A la suite du droit de réponse demandé par COTUSAL et publié par Nawaat, à propos des activités de cette société en Tunisie, je tiens à apporter le témoignage suivant pour éclairer l’opinion publique sur la réunion tenue au siège de COTUSAL, un mois auparavant.
Plusieurs mois après notre article “COTUSAL : Les derniers vestiges de la France colonialiste en Tunisie ?“, publié le 4 février 2014 sur Nawaat, j’ai été surpris de voir que le gouvernement Jomaa a accordé une nouvelle concession à COTUSAL, société concernée par une polémique évoquée par le chef du gouvernement lui-même. C’était pour le moins surprenant que la concession ait été octroyée sans prendre en considération la nouvelle constitution. J’ai donc écrit un bref article pour rapporter ce qui a été publié dans le Journal Officiel de la République Tunisienne.
Le lendemain de la publication de l’article “Le gouvernement Jomaa octroie une nouvelle concession de sel à COTUSAL“, j’ai été contacté par une représentante de COTUSAL qui m’a invité à une réunion avec la société. J’ai tout de suite accepté cette invitation prévue l’après-midi même à 16h. Entretemps, j’ai contacté plusieurs personnes pour essayer de comprendre le but de cette invitation. J’ai été informé par quelqu’un du ministère de l’Industrie que COTUSAL a déjà contacté la direction des mines et que le directeur était déjà au courant de la réunion. Quelle était le but de cette opération ? Pourquoi est-ce que COTUSAL et le directeur des Mines discuteraient-ils d’un entretien avec moi ? Cela me poussa même à m’interroger sur la relation entre le ministère de l’Industrie et COTUSAL …
Peu après 16h, je suis arrivé au siège de COTUSAL. Avant d’entrer dans l’ancien bâtiment qui date de la période coloniale et situé sur la rue de Turquie, j’ai activé le magnétophone que j’avais dans mon sac. Il fallait que je prenne mes précautions contre toute pression ou tentative de corruption. J’ai également demandé à Me Bacha de m’accompagner, elle connaissait le Code des Mines mieux que moi. Dans le grand bureau du Directeur Général Didier Olivier, une table ovale était dressée avec plusieurs chaises autour. Au dessus, plusieurs tasses de café accompagnaient une pile de documents qui avaient été préparé spécialement pour la réunion. “Ah ! Je vois que vous avez bien une copie de la constitution.” leur dis-je ironiquement. “Moi, je ne l’ai pas encore acheté !” “Tenez ! Je vous l’offre.” me réponds alors Foued Lakhoua, actuel président du conseil de COTUSAL et ancien directeur général des mines au ministère de l’Industrie.
La réunion a enfin commencé. Il était presque 16h30. Autour de la table, il y avait le DG, le président du conseil, le directeur technique et la directrice du service juridique. On commença à me parler de mes articles en insinuant qu’ils contenaient de fausses informations.
Ma réponse fut claire. Ils pouvaient écrire un nouveau communiqué et le publier où ils veulent, sinon, ils avaient un droit de réponse sur le site de Nawaat. Ils me rétorquèrent alors qu’ils préféraient que ce soit moi qui écrive un nouvel article. N’ayant pas l’habitude d’écrire des articles sur commande, je leur ai dit que s’ils arrivaient à me convaincre, j’écrirais l’article. Il fallait juste étayer ce qu’ils allaient avancer avec des preuves écrites. Ils étaient d’accord. La réunion pouvait donc commencer pour de vrai.
I) La Concession d’El Gharra
Tel que rapporté par COTUSAL dans son communiqué, mes hôtes m’ont transmis plusieurs documents afférents à la concession de 1949, celle de 1953 et celle d’El Gharra. Parmi ces documents figurait le décret instituant le premier permis de recherche, octroyé le 1er août 2006 – JORT N° 64 du 11 août 2006, et renouvelé le 8 septembre 2010, JORT N° 75 du 17 septembre 2010. Ces documents publics sont disponibles sur le site officiel du JORT et n’apportent rien de nouveau ! Or que le sujet de l’article est l’octroi d’une concession … une toute autre affaire !
On m’a également donné une copie de la demande d’octroi de concession, datée du 17 juin 2013, ainsi que la copie d’un fax, datée du 25 septembre et annonçant que le Comité Consultatif des Mines a donné le 06 septembre 2013 un “avis” favorable et non pas un “accord”, comme le prétend COTUSAL dans sa récente réponse. Seul le décret d’avril est valable, vu que l’avis du CCM n’est, comme l’indique son nom et comme cité dans le code des mines, que consultatif !
Certes, les démarches administratives ont eu lieu, avant l’approbation de la Constitution (votée le 26 janvier 2014, mais entrée en vigueur ultérieurement), alors que le décret autorisant le permis d’octroyer a été promulgué, après l’entrée en vigueur de la constitution ! Pour moi, l’argument de la procédure administrative n’était pas du tout convainquant.
D’autres arguments que COTUSAL n’a pas évoqués dans son droit de réponse m’ont été présentés. Selon la responsable du service juridique, l’article 13 de la constitution ne concerne pas l’actuelle Assemblée Nationale Constituante (ANC), mais plutôt le prochain corps législatif. Je l’ai donc appelé à consulter les débats de l’ANC autour de la constitution pour comprendre le sens exact de l’expression “Assemblée du Peuple”, qui figure dans l’article 13. J’ai déjà eu des échos sur la probable utilisation de cet argument de la part des sociétés du secteur extractif, voire même du ministère de l’industrie pour éviter que les accords relatifs aux ressources naturelles conclus, lors de la période transitoire, ne soient pas soumis à l’ANC comme l’exige l’article 13. Je m’étais donc renseigné sur le degré de crédibilité de cet argument. Les députés, auteurs de la constitution m’ont eux même assuré que cet argument ne tenait pas la route.
Le troisième argument donné par les dirigeants de COTUSAL est le plus fantaisiste d’entre tous. Selon eux, “c’est abusif de considérer le sel en tant que ressource naturelle !”. En racontant cela à des intervenants dans le secteur, leurs réponses étaient similaires : “Ah bon ! C’est eux qui l’ont fabriqué de leurs propres mains, alors ?”. Certains ont même cru que c’était une blague.
Quant à la dernière remarque de COTUSAL concernant les dépenses de recherche sur le site d’El Gharra, qui ont atteint 1,5 Millions de dinars, et les investissements pour la prochaine triennat, qui vont atteindre les 2 Millions de dinars, cela n’avait aucun rapport avec la constitutionnalité du décret octroyant la concession El Gharra à COTUSAL. En plus de cela, les 2 millions de dinars dépensés sont négligeables par rapport aux 30 millions de dinars de chiffres d’affaires annuels de COTUSAL.
II) La Convention de 1949
Comme évoqué par COTUSAL, nous avons discuté aussi, lors de cette réunion, de la fameuse convention de 1949 signée par la société française COTUSAL et l’administration coloniale, et par laquelle les salines tunisiennes ont été louées, pendant des années, à 1 franc l’hectare. Rappelons que cette convention a été sujet de trois avenants, datant du 9 octobre 1969 , du 17 janvier 1972 et du 15 juillet 1974, sans qu’aucun d’eux ne modifier le régime d’imposition sur la société ou ne révise le prix de location des terres.
Lorsque le Code minier est paru le 28 avril 2003, un délai de 6 mois a été donné aux sociétés soumises à l’ancien cadre légal pour qu’elles choisissent d’entrer ou pas dans le nouveau cadre organisant le secteur minier. Les 6 mois sont passés, le délai légal a été dépassé sans aucune notification de la part de COTUSAL au ministère de l’industrie. Le 16 avril 2004, soit presque une année après l’entrée en vigueur du code des mines et presque 6 mois après le dépassement du délai prévu par COTUSAL, le président du conseil, Foued Lakhoua a envoyé une lettre au directeur général des mines pour lui demander s’il y avait une possibilité d’entrer “partiellement” sous le nouveau cadre légal, tout en préservant les concessions de Sousse et des Sfax, soumises à la convention de 1949. COTUSAL ne nous a pas donné la réponse du ministère.
Ce n’est qu’à travers une lettre du 10 novembre 2005, soit presque un an et demi après l’entrée en vigueur du code des mines, et presqu’un an après la fin du délai prévu par l’article 4 du code des mines que la société COTUSAL a notifié le ministère pour lui demander de la laisser entrer sous le cadre de la nouvelle loi. Cette temporisation a été expliquée par le retard pris par le conseil d’administration de COTUSAL pour se décider. Le reste des faits relatifs à la concession de Megrine, tel que rapporté par COTUSAL, lors de l’exercice de leur droit de réponse est partiellement vrai.
Cependant, la demande pour l’unification du cadre légal, auquel COTUSAL était soumise, n’est pas de l’ordre du militantisme, comme le prétend la société. Elle avait plutôt peur que l’État ne lui confisque le reste de ses concessions, comme ce fut le cas avec la saline de Megrine. Le prétexte d’utilité publique suffisait.
Lorsque cette tentative hors délai a échoué, COTUSAL à fait en sorte qu’un brouillon de projet de loi soit préparé pour que les autorités tunisiennes lui permettent de rattraper son retard et donc sécuriser les concessions, jusqu’à 2029, hors prolongations. Une copie du projet de loi nous a été remise par COTUSAL, comme évoqué dans son droit de réponse, mais sans l’explication des motifs. Le projet de loi a été rejeté par le conseil interministériel. Par ailleurs, i est de l’ordre du mensonge de dire que COTUSAL m’a transmis le PV de cette réunion interministérielle. Je n’ai eu que la première page (qui contient la liste des personnes présentes) et la dernière page (qui mentionne le refus de la demande). Le reste des pages du PV qui contiennent la transcription des discussions, ainsi que les motifs du rejet ne m’ont pas été données. C’est ce qui nous a mis la puce à l’oreille !
COTUSAL et l’évasion fiscale…
Les informations contenues dans l’article de mai 2014 sont tout à fait authentiques. La révision à la baisse de la valeur des créances fiscales n’est guère importante devant l’évasion fiscale elle-même. Les justificatifs envoyés par COTUSAL aux autorités tunisiennes ne sont pas plus crédibles que l’expertise du ministère des Finances. La COTUSAL n’a qu’à être plus transparente au niveau financier. On notera, en l’occurrence, que lors de la réunion tenue avec le DG de COTUSAL, celui-ci a exprimé son refus de publier les prix de vente du sel.
Bientôt, de nouvelles révélations…
Outre les documents cités dans le droit de réponse de COTUSAL, la direction générale de cette société m’a donné d’autres documents qui contiennent des informations très utiles. Des suspicions m’ont amené à enquêter sur l’affaire COTUSAL. J’ai cru utile de raconter ce qui s’est passé, lors de mon entrevue avec COTUSAL, après avoir fini l’enquête et collecté suffisamment de preuve sur de graves infractions liées à ce dossier épineux. Et je promets aux lecteurs de Nawaat un autre article avec de nouvelles révélations sur COTUSAL…
Très pertinent ! Cela m’a tout de suite fait penser à l’action de GHANDI ! en Inde. C’est par la contestation du monopole des Anglais sur le Sel Indien que l’Inde a forcé son indépendance.
Allons de l’avant, il est temps que transparence éclaire ce cas.
le fait de vouloir discuter en tête à tête avec une personne qui a écrit un article montre une arrogance sans pareil, c’est comme si on a voulu étouffé l’affaire, mais ils ont oublié que tous les tunisiens ne sont pas de corrompus, bravo Mr.Med Dhia Hammami d’avoir agit pareil, et surtout ne lâche pas prise, notre souveraineté en dépend, n’est ce pas gouvernement transitoire.
Vérité! Justice! Merci monsieur Hammami!
Ce sombre symbole, cette entreprise aux méthodes illégales doit être nationalisée et ses responsables confrontés a la justice au plus vite!
Pauvre pays, pauvre Tunisie, qui se fait chaparder sans nul autre pareil.
Mais qui a dit révolution? Au faite! Comment fait’on une véritable révolution? Quelles méthodes? Avec la bouche ou les mains?
[…] is far-fetched to consider salt a natural resource. COTUSAL representatives quoted in Response to Right of Reply: My Meeting with COTUSAL, Med Dhia […]
“دعوتك يا كليب فلم تشبني
…وكيف وظيف يجيلنك البلد القفار؟؟؟؟؟!!!