de l’ANC avait pour but de donner plus d’informations aux élus mais l’accord final sur le prêt ne dépendra pas de l’Assemblée, une décision qui s’est avéré frustrante pour certains des députés présents. Une copie de l’accord devait être distribuée aux députés pendant la séance, cela n’a pas été le cas.

Audition du ministre des finances

La séance a débuté avec 140 élus. Le ministre des finances Elyes Fakhfakh a été auditionné sur la question. Il a commencé par exposer les chiffres relatifs à la dette publique qui reste « soutenable » selon lui. Il a également expliqué que la durée de son remboursement est sur une durée acceptable (7 ans) avec un taux de 4, 4 % et envisage le recul de la dette publique actuellement à 46% vers les 43% en 2017. L’élu Mahmoud Baroudi a souligné qu’il s’agissait plutôt de 50% du taux d’endettement. Les réformes du prêt concerneraient selon lui principalement le secteur bancaire.

Séance plénière filmée par Albawsala

Economie d’urgence selon le gouverneur de la Banque Centrale

C’est ensuite le gouverneur de la Banque Centrale Chedly Ayari qui a pris la parole. Il a expliqué qu’il y a une différence de 5% entre le taux d’investissement et le taux d’épargne. Il a aussi insisté sur la gravité de l’endettement pou consommation et non création de richesses. Pour lui il s’agit surtout de suivre une « économie d’urgence ».

Les élus en majorité «contre»

Les réactions des élus ne se sont pas faites attendre. La majorité des interventions a montré une certaine méfiance à l’égard de ce prêt surtout quant à l’augmentation de l’endettement qu’il sous-entend. A titre d’exemple, l’élue Noura Ben Hassen du CPR a demandé si la société civile a été réellement consultée pour les réformes out comme l’élu Moncef Cherni qui a demandé quelles sont les vraies raisons ayant poussé la Tunisie à négocier avec le FMI.Rim Mahjoub du Bloc démocrate a souligné le fait qu’il manque encore actuellement une feuille de route claire et une stratégie gouvernementale sur la question.

Réponses du Ministre et du gouverneur

Selon le Ministre des Finances, le prêt du FMI vise surtout à équilibrer la balance des paiements. Le système fiscale tunisien reste défaillant selon lui mais les solutions sont ur le long terme. Selon lui, les biens et les sociétés confisquées sont une solution pour combler le déficit (voir encadré ci-dessous) mais que tout ne peut être vendu maintenant car on serait tenter de brader les prix. Le gouverneur a quant à lui expliqué que seul la partie du prêt qui pourrait affecter le budget de l’Etat serait soumis à l’ANC mais pas pour le moment. Il a insisté sur la fait que le prêt ne porterait pas « atteinte à la souveraineté » du pays mais aussi que c’était la seule alternative, la Tunisie ne pouvant plus emprunter aux pays voisins.
Les débats sur le prêt du FMI se poursuivent jeudi 23 mai de 9 h à 13h.

Le montant des biens confisqués toujours inconnu.

Le Ministre des finances également a été auditionné au sein de la commission de la réforme administrative et de la lutte contre la corruption le 15 mai à l’ANC. Moins médiatisée que la plénière sur le FMI, cette audition est pourtant liée dans la mesure où elle a dressé un état des lieux des avancées sur les dossiers traitant de la corruption sous l’ancien régime. Les dossiers concernés étaient ceux allant du 24 août 2012 au 15 avril 2013. Le ministre a énuméré les sommes confisquées tels que les biens meubles ou immeubles vendus et les parts revendues Mais il a aussi évoqué des problèmes de coordination entre les commissions de confiscation et le nombre croissant des sociétés concernées par les confiscations. Les questions des élus ont une fois de plus concerné l’audit des banques publiques nécessaire pour évaluer réellement l’impact du régime Ben Ali en matière de corruption. Une autre élue, Aiche Dhaoudi d’Ennahdha, a demandé quel sort serait réservé aux biens confisqués dans le programme gouvernemental. Sur l’audit des banques, le ministre a déclaré que l’appel d’offres déposé à ce sujet s’était avéré infructueux et il n’a pas pu donné un montant global des biens confisqués. Il a seulement estimé à 20 milliards le montant de la vente aux enchères des biens de Ben Ali mais sans dire si ce montant avait été atteint à la fin de la vente.

Vidéo d’Al Bawsala sur l’audition du ministre

Par Lilia Blaise

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