Au sein du récapitulatif de l’année 2014 publié par Nawaat, ce qui transparaît tout au long, c’est la faiblesse du rôle de l’institution judiciaire durant ce premier cycle de la transition démocratique.
Un premier cycle durant lequel il a été principalement question d’élections, de Constitution, de Média, d’économie, de justice transitionnelle, de procès et de terrorisme. 2014 parachève ainsi ce cycle destiné à mettre la Tunisie sur les rails d’une démocratie moderne. Les chantiers ouverts sont gigantesques, tout autant que les attentes des citoyens.
Au regard du pire et notamment de ce qui s’est produit sous d’autres cieux, l’on pourrait considérer que la Tunisie ne s’en sort pas si mal. Mais au regard du meilleur et surtout des ambitions légitimes à vivre dans une Tunisie respectant la dignité de ses citoyens ainsi que leurs droits, tout en permettant à chacun d’avoir les moyens de subsistance qui satisfassent au minimum requis, les échecs et les insuffisances demeurent nombreux.
Le principal pilier sur lequel repose une démocratie, c’est l’ensemble de ses organes juridictionnels, tant il est vital à la régulation des rapports sociaux et institutionnels. De l’efficacité de cette justice à sanctionner les excès de l’autorité qui abuse de son pouvoir et de cette même efficacité à condamner les hors-la-loi dépend grandement l’émancipation de la démocratie.
Nous sommes à peine sortis d’un régime où c’était la matraque qui arbitrait les conflits et où la police régnait en maître. Aujourd’hui, c’est la loi qui est censée le faire. Or, pour que justement nous passons de cette matraque qui arbitre les conflits au règne de la loi, encore faut-il donner les moyens humains et matériels à la justice pour qu’elle soit en mesure de répondre aux exigences de cet État de droit. Nous ne pensons pas que cela soit encore le cas. Et nous ne sommes pas loin de penser que l’un des plus grands dangers qui guette la nouvelle démocratie tunisienne, c’est en effet l’absence d’adéquation entre les moyens humains et matériels actuels de la justice avec les nouvelles exigences de la Tunisie post-révolution.
En filigrane, tout au long de ce récapitulatif, de nombreuses carences auraient pu être résorbées pour peu que la justice eût été plus efficace. Mais pour l’être, il eût fallu que nos magistrats disposassent de plus de moyens.
Si l’année 2014 boucle ce cycle durant lequel nous avons assisté -à juste titre d’ailleurs- à une réorganisation de la police et des organes sécuritaires, nous ne pouvons manquer de relever la grande absence d’un mouvement d’ampleur en faveur de la modernisation de la justice. Et c’est d’autant plus inquiétant, que le rôle et la tâche de celle-ci sont appelés à croître d’une façon exponentielle dans les proches années à venir.
Or, des organes sécuritaires hypertrophiées non balancée par une justice avec suffisamment de moyens pour freiner les ardeurs d’une police aux traditions violentes -(c’est un fait et non un jugement de valeur)- serait la voie toute tracée pour laisser libre court à la violence d’État… a fortiori pour un pays sortant à peine d’un régime qui s’est singulièrement distingué par d’indignes violences policières réprimées, en théorie, par les dispositions du code pénal.
L’État de droit n’est pas qu’une formule au détour d’une disposition constitutionnelle. C’est surtout le glaive d’une justice destinée à veiller à ce que la loi ne relève pas de ces formules dont on se gargarise… Ben Ali, lui, l’avait si bien fait.
Il est vrai qu’avec 2014, le chemin du pire a été évité. Les compromis politiques ont su, à ce jour, préserver l’avenir. La nouvelle Constitution tunisienne en est le symbole. Mais elle est aussi le symbole des états de grâce qui succèdent aux révolutions. Les périls demeurent nombreux si l’on ne prend pas garde… à commencer par le fait de donner à la justice les moyens d’assurer sa mission. Des moyens à la hauteur des ambitions démocratiques de la Tunisie.
A lire les uns et les autres, les vieux réflexes et les coutumes des “temps révolus” reprennent des couleurs. La justice et l’Intérieur, sauvegardés des tumultes “révolutionnaires”, sont presque saufs de toute transmutation. Le Ministère de l’Intérieur, gràce ou à cause de la terreur, gagnerait en puissance et en moyens, gardant la mainmise sur le pays et ses citoyens.
Toutefois, cet état des choses a été voulu, aussi bien par les gouvernements de la Troika que celui les ayant précédés, à l’aune de la stratégie actuelle, si elle se révélait conforme à ce qui est soutenu.
On se rappelle que le seul ministère qu fut protégé par les forces armées, dès les premiers jours des soulèvements, fut celui-là. Monsieur Marzouki y aura veillé, comme d’autres, pour maintenir ce privilège, et des luttes partisanes eurent lieu pour y installer, ou y garder, leurs fidèles ou agents.
Des interrogations demeurent quant à la volonté de rompre, vraiment, avec le passé.
On ne peut être plus royaliste que le roi ! La populace s’est finalement exprimée durant les trois grandes mascarades électorales passées et a choisi le retour à l’ordre ancien. Il faut respecter donc son choix et “laisser le gouvernement gouverner!”. Le Tunisien (*) qui n’était jamais digne, intègre et civilisé s’est offert naturellement des gouvernants à son image, cupides, mal-élevés, arrogants, corrompus et sauvages! C’est son choix et je le respecte profondément. Il est donc le droit le plus légitime au vieux sénile et à ses lieutenants (implantés à tous les niveaux d’un état voyou) de laisser aller leurs penchants sadiques et pratiquer leurs fantasmes autocratiques favoris comme bon leurs semblent. Et nul ne doit leur contester ces droits fondamentaux et élémentaires puisque c’est la racaille populaire qui a tranché en leur faveur. Les rhétoriques démocratique et droit-de-l’hommiste n’ont rien à faire dans ce contexte. En Effet, un peuple d’Hommes qui vient de passer par six décennies de ténèbres dictatoriales ne peut jamais se permettre d’accorder son sort à des bourreaux de cette même époque obscure.
(*) Une majorité écrasante
عدالة و دولة قانون ماذا -مع شعب التجمّع- أيها الأبله؟