Premier pays arabe avant-gardiste en matière d’égalité du genre, la Tunisie est pourtant patriarcale. En dépit des lois progressistes et des discours flamboyants de valeurs féministes, la réalité des mentalités reste connue par tout le monde : l’émancipation de la femme n’est pas pour bientôt.

À l’occasion de la journée internationale de la femme, nous avons donné la parole aux « petites » femmes qui seront l’avenir la Tunisie. Entre 9 et 15 ans, elles ont des idéaux, des questions sans réponses, mais aussi un lourd héritage culturel.

Farah, 11 ans, de Gabes, pense que l’égalité entre la femme et l’homme est évidente puisque Dieu les a crée égaux. Dans son entourage, il n’est pas évident de se consacrer aux études car son statut de femme la réduit aux tâches ménagères même à son bas âge. Farah, qui mène un combat quotidien pour poursuivre ses études, rêve de devenir architecte.

Je pense que la mentalité actuelle est vraiment archaïque. Ça veut dire, l’homme est plus fort ou intelligent que la femme? Ça n’a aucun sens. Maintenant, les femmes doivent être convaincus qu’elles méritent une meilleure place dans la société. Nous devons encourager et encadrer les femmes qui ont peur de se libérer de l’autorité de l’homme. Farah, 11 ans, de Gabes.

Nour (1), 15 ans de Kairouan, pense que les femmes jouent un rôle important dans la société tunisienne. Elles sont députées, médecins, enseignantes :

Les critères de la force ne sont plus physiques de nos jours. Donc, la femme est plus forte que l’homme. Je pense que c’est pour ça que plusieurs hommes font recours à la violence. Ils essayent de cacher leur faiblesse et complexe d’infériorité, explique Nour.

Pour elle, son réel combat consiste à résister aux clichés de la société et garder confiance en elle.

Kenza, 14 ans, de Tunis, admet que les hommes doivent avoir plus de droits que les femmes. « Après tout, l’homme est le chef de la maison. C’est lui qui ramène l’argent, qui gère les problèmes et qui a tout le temps raison …». Pourquoi ? « Parce que c’est ce qu’on nous a appris. C’est la normae ». La jeune fille explique que « même si les prophètes sont tous des hommes, l’humanité peut évoluer. En Tunisie, par exemple, le président de la république peut être une femme… pourquoi pas».

Lilia, 9 ans, de la Marsa, rêve de devenir ministre ou présidente de la République. L’égalité du genre, d’après elle, doit être obligatoire même si les hommes ne sont pas d’accord.

Je pense aux filles dans les régions qui ne peuvent pas aller à l’école. Alors que leurs frères ont le droit de sortir et d’apprendre et d’avoir un travail, les filles restent à la maison pour aider les mamans dans les tâches ménagères. Personnellement, je pense que c’est injuste! Mais je sais qu’il y a des garçons qui pensent encore que c’est normal! Lilia, 9 ans, de la Marsa

Nour (2), 15 ans de Tunis, n’est pas du tout optimiste par rapport aux droits de la femme en Tunisie. Déjà dans sa famille, la discrimination est flagrante entre elle et son frère.

Je n’ai jamais compris les origines de cette discrimination qui donne tout le temps raison aux hommes. Je ne sais pas d’où ça vient et je ne vois aucun argument valable pour continuer à considérer la femme inférieure à l’homme. Personnellement, je pense qu’il n’y a aucune limite à la liberté de la femme. Elle est libre de son choix. Comme l’homme, elle peut décider de ses études, de son travail et de sa vie personnelle! Quand je serai grande, je ne laisserai personne décider à ma place. Si je ne veux pas me marier, personne ni rien m’obligera à le faire, dit Nour avec détermination.

Aicha, 15 ans de Tunis explique les inégalités entre femmes et homme par l’éducation.

Par exemple, je connais un garçon qui se croit la 7ème merveille du monde. À force que ses parents lui ont répété : t’es un homme! Tu es le plus fort! Il se croit maintenant supérieur et intouchable! La réalité est que la différence ne se fait jamais par rapport au sexe mais par rapport à la personnalité et ce que nous avons comme capacités et compétences.

Meriem, 9 ans, de Boumehal pense que la seule méthode efficace pour imposer l’égalité entre hommes et femmes serait le dialogue. « Par exemple, à l’école, quand les garçons disent qu’ils sont plus forts, je leur rappelle que la première de la classe est une fille. Voilà! Si elle est capable d’être la meilleure, demain elle serait pilote comme l’homme ou même plus…»

Les droits de la femme sont les de droits de l’homme. Pourquoi diviser les deux ? C’est la même chose! N’est ce pas ? dit Meriem avec un sourire innocent.