La campagne électorale à peine entamée que l’on commence, la sphère médiatique aidant, à se remplir les oreilles de promesses et de commentaires délirants. D’aucuns nous prennent en bateaux. D’autres nous prennent pour idiots.
Ce qui m’interpelle dans ce tapage c’est la tenace véhémence à l’égard de ceux qui nous promettent des choses aussi élémentaires qu’alléchantes que sont la gratuité de l’éducation, de la santé et des transports ou encore l’indemnité de chômage, quand à l’inverse, l’on se plie en courbettes devant le « réalisme » de ceux qui nous promettent coupures et redressements.
Ce qui m’inquiète c’est cette mutation que l’on essaye d’infléchir à notre système de valeurs. La « bastonnade » appelée de tous les vœux de ceux qui regrettent la révolution pour remettre le pays au travail serait conjuguée à la « strangulation » devenue seule et unique récompense à espérer au pays du jasmin.
En effet, à y voir de plus près, l’on constate que, chez-nous, ceux qui promettent gratuité, prise en charge, allègement ou réformes fiscales sont taxés de « populisme vulgaire » quand on ne leur reproche pas d’être « irrévérencieux » à l’égard du Tunisien dont l’intelligence serait mise en doute. Nos journalistes, flanqués des meilleurs économistes, ne cessent de les « dépouiller » en les interrogeant sur les ressources qu’ils comptent bien mettre en œuvre pour remplir leurs promesses. Et ils ne ratent pas une occasion pour leur rappeler qu’après quatre années de mauvaise « révolution », l’Etat connaît ses pires difficultés financières.
A l’inverse, les plateaux sont amènes à l’égard de ceux qui nous assurent qu’ils ne reculeront devant aucunes coupures budgétaires, fussent-elles pour que l’école devienne payante ou que l’accès au travail relevât du génotype. Ceux-là mêmes qui rassurent riches et hommes d’affaires qu’ils n’ont rien à craindre pour leur richesse d’une éventuelle réforme fiscale (lente à venir promettent-ils) qui se gardera bien de les faire reculer devant l’investissement. Ceux-là nous sont présentés comme meilleurs politiciens, car ils prescrivent une thérapie, certes douloureuse, mais combien nécessaire à l’économie tunisienne. Ils sont décrits meilleurs car, ils promettent d’assainir les caisses de l’Etat et de stopper l’hémorragie de dépenses « inutiles » de ce tunisien devenu « gouvernivore ».
Le « réalisme » de leur campagne électorale, nous dit-on, provient de ce qu’ils nous promettent privatisations et coupures budgétaires à tour de bras !
Le « réalisme » nous commande, nous conseille-t-on, nous tunisiens, super intelligents que nous sommes, de mordre à la « pomme » de ces ulémas de l’économie politique et d’embarquer dans leur giron. Quant à ceux qui nous miroitent « l’enfer » de l’Etat régulateur et bienfaisant, on devrait s’en méfier comme de la peste.
C’est à croire que l’Etat serait devenu mécène. Ce serait en pompant dans ses propres ressources, qui lui viennent de droit de nos poches, qu’il se tortille à nous servir du mieux qu’il peut, au péril de son existence. Eh oui ! La fiscalité ce serait un droit pour l’Etat. Et les ressources qu’il s’en procure ne seraient pas suffisants pour le gratifier des droits qu’il nous accorde de vivre et de prospérer sur « son » territoire et d’en exploiter les meilleures richesses.
Assurer l’éducation, la santé, la libre circulation, les transports et combien d’autres services publics, oui nous dit-on, mais il faudra les payer. Ce n’est pas un devoir de l’Etat !
C’est vous dire combien les « vérités », tout aussi bien que les valeurs, ont changé en si peu de temps.
A ces politiciens qui peuplent notre paysage médiatique et nos sphères administratives et publiques et qui aspirent à nous gouverner je veux bien demander :
Que vaut-il d’être démocrate quand on s’approprie l’Etat ? Que vaut la République quand l’Etat devient Monarque ?
À mes humbles connaissances, aucun grand parti ne “promet coupures et redressements”. Au contraire, tout le monde promet des monts et des merveilles alors que toutes les études sérieuses prévoient des années très difficiles sur le plan économique entre 2015 et 2018. Et l’indemnité de chômage, pour ne prendre que celle-ci est maintenant la mesure phare de presque tous les grands partis. Ennahdha a copié elle aussi cette mesure populiste aux clowns du Mahabba Hachemi Elhamedi et son confrère du Jabha Hamma Hammemi. Il ne faut pas être expert en économie pour comprendre que les finances publiques dans l’état actuel des choses ne permettent pas la mise en oeuvre d’une mesure aussi populiste et onéreuse. Pour preuve, le gouvernement Sebsi a mis en place le programme “Amal” en 2011 qui a engorgé en 10 mois le restant de la recette des actions TunTel, soit deux milliards de dinars. Nous avons fini cette année avec un taux de chômage de 18.5% au lieu de 15% au début de 2011! Un tel programme ne peut être mis en place que dans un pays où les contrôles sont forts et aussi avec des conditions d’encadrement assez strictes (par exemple, dans les pays européens cette indemnité n’est accordée qu’à ceux qui perdent leur emploi et ont déjà cotisé pour un régime spécifique d’assurance chômage auparavant). En Tunisie, la mise en place de cette indemnité ne fatiguera pas seulement les équilibres budgétaires du pays qui sont déjà à bout de souffle mais poussera plus de gens hors du système (plus du travail au noir donc manque à gagner fiscal, plus déclarations frauduleuses donc plus de dépenses, etc.). Ce qui ne réglera en rien le problème du chômage et ne fera que mettre la balance budgétaire du pays encore dans un sale état.
Ceci dit, je suis tout à fait contre mais plus tôt pour une réforme de fond des services publiques stratégiques (éducation, santé, énergie, eau, justice, sécurité et autres). Mais je ne vois pas pourquoi on ne lâche pas des compagnies mal gérées et peu lucratives qui deviennent un fardeau pénible aux contribuables. Une compagnie telle que Tunisair qui engorge chaque année quelques précieuses 400 millions de dinars (l’équivalent de 400 km d’autoroute ou de 10 hôpitaux régionaux) doit être privatisée pour améliorer ses services et permettre une gestion plus efficace sans pour autant souscrire à la désastreuse politique de l’opensky promise par Ennahdha et Afek Tounes!
Pour moi, le renflouement des comptes nationaux ne peut se faire qu’avec une réforme fiscale équitable qui taxe les gros poissons au juste titre de leurs moyens et en exonérant les plus démunis. Ceci n’aura pas lieux avec des ultra-libéraux tels que Ennadha, Afek ou Nidâa Tounes.
Il faut de gré ou de force amener dans le circuit officiel l’économie souterraine ou informelle qui pèse selon les études de 2 à 3 fois le PIB national. Sur 10 ans, il faut légaliser au moins 80% de cette économie tout en augmentant l’efficacité des contrôles fiscaux et la simplification des procédures administratives et douanières.
En tout cas, je ne vois pas sur la scène national de débats sérieux dignes d’une vraie compagne électorale surtout en matière de politique économique, budgétaire et fiscale. De plus, il y a en Tunisie un protocole non déclaré auquel tous les partis politiques ont adhéré: Ne jamais évoquer ce que peut déranger les intérêts des mafias post-trabelsis ni les multinationales et les bailleurs de fonds d’outremers. Tant et aussi longtemps que ce protocole est en place, les tunisiens (manifestement plus soucieux de la préservation de “l’Islam” de ses “ennemis” que du pain et des médicaments de leurs enfants) payeront la facture en entier. Finalement, les politiciens ne peuvent qu’augmenter leurs salaires, percevoir des commissions sous la table et légiférer des lois pour jouir de plus d’avantages et de denrées de l’état. Le peuple souffrira parce que justement le peuple est le problème!
À mes humbles connaissances, aucun grand parti ne “promet coupures et redressements”. Au contraire, tout le monde promet monts et merveilles alors que toutes les études sérieuses prévoient des années très difficiles sur le plan économique entre 2015 et 2018. Et l’indemnité de chômage, pour ne prendre que celle-ci est maintenant la mesure phare de presque tous les grands partis. Ennahdha a copié elle aussi cette mesure populiste aux clowns du Mahabba Hachemi Elhamedi et son confrère du Jabha Hamma Hammemi. Il ne faut pas être expert en économie pour comprendre que les finances publiques dans l’état actuel des choses ne permettent pas la mise en oeuvre d’une mesure aussi populiste et onéreuse. Pour preuve, le gouvernement Sebsi a mis en place le programme “Amal” en 2011 qui a engorgé en 10 mois le restant de la recette des actions TunTel, soit deux milliards de dinars. Nous avons fini cette année avec un taux de chômage de 18.5% au lieu de 15% au début de 2011! Un tel programme ne peut être mis en place que dans un pays où les contrôles sont forts et aussi avec des conditions d’encadrement assez strictes (par exemple, dans les pays européens cette indemnité n’est accordée qu’à ceux qui perdent leur emploi et ont déjà cotisé à un régime spécifique d’assurance chômage auparavant). En Tunisie, la mise en place de cette indemnité ne fatiguera pas seulement les équilibres budgétaires du pays qui sont déjà à bout de souffle mais poussera plus de gens hors du système (plus du travail au noir donc manque à gagner fiscal, plus déclarations frauduleuses donc plus de dépenses, etc.). Ce qui ne réglera en rien le problème du chômage et ne fera que mettre la balance budgétaire du pays encore dans un sale état.
Ceci dit, je suis tout à fait contre la privatisation mais plus tôt pour une réforme de fond des services publiques stratégiques (éducation, santé, énergie, eau, justice, sécurité et autres). Mais je ne vois pas pourquoi on ne lâche pas des compagnies mal gérées et peu lucratives qui deviennent un fardeau pénible aux contribuables. Une compagnie telle que Tunisair qui engorge chaque année quelques précieuses 400 millions de dinars (l’équivalent de 400 km d’autoroute ou de 10 hôpitaux régionaux) doit être privatisée pour améliorer ses services et permettre une gestion plus efficace sans pour autant souscrire à la désastreuse politique de l’opensky promise par Ennahdha et Afek Tounes!
Pour moi, le renflouement des comptes nationaux ne peut se faire qu’avec une réforme fiscale équitable qui taxe les gros poissons au juste titre de leurs moyens et en exonérant les plus démunis. Ceci n’aura pas lieux avec des ultra-libéraux tels que Ennadha, Afek ou Nidâa Tounes.
Il faut de gré ou de force amener dans le circuit officiel l’économie souterraine ou informelle qui pèse selon les études de 2 à 3 fois le PIB national. Sur 10 ans, il faut légaliser au moins 80% de cette économie tout en augmentant l’efficacité des contrôles fiscaux et la simplification des procédures administratives et douanières.
En tout cas, je ne vois pas sur la scène national de débats sérieux dignes d’une vraie compagne électorale surtout en matière de politique économique, budgétaire et fiscale. De plus, il y a en Tunisie un protocole non déclaré auquel tous les partis politiques ont adhéré: Ne jamais évoquer ce que peut déranger les intérêts des mafias post-trabelsis ni les multinationales et les bailleurs de fonds d’outremers. Tant et aussi longtemps que ce protocole est en place, les tunisiens (manifestement plus soucieux de la préservation de “l’Islam” de ses “ennemis” que du pain et des médicaments de leurs enfants) payeront la facture en entier. Finalement, les politiciens ne peuvent qu’augmenter leurs salaires, percevoir des commissions sous la table et légiférer des lois pour jouir de plus d’avantages et de denrées de l’état. Le peuple souffrira parce que justement le peuple est le problème!
Dans l’histoire de la Tunisie post-in dépendance, une expérience unique fut tentée dans les années soixante sous le signe d’une alternative au capitalisme. L’Etat y devait ètre social et au service de la majorité de la population pour veiller à ce que chacun soit traité avec équité.
Cette tentative a tourné court, et son instigateur chassé du pouvoir et poursuivi…
Pour le reste, les choix politiques et économiques ont toujours relevé de la mème doctrine dont les résultats sont observables et évaluables et leurs effets mesurables dans la vie de tout citoyen selon sa catégorie sociale.
Des fortunes se sont faites sur le dos du petit peuple, à l’ombre de régimes soumis à la loi de l’argent. Sous Bourguiba, comme sous Ben Ali ainsi qu’à l’occasion de ce qu’on appelle révolution, dans un petit pays réputé sans ressources naturelles et dont l’ économie est toujours dépendante de l’extérieur.
Et, pourtant, non seulement on continue à nous vendre les mèmes recettes, mais on voudrait nous asséner des mesures drastiques pour assainir les finances d’un Etat géré au profit de certains sans se demander qui en est responsable.
Les responsables, pour une bonne part se présentant sous les auspices d’hommes neufs bien disposés à l’égard du citoyen -au moins le temps d’une campagne électorale- ou bien se prenant pour les envoyés de la Providence venus nous sauver de périls qu’ils ont contribué à instituer, tous ces messieurs pensent et proposent des recettes puisées dans le mème paradigme.
La seule attitude convenable, face à ce déluge de promesses, est de ne compter que sur les quelques groupes ou mouvements qui demeurent fidèles à la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour que cela change. Et de travailler avec eux.
Je voterai, mais pas pour les bonimenteurs ou marchands de promesses…surtout lorsqu’elles nous prédisent des lendemains douloureux. Douloureux uniquement pour les petits, les pauvres, les délaissés.
comme vous le dites si bien tout est question de paradigme, mais là personne, parmi nos politiciens, ne semble écouter. Ou peut être sommes nous devant des profanes de l’économie politique conjugués à des mal voyants question projet de société.
La Tunisie traîne un héritage de bureaucratie qui a servi et continue à servir les mêmes intérêts.
La tâche de la révolution est lourde.
Il nous appartient tous de comprendre que la nouvelle Tunisie ne pourra se construire en dehors de la contribution collective. Pour cela faut-il laisser de côté les appartenances idéologiques et se concentrer sur des fondamentaux qui peuvent rassembler davantage de personnes, des acteurs politiques et de la société civile? Les exigences de la révolution (justice transitionnelle, réconciliation nationale, programme d’urgence sociale et économique) pourront-elles être la base de cette exigence/nécessité de faire ensemble? Les objectifs de la révolution (liberté, dignité, travail, démocratie) pourront-ils être les fondamentaux d’un projet collectif où gauche et droite, réformateurs et conservateurs pourront dépasser les limites idéologiques impropres à ce moment révolutionnaire (transition, faiblesse de l’état, terrorisme) par le quel passe la Tunisie?
On verra !
Ben Ali harab
Tarek MANDHOUJ