Par Kaïs Ezzerelli*,
Les déclarations martiales du gouvernement français et de son chef de l’Etat François Hollande, à la suite de celles d’Obama, eu égard à la Syrie, ont fait monter la tension d’un cran au Moyen-Orient comme dans les autres pays arabo-musulmans et occidentaux impliqués dans ce conflit que l’on présente comme une guerre civile mais qui n’est sans doute rien d’autre qu’une “guerre par procuration” pour le contrôle de l’approvisionnement en gaz naturel et pour les intérêts géopolitiques d’Israël. Alors que les experts de l’ONU étaient encore sur le sol syrien, avant qu’ils aient rendu quelque conclusion que ce soit, les trois gouvernements occidentaux alliés membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (Etats-Unis, Royaume-Uni et France) ont affirmé leur “certitude” de l’usage par le régime syrien d’armes chimiques contre sa population. Or, si l’on se fie au simple bon sens, on ne peut qu’admettre l’argument russe : l’usage de ces armes, au moment où l’armée syrienne gouvernementale regagne du terrain dans la Ghouta et alors que les experts sont présents pour enquêter sur de précédents usages aurait été une “absurdité”. Dès lors, prétendre le contraire – qui plus est sans en administrer la preuve, revient à la fois pour ces gouvernements à mépriser leur opinion publique et l’opinion internationale en lui assénant un mensonge presque aussi gros que celui de Colin Powell à la tribune de l’ONU en 2003 et à tenter de profiter de l’émotion ainsi créée pour organiser dans l’urgence une expédition militaire (la plus rapide et la plus violente possible) afin de ne pas laisser de temps à “l’adversaire” et à ses alliés, ou plus simplement, aux opposants à la guerre, pour s’organiser.
Bien que le Royaume-Uni se soit désengagé du projet d’intervention militaire suite au vote contraire de son Parlement, bien que le président Obama ait finalement décidé de recourir au Congrès américain avant de prendre sa décision et bien que la position affichée par Hollande puisse être interprétée comme une forme de “test” vis-à-vis des réactions intérieures et extérieures, officielles ou émanant de la société civile, on ne peut exclure la réédition de telles menaces et leur mise à exécution à mesure que le régime syrien progressera dans la reconquête de son territoire et donc, de sa souveraineté. L’objectif est ici de conserver aux rebelles (terme générique qui regroupe à la fois des volontaires et déserteurs syriens mais aussi des jihadistes et mercenaires venus de l’étranger), soutenus par les Occidentaux et leurs alliés du Golfe et de Turquie, certaines positions sur le terrain, ceci afin d’être en mesure de négocier en position avantageuse lors des prochaines rencontres diplomatiques (Genève II ou autre). Si ce jeu diplomatique cynique était apparemment sous contrôle jusqu’à présent, il pourrait bien échapper à ses artisans et provoquer des décisions calamiteuses, à l’image de celle qui fut prise d’attaquer l’Irak en 2003. Les Etats-Unis peuvent-ils se glorifier de l’action menée en Irak il y a 10 ans, alors que ce pays vit encore aujourd’hui au rythme des attentats à la bombe ? Quel bilan en termes de destructions humaines et matérielles peut être tiré de cette intervention, comme de celles qui furent entreprises en Afghanistan ou en Libye ? L’argument humanitaire martelé par nos “bonnes consciences” ne tient pas un instant quand on rappelle les agressions israéliennes sur les populations civiles du Liban (2006) et de Gaza (2008), ou encore ces conflits dont on ne parle pas mais qui font beaucoup plus de victimes (au Congo par exemple, où se perpétuent des horreurs) dans un silence assourdissant et coupable de la communauté internationale. L’argument ne tient pas un instant si l’on se souvient que les armées américaine et française ont fait elles-mêmes usage de l’uranium appauvri dans la première guerre en Irak (1991), sans oublier l’usage de l’agent orange (napalm) au Vietnam. Cet argument ne tient pas face aux véritables enjeux de cette guerre, ceux que l’on cache à l’opinion publique. Si les diplomaties occidentales se préoccupaient réellement du sort des populations civiles en Syrie, pourquoi n’engageraient-elles pas tous leurs efforts à la recherche d’une paix fondée sur la négociation et la recherche de solutions politiques à ce conflit, plutôt que de chasser les ambassadeurs de ce pays souverain et de tenter de mettre ce régime au ban de la communauté internationale ? Si l’on suit la posture « morale » adoptée vis-à-vis du régime syrien -et à moins de considérer celle-ci comme soumise à une autre logique de « deux poids, deux mesures », pourquoi la France et ses alliés ne rompent-ils pas leurs relations diplomatiques avec ceux-là qui répriment dans le sang leurs populations ou qui agressent leurs voisins sans même avoir été menacés par eux ? Pourquoi n’adoptent-ils pas des sanctions internationales ou, à tout le moins, une position de « fermeté » à l’égard d’Israël qui a utilisé les bombes au phosphore contre les civils de Gaza, qui détient des stocks d’armes prohibées (nucléaires, notamment) et qui poursuit la colonisation des territoires occupés en Cisjordanie et sur le plateau du Golan, en toute illégalité ? Pourquoi insulter l’avenir en niant par avance au régime syrien toute possibilité d’évolution progressive vers la démocratie, toute transition en douceur en leur préférant un changement “révolutionnaire” (sans doute plus au goût du jour à l’heure des “printemps arabes”) que l’on voudrait imposer par la force, depuis l’étranger, en instrumentalisant une partie de l’opposition ? Est-ce parce qu’il s’agit d’un régime nationaliste arabe fondé sur un parti (le baath) qui à défaut d’être “démocratique” a su néanmoins défendre son indépendance nationale et l’identité arabe de sa population par-delà tout confessionnalisme, faire front face à Israël et assurer à ses habitants un niveau de vie décent, un niveau d’éducation et de couverture sociale certains ?
Face aux risques d’escalade prochains du conflit syrien, auxquels contribue largement l’attitude belliciste du gouvernement français, qui espère sans doute récolter quelques avantages matériels de son suivisme vis-à-vis des Etats-Unis dans cette question (à contre-courant de la position courageuse -mais sans doute moins “rentable” à court terme- du gouvernement Villepin en 2003), dans un contexte global de crise économique où l’ouverture de nouvelles voies d’approvisionnement énergétique et de nouveaux marchés de consommation et d’investissement constituent un enjeu de taille, il appartient à la société civile de faire preuve de vigilance et d’appeler ses gouvernants à plus de modération, à refuser toute solution militaire qui ne ferait que jeter de l’huile sur le feu en occasionnant au passage plus de victimes et de destructions, à rechercher des solutions politiques négociées avec tous les acteurs.
De même, il appartient au gouvernement tunisien de ne pas entrer dans cette logique « suiviste » et de se démarquer plus nettement de tels projets hostiles, qui visent non seulement un pays frère et sa population, mais aussi un Etat et un modèle de société multiconfessionnelle, sécularisée et panarabiste. L’avenir du régime syrien, seul le peuple syrien peut en décider, et le seul soutien des pays démocratiques en ce domaine devrait consister à aider ce pays à accomplir la transition qu’il a déjà entamée. Le gouvernement tunisien de la Troïka n’a pas encore réussi à mener à bien le projet de donner à son pays une constitution et de lui assurer une stabilité politique qu’il se permet déjà, au nom de son « modèle » révolutionnaire, de donner des leçons au régime syrien en expulsant son ambassadeur et même, de soutenir la rébellion en accueillant sur son sol une des conférences des « amis de la Syrie » (février 2012) et en fermant les yeux sur l’envoi en Syrie de jihadistes tunisiens, livrés aux trafics, aux manipulations mentales et in fine, à la mort en première ligne, sans doute pour répondre aux desideratas de nos alliés qataris ou français.
Au milieu de la zone de turbulence politique que nous traversons, alors que la solution semble à notre portée et qu’elle est sans cesse reportée pour on ne sait quel calcul politicien, il convient de se demander si l’on ne risque pas de passer à côté d’une nouvelle tragédie pour cette nation arabe à laquelle nous appartenons également en dépit de tous les discours au patriotisme étriqué qui voudraient nous en détourner en nous laissant tourner en rond avec notre petite politique politicienne. Sans doute ne veut-on pas voir que l’avenir de la Tunisie est également lié à celui des autres pays arabes, parmi lesquels la Syrie, qui se trouve confrontée depuis plus de deux ans à un conflit qui a fait plus de cent mille morts et des millions de déplacés et d’exilés, et qui risque maintenant de subir une agression étrangère. Si notre « printemps tunisien » est porteur d’un projet de libération vis-à-vis de la dictature et de conquête des droits économiques et sociaux, quelle place laisse-t-il au rêve d’une plus grande unité retrouvée des pays arabes face aux nouveaux projets impérialistes ? Si l’on ne veut pas « pleurer sur les vestiges du campement », pour reprendre l’expression du poète Imrul-Qays, et nous réveiller sur les cendres de la nation arabe, nous nous devons de rassembler nos efforts pour empêcher cette agression occidentale contre le pays qui se présente justement comme « le cœur battant de l’arabité » et le dernier rempart contre l’impérialisme américano-sioniste au Proche-Orient. Et cela devrait passer par un message fort adressé à nos « alliés » en Occident et dans le Golfe : non à la guerre en Syrie !
* Kaïs Ezzerelli, Historien contemporanéiste, spécialiste du monde arabe
M @Kais ….. c est le premier article lucide sur la syrie sur ce site (fini la propaguande pro “thawra”?????)
Pour revenir a votre article, je pars comme vous du principe non a la guerre …!!La syrie doit s en sortir en mettant tout le monde autour d une table pour “dessiner” ensemble l avenir du pays !!
Le baath n a jamais eté ma tasse de thé mais je dois avouer que la syrie a su en premier lieu “batir” une autosuffisance alimentaire et une dette tres “faible” meme si les ressources sont insignifiants
La crise a depassé le pays car comme vous le dites c est la guerre du gaz ,et celui qui va le detenir detiendra la route de la soie !!(un oeil sur la chine !!)
On peut reprocher ce qu on veut a assad,on va deplorer les milliers des victimes ..mais au moins respectons les etats ,et chaque etat qui se respecte doit defendre l integrité de son pays et l ensemble de ses citoyens (je ne vais m attarder sur Maaloula haut lieu du christianisme apres jerusalem qui parle encore la langue du christ ……..Ce village n a emu personne ……!!
Revenons au “chimique” …qui reste une horreur comme arme , mais meme si la syrie la detient ,elle reste une “arme pour dissuader” et non une arme “au quotidien” (meme si on a dit ici et là il s agit plus “des stocks” qui datent des anneés 80 !!)
Obama ,black warrior et le tartour francais veulent punir la syrie pour un “usage” de cette arme !!!…c est un mensonge comme tout le monde le sait ,mais le but reste “l armee” ……..la nouvelle logique : detruisons les armées (irak,libye ,soudan………..etc demain la syrie et un oeil sur l egypte !!)
Obama ,cette nuit a 2 h du matin, va encore intervenir pour essayer de trouver le moyen de descendre de son tabouret (l echelle est fini !!)
Une agression ,et c est le feu au moyen orient ………..des pays detruits (syrie ,israel ,jordanie,arabie ……sans oublier notre “soeur malheur” doha !!…………Une guerre qui sera difficile a maitriser (le petrole ??? !! le detroit d ormuz !!
J avais dit qu il y aura pas de guerre (ou agression) car la finamité n est claire pour personne (meme si bandar and co va continuer sa guerre de destruction en syrie et le pauvre syrien va encore payer !!)
Oui je suis contre la guerre car c est un pays frere qui va payer …et à ma connaisance aucun syrien n est venu egorger des tunisiens
La tunisie a paticipé en tant qu etat a la destruction de la syrie ,mais les syriens savent que nous autres tunisiens on est pour que la paix reigne chez eux et qu ils continuent a vivre ensemble comme ils l ont toujours fait entre musulmans druzes et chretiens
Que dieu protege la syrie
Juste un point …..chapeau bas ,la diplomatie syrienne !!
La bonne decision au bon timing …. Accepter la proposition russe (meme si le non dit est plus grand) en si peu de temps demontre encore une fois que les syriens restent des “bons strateges”
Faire eviter une agression au pays est une bonne action meme si le ministre (tartour) francais des affaires etrangeres continuent ses courbettes à la maison blanche (en pensant à tel aviv !!)
c est un peu plus clair (suite rencontre obama ..poutine )
الرئيس الروسي: “ننطلق من اعتبارنا أن الأمر ليس ممكنا فقط، وإنما من أن شركاءنا السوريين سيتخذون قرارات مسؤولة وأن لا يكتفوا بالموافقة على وضع سلاحهم الكيمياوي تحت الرقابة، وإنما سيوافقون أيضا على إتلافه لاحقا وسينضمون إلى المعاهدة الدولية لحظر الأسلحة الكيمياوية. كل ذلك يشكل خطوة مهمة في طريق تسوية سلمية للأزمة السورية.. كما أن كل ذلك يكتسب مغزى فعليا ويصبح قابلا للتطبيق في حالة واحدة عندما نسمع بتخلي الجانب الأمريكي وكل من يدعمه عن مخططاته باستخدام القوة ضد سورية. إذ أنه من الصعوبة البالغة بمكان إجبار سورية أو أي دولة كانت على التخلي عن سلاحها بشكل أحادي الجانب”
http://arabic.rt.com/news/626987/ :روسيا اليوم
Bonjour,
Excellente analyse, pleine de bon sens, sans compter la forme bien soignée. Bravo Monsieur Kaïs Ezzerelli. Bien sûr l’auteur aurait pu rappeler un peu l’histoire de l’ingérence occidentale dans nos pays depuis au moins l’expédition d’Egypte et celle de Syrie. Mais peut-être n’a-t-il pas jugé nécessaire de le faire ici et peut-être le fera-t-il dans un prochain article!
Question incongrue (quoique), puisque nous sommes en présence d’un historien: pourquoi les historiens, notamment ceux de chez nous, ne s’attèlent-ils pas à faire une histoire comparée de la violence, un peu comme ils ont fait l’histoire des idées ou des mentalités…En effet, à tort ET à raison, beaucoup de violence est imputée aux musulmans et à l’Islam. Mais qu’en serait-il si on comparait sur la longue période, disons depuis la naissance de l’Islam, les violences commises par les musulmans et celles commises par l’Occident chrétien, puis moderne? J’avais lu quelque part que faire un tel travail serait inutile, et je me demande encore pourquoi. Peut-être M. Kaïs Ezzerelli pourrai-il m’éclairer sur ce point. Personnellement, je pense que ce travail sera très utile et montrera que, tant quantitativement que qualitativement, les plus violents ne sont ceux qu’on croit…Bref, il me semble qu’il est grand temps, si nous voulons sortir des syndromes de l'”orientalisme” et de l’expédition d’Egypte qui semblent encore habiter l’imaginaire de nos “élites” et miner leur faculté de réflexion, de nous atteler à étudier l’Occident dans ce qu’il a de meilleur, mais aussi de pire…
Merci pour votre commentaire élogieux, cher Tahar. Je suis heureux que mon analyse soit partagée par les lecteurs de Nawaat. Concernant les sujets que vous proposez (ingérence occidentale dans les pays arabes, histoire de la violence en Occident et en Islam), je ne doute pas qu’ils ont déjà été amplement discutés par les historiens, sur des périodes sans doute limitées (la conquête musulmane, les Croisades, la Reconquista, les guerres de colonisation puis d’indépendance), pas forcément sur le temps long (je pense par exemple aux travaux d’Olivier Pétré-Grenouilleau). Je ne sais si la comparaison doit viser à “compter les points” entre deux adversaires, comme si Islam et Occident étaient deux entités inconciliables ou imperméables. Cela dit, il est évident que les dernières guerres qui ont opposé des puissances occidentales à des peuples arabes et musulmans ont fait beaucoup plus de victimes de notre côté (de la guerre d’Algérie à l’invasion de l’Irak). De même, il est vrai que la dénonciation des crimes coloniaux ou plus généralement de la violence exercée par les puissances occidentales à l’encontre des peuples arabes à travers l’histoire ne soit pas de bon ton dans certains milieux ou chez certains admirateurs béats d’un Occident (imaginaire, phantasmé) qui serait par essence supérieur à un Orient (tout aussi imaginaire)… Il y a une tendance générale à stigmatiser ces sujets comme dépassés ou inutiles et ceux qui les proposent comme des idéologues prisonniers de schémas nationalistes ou autres. C’est aussi le résultat du contrôle étroit exercé sur la discipline historique par des régimes autoritaires, ce qui a fini par décrédibiliser cette démarche que vous proposez. Il est sans doute temps de reprendre le chantier de façon dépassionnée, honnêtement… pour le meilleur et pour le pire. Amicalement, KE.
M. K.Ezzerelli, votre analyse au ton trop polémique pour un académicien purement objectif et qui sait prendre distance de son sujet pour mieux l’étudier, comporte certaines prises de positions que je trouve choquantes et des omissions et lacunes incompréhensibles de la part d’un historien contemporanéiste. Ce qui ne veut pas dire que je n’y vois pas d’éléments positifs avec lesquels je ne peux qu’être d’accord, mais je ne réagis pas pour dire « yes, Sir ». Le silence à lui-seul aurait été une forme d’acquiescement.
Parmi vos graves omissions il y en a une que je considère majeure car elle a trait à un sujet devenu primordial depuis la fin du siècle dernier: celui des droits de l’homme et des libertés. En Syrie sous le régime des Assad père et fils les plus graves violations ont été perpétrées contre ces droits. Vous n’êtes certainement pas sans être au courant des lourdes peines de prison qu’ont endurées après des procès-mascarades des opposants politiques intègres, ni des tortures horribles commises dans les prisons syriennes. Je ne sais pas si vous avez visité le pays, moi je l’ai fait et j’ai pu y constater une frayeur palpable chez les gens à peine qu’on effleure un sujet ayant trait au régime Assad. Je conviens que c’était pire sous le règne du père. J’ai aussi pendant de longues années entretenu des relations très proches avec nombre de Syriens qui m’ont par-delà les slogans usés jusqu’à la corde des idéologies fumeuses aidé à voir plus clair dans le système syrien. Peut-être devrais-je dire le système népotiste de la famille Assad que vous confondez allégrement avec ‘indépendance nationale, ‘identité arabe’ et ‘cœur battant de l’arabité’. Des notions constamment malmenées jusqu’à la caricature sur le site Nawaat, ce qui me pousse de temps en temps à réagir au grand déplaisir du ou des responsables de ce site.
Vous accusez à la légère, sans preuve ni raisonnement pour convaincre, le gouvernement tunisien de ‘suivisme’ des Etats-Unis et de la France. Etes-vous si sûr que l’expérience de personnages comme Marzouki et les leaders et adhérents d’Ennahdha n’entre pas en ligne de compte? Etes- vous vraiment convaincu que les dizaines de décennies de persécution et d’exil subies par ces anciens militants, parmi lesquels Ghannouchi, diabolisé à l’extrême et promu au statut d’ennemi public numéro un et d’homme à abattre, ont émoussé leur sensibilité quant aux droits de l’homme? Ou bien qu’ils ne sont revenus en Tunisie que pour cocufier le peuple et faire du pays un temple d’intolérance et d’intégrisme totalitaire dirigé par des terroristes? Si vous basez vos conclusions sur le gribouillis des écrivaillons devenus courageux après la fuite de Ben Ali, vous seriez excusable. Comme je ne le pense pas, je vous dirais franchement que je ne vois aucune excuse pour le ton dur que vous adoptez vis-à-vis du gouvernement tunisien en le condamnant pour ne pas avoir réussi à mener à bien le projet de donner une constitution au pays et de lui assurer une stabilité politique. Vous reléguez ainsi à l’oubli et avec mépris l’héritage honteux et la situation catastrophique hérités de 60 années d’une tyrannie aussi bête que méchante. Par contre, s’agissant de l’infect système cruel, népotique et corrompu jusqu’à l’os de la Syrie Assadiste, et qui a abouti au déplacement de 7 millions d’habitants dont 2 millions de réfugiés à l’extérieur, en plus de la mort atroce de plus de 100.000 victimes, vous vous faites tout à coup l’avocat du diable en plaidant pour la conjugaison de tous les efforts pour la recherche d’une paix fondée sur la négociation et une solution politique. Devrait-on peut-être aussi tenir compte des circonstances atténuantes d’une enfance malheureuse des mafieux qui mènent la vie dure aux Syriens? N’auriez-vous pas pu montrer un peu de cette même compassion magnanime pour notre troïka qui contre vents et marées et malmenée jour après jour par des médias à scandales, refuse qu’on lui vole une victoire électorale remportée dans les premières élections honnêtes qu’a connues le pays? Je ne peux que conclure : Charité bien ordonnée commence par soi-même.
Réponse à Fathi :
Cher Monsieur, je vous remercie de votre critique « musclée » qui me donne l’occasion de préciser ma pensée. Je n’ai pas souhaité me faire l’avocat du diable dans cet article en prenant la défense du régime syrien et je souhaiterais souligner ceci : on ne peut réduire un régime à un homme ni à un petit groupe d’hommes et l’on peut encore moins, sous prétexte de condamner un régime, envisager de mettre à bas un Etat indépendant et souverain, dont l’existence précède celle dudit régime et dont la première mission n’est pas d’opprimer le peuple mais de lui assurer une existence digne. Il y a une certaine confusion qui est entretenue par les médias dominants sur ce point et une hypocrisie certaine de la part des grandes démocraties que sont les Etats-Unis ou la France à dénoncer aujourd’hui ce régime avec lequel ils ont entretenu de bonnes relations pendant des décennies, comme avec d’autres régimes autoritaires : demandez donc aux Chiliens qui commémorent actuellement le 40e anniversaire de la chute de Salvador Allende, renversé par Pinochet avec la complicité de la CIA. Un dictateur qui a bénéficié jusqu’au bout de la complaisance de la Grande-Bretagne, une autre grande démocratie. Donc, cessons l’hypocrisie SVP. Quant aux notions d’indépendance nationale, d’identité arabe ou autre, elles ont effectivement été galvaudées par les discours politiques (certainement plus que par les contributeurs du site Nawaat) jusqu’à leur faire perdre leur poids dans l’opinion qui les considère souvent avec le sourire, sinon avec mépris (serait-ce votre cas ?). Elles sont pourtant porteuses d’un projet que je respecte personnellement et qui est aujourd’hui menacé par des tendances désignées par des termes tout autant galvaudés mais qui correspondent pourtant à une réalité : l’impérialisme, la globalisation, etc.
La condamnation du régime syrien incarné par Bachar al-Assad est devenue un lieu commun et ce n’était pas l’objet de ma contribution qui, par parenthèse, n’était pas d’ordre académique (on peut être historien et avoir des idées personnelles, appuyées sur des faits). Je vous signale à cet égard que d’éminents intellectuels (que vous admirez sans doute) se sont largement répandus dans ce genre de condamnation morale et puisque vous êtes amateur de proverbes, je vous rappellerais celui-ci : l’enfer est pavé de bonnes intentions. Sous prétexte d’aller « punir » le régime syrien ou de « protéger » les populations civiles, nos bonnes consciences sont capables d’accomplir un mal plus grand encore. L’exemple irakien ne semble pas vous avoir convaincu… Seriez-vous aveuglé par vos beaux principes droits de l’hommistes ? Au nom de la morale et de l’affranchissement d’un peuple de son tyran, on a livré ce pays arabe fier de son identité, de son histoire et de son modèle social au chaos et aux prédateurs en tous genres. Avez-vous oublié les tortures menées par l’armée US à Abou Ghraib ou les prisonniers de Guantanamo détenus sans procès ? Au nom de la morale, on a vu un BHL défendre l’agression de l’OTAN sur la Libye : Kadhafi est tombé et maintenant ? L’état de ce pays frère et voisin vous paraît-il réjouissant ? Les conséquences de l’anarchie qui y règne se font sentir jusqu’à chez nous, en Tunisie, et sont un facteur d’instabilité avec les trafics en tous genres qui se développent entre nos deux pays. Mais vous allez encore dire que je défends les dictatures… On pense aux propos récents d’un Harlem Désir (secrétaire-général du PS français) qui traitait de « Munichois » les opposants à l’intervention militaire en Syrie. Le problème des démocrates aujourd’hui (et j’en suis), c’est qu’ils semblent coincés entre des forces contraires qu’ils n’arrivent pas à maîtriser : pouvoirs autoritaires ou chaos organisé. Dans les deux cas, les citoyens sont dépossédés de leurs droits et la situation profite à une minorité de privilégiés. Dans les deux cas, la voie est libre pour des ingérences étrangères. Vous rendez le régime syrien entièrement responsable de la situation humanitaire catastrophique que vit actuellement ce pays (que je connais bien, moi aussi). Vous négligez ainsi le fait avéré que la moitié des victimes sont des soldats de l’armée régulière ou des partisans du régime. Vous négligez aussi un point essentiel : celui de la responsabilité de ce qui arrive. Le discours dominant actuellement est le suivant : des manifestants pacifiques ont été réprimés par un régime brutal, ce qui a poussé la population vers la rébellion armée. Ce récit comporte sans doute une part de vérité mais il mériterait sûrement d’être nuancé par d’autres faits : la rébellion était sans doute programmée depuis des années depuis l’étranger, des puissances régionales ont armé des milices pour semer le désordre en Syrie, des médias ont contribué à exciter les Syriens les uns contre les autres en montant de toutes pièces certaines histoires, la diplomatie occidentale et ses alliés s’est mobilisée dans le sens d’une mise au ban de ce régime plutôt que de chercher des solutions politiques (auxquelles on finit par revenir aujourd’hui : quel gâchis et quel temps perdu…). L’histoire dira dans le détail ce qui s’est vraiment passé en Syrie depuis 2011. En attendant, tous nos efforts devraient être concentrés vers un seul but : faire cesser ce calvaire subi par le peuple syrien ! Et oui, pour cela, il faut savoir dialoguer avec des personnes ou des régimes que l’on ne porte pas dans son cœur, cher Monsieur. Car l’alternative, c’est le chaos, les morts, les destructions, plus d’ingérence étrangère et l’instabilité régionale et mondiale. Avec tous ses défauts, le régime syrien s’était amendé sous Bachar al-Assad et il ne menaçait personne : il avait même obtempéré aux pressions occidentales pour retirer ses troupes du Liban en 2005. La vérité, c’est que l’on veut mettre à genoux non seulement ce régime mais aussi son peuple fier en le soumettant à un nouveau diktat occidental : les dernières déclarations de Fabius posant des conditions supplémentaires à l’arrêt du processus militaire contre Damas, qui vient pourtant d’accepter la proposition russe de renoncer à son arsenal chimique, en sont une nouvelle illustration. Comme pour Saddam Hussein qui avait ouvert ses installations nucléaires aux inspecteurs de l’ONU, les efforts du régime syrien ne seront jamais suffisants aux yeux du gouvernement français actuel qui s’est mis en tête de « punir » le tyran qu’on présente volontiers comme un nouvel Hitler (comme on l’avait fait avant pour Nasser, pour Saddam, etc.).
Quant au gouvernement tunisien actuel, je maintiens (et je ne suis pas le seul) que sa voix ne se fait plus entendre sur la scène arabe et internationale : les protestations timides contre le projet d’intervention militaire en Syrie sont inaudibles et l’attitude adoptée dès le début de la crise syrienne est incompréhensible autrement que par une logique « suiviste » à l’égard des gouvernements américain, français, qataris et autres qu’il ne faut surtout pas fâcher dans la période de crise que nous vivons. Dans un sens, c’est compréhensible : cela reflète un certain rapport de forces et nous sommes loin des déclarations tonitruantes de Marzouki sur la fin de l’ingérence française… Depuis, notre cher Président est allé publier son livre en France pour vanter le modèle tunisien alors que le processus transitionnel en cours est loin d’avoir donné tous ses fruits –c’est un euphémisme. Cela ne diminue pas la valeur personnelle de certains de nos gouvernants qu’il est trop tôt d’évaluer et sur laquelle je ne me prononcerai pas. En effet, je ne tiens pas à prendre parti pour tel ou tel ici et le sort du peuple syrien menacé par une agression étrangère devrait dépasser tous les clivages politiques (voyez la position d’opposants syriens tels Haytham al-Manaa qui se sont prononcés depuis longtemps contre toute ingérence occidentale dans la crise syrienne). Je remarque simplement que les Tunisiens sont accaparés par la crise politique intérieure alors que la solution semble à portée de main et qu’elle est sans cesse reportée pour des raisons obscures. Le pourrissement de la situation politique intérieure me semble une tactique à courte vue porteuse de risques pour la stabilité du pays et qui fait diversion face aux vrais problèmes des Tunisiens (la sécurité, le pouvoir d’achat). De même, cette politique politicienne nous éloigne du sort de nos frères syriens qui pourtant, si l’on n’y prend garde, pourrait bien avoir des retombées insoupçonnées sur la Tunisie : c’est déjà le cas avec le problème des jihadistes tunisiens. Plus largement, cela pose une question existentielle : celle de l’avenir que l’on veut bien donner au projet d’union arabe (et là, je vous vois sourire…) qui dispose déjà d’un cadre institutionnel, certes fragile et divisé (la ligue arabe), mais pas de réalité économique solide sinon sous la forme d’une assistance économique de la part des Etats du Golfe. Je pense qu’il faudrait être un peu plus ambitieux que cela pour sortir du prisme de la dépendance vis-à-vis de l’Union européenne. Mais cela, c’est un travail sur le long terme : une perspective dont nous semblons singulièrement dépourvus ces temps-ci… Cordialement, KE.
Bonjour,
Je vous remercie cher Kaïs de votre réponse et de vos éclaircissements, notammant au sujet de l’analyse comparée de la violence, dont le but, me semble-t-il, et en lisant la fin de votre commentaire, n’est pas de “compter les points”, mais plutôt de remettre certaines pendules à l’heure, à travers une nécessaire critique de l’historicisme et de l’universalisme ambiants. Petite remarque, cependant, sur ce que vous dites sur la stigmatisation de ce genre de sujet. “… C’est aussi, écrivez-vous, le résultat du contrôle étroit exercé sur la discipline historique par des régimes autoritaires…”. Je ne pense pas que seuls les régimes autoritaires en sont responsables. Si j’en crois certaines lectures que j’ai faites récemment, la dernière étant celle de “Provincialiser l’Europe – La pensée postcoloniale et la différence historique” de l’historien Dipesh Chakrabarty (Ed. Amsterdam, 2009), les “pressions” viendraient aussi -et surtout?- de l’historicisme dominant en Europe depuis les Lumières, lequel historicisme est adopté par la grande majorité des universités de ce qui ne s’appelle plus “Tiers-Monde”. “L’historicisme, écrit-il, a rendu possible la domination européenne du monde au XIXe siècle” (p.38). Nous en reparlerons, si vous le souhaitez. Bien à vous.
Lillia Weslati a été le fer de lance de la propagande sur la Syrie sur le site Nawaat!!!pourtant en tant que citoyen tunisien,j’ai été menacé par ces camarades pour l’avoir mis face à ces contradictions!!!jusqu’à ce jour cette femme ne sait jamais excusé,ni devant les syriens,et encore moins devant son peuple!!aujourd’hui elle et ses camarades voit la roue tourné,pire Ganouchi est parti à Alger,supplier Boutéflika d’intervenir pour le retour de l’ambassadeur de Syrie à Tunis!!!!!Lillia et tout ses camarades ont travaillé pour le gouvernement quatarie puis français,aujourd’hui ils se trouvent orphelin?car les tunisiens ne sont plus dûpes!!et pourtant combien de fois je lui ait demandé de rectifier ses positions!!si Lillia Weslatti est une femme courageuse,nous attendons avec impatience son droit de réponse!!!!!
Je suis d’accord avec Fathi pour trouver assez scandaleuse la défense d’une dictature syrienne qui opprime son peuple depuis 45 ans.
quant à l’argument éculé de la défense de l’identité arabe je pense que la population kurde opprimée et déportée par les Assad (création de la “ceinture arabe”)elle le ressent comme la manifestation d’une forme d’ultra nationalisme fascisant.
While the syrian people are mowed down like flies: well over 100 thousands
bit the dust unmercifully,six millions dislodged internally,over two and millions
externally.
we have some pseudo puny intellectual tunisians *** defending the arab state rights for no reason but an absurd nostalgic theory.
Who else could stand for some sort of a morality other than isa,france,britain even that
may be chonky at times.
IS putin the kgb turd your trusted clown than ask the average russian,chechnian or any
russian neighbour.
would you put your trust in saoudis,quataris, emirates the ayotalloahsof iran or the donkey
jokeys egyptians.
if any of these creatures listed above are what u aspire to,put your trust in than you qualify
to be a true mate of the assads.
keep talking about your arabosity and ignore your mental hygiene :sooner or later you
will sink in your gangrene,the putred smell arabians are emitting in the globe is enough
to signal to the rest of the world:let the shit consume itself out of existance.
keep talking about yourselves and indulge further in self destruct.
why bother save the unworthy.
@Tahar
Il serait difficile d’attribuer le prix du plus grand criminel au christianisme ou à l’islam tantla qualité des crimes commis au nom de ces deux religions se valent en quantité en en horreur mais voici néanmoins quelques pistes historiques pour y parvenir:
La page noire du christianisme 2ooo ans de crimes, terreur, répression
http://www.astrosurf.com/nitschelm/Page_noire_christianisme.htm
Les crimes de l’Islam de l’origine à nos jours.
atheisme.org/listeislam.htlm
Si le lien ne fonctionne pas tapez le dans google:
http://atheisme.org/listeislam.html
@Emilio
Merci Emilio pour les deux liens que j’ai déjà eu l’occasion de consulter. Il ne faut pas oublier les violences de la “modernité”, cette nouvelle “religion” qui devrait, autant que les autres, susciter l’athéisme.
Tout à fait d’accord avec vous. Notamment cette modernité génocidaire à l’égard de la culture dans ce monde où la connaissance, de plus en plus complexe, n’est accessible qu’à une élite de spécialistes et où le commun des mortels est cantonné dans l’univers abrutissant de la “télé-réalité”.
L’article de M. Qais Ezzerelli illustre bien cette impasse dans laquelle les intellectuels et et les démocrates arabes sont engagés. Entre deux maux choisir le moindre. Entre El Assad et Al-Nosra préférer le premier. Ce que je comprends parfaitement.
Mais je crois que c’est là une erreur . Les démocrates arabes (je parle de la majorité mais il y a bien sûr des exceptions) ne seront crédibles et entendus par leurs peuples que lorsqu’ils seront capables de condamner tout à la fois Assad et Al Nosra et qu’ils se mobiliseront en faveur des vrais démocrates qui ont lancé le mouvement de révolte syrien et qui faute d’appui sont aujourd’hui dépassés par les islamistes et qui sont fils de la révolte tunisienne.
Pour ma part j”applaudis des deux mains à ce ‘Non à la guerre en Syrie” mais je ne soutiendrai pas le boureau de Damas en essayant de démontrer que le régime dictatorial dont il a hérité est blanc comme neige et n’est pas responsable de l’emploi des gaz. L’histoire prouvera rapidement le contraire et le début de marche arrière des Russes qui eux défendent leurs intérêts stratégiques montre qu’il ne faudra pas attendre longtemps pour cela.
“…que lorsqu’ils seront capables de condamner tout à la fois Assad et Al Nosra et qu’ils se mobiliseront en faveur..” Je comprends parfaitement votre point de vue et j’y adhérerais volontiers n’était-ce ce climat délétère qui prévaut depuis belle lurette et qui fait, hélas, qu’il n’y a que le manichéisme pour contrer le manichéisme (je ne dis pas c’est là la position de M. Qais Ezzerelli et, au fond, ce n’est peut-être pas la mienne non plus!). Et les malheurs du fait de l’Occident y sont pour beaucoup dans ce manichéisme…Et puis, vous savez, soutenir l’unité syrienne, soutenir cet Etat souverain, ne veut pas dire soutien à tel ou tel, et surtout pas à Assad et à son clan. C’est peut-être au fond autre chose: un non catégorique à cette calamteuse et historique habitude des “puissants” de s’ingérer dans les affaires des “faibles”, ingérence qui ne peut être que réductrice de l’Autre “inventé” de toute pièce pour les besoins d’un détestable projet, celui de l’empire…