Le tout marché et tout Etat conduisent vers l’impasse économique, sociale et environnementale. Si courir derrière la croissance et l’abondance nous conduit vers l’abîme, il vaut mieux adopter le principe de frugalité et agir pour la décroissance. C’est finit : la transformation sociale n’est pas le privilège des puissants, d’une classe faite de politiques et des hommes d’affaires très souvent poussée à des calculs compliqués économico-économicistes et/ou politico-politiciennes. Ça fait longtemps que le citoyen ordinaire a, au fond de lui, perdu espoir d’un changement venant d’en haut. Les révolutions (flashes) telles qu’elles se sont jusqu’alors manifestées semblent aussi être incapables, au vu de résultats obtenus, de changer la donne. La seule voie qui présente, pour l’avenir de nos petits enfants, plus de chance de réussite est celle qui vient des initiatives citoyennes –certes lentes- mais libres et simples. Cette réussite demande trois conditions :
- Être convaincu et prêt à agir dans le bon sens ;
- Maîtriser et partager les outils du changement véritable ;
- Entretenir et faire évoluer cette mouvance avec des sacrifices permettant de faire éviter l’instrumentalisation, la banalisation et la récupération des initiatives citoyennes.
Perdre la foi, une fois pour toute, en l’Etat et au marché, ne pas croire qu’il faut venir à leur aide afin de combler le vide et réparer le fossé de plus en plus profond qu’ils créent au niveau humain, social et environnemental. Il n’y a rien ici d’un point de vue extrême ou une attitude radicale. Sensibiliser aux enjeux du futur, mettre en garde des impasses et orientations politiques actuelles permettra, à moyen et long terme, de convaincre et poussera sans doute à agir. Sensibiliser à travers l’agir est ici une manière simple et efficace.
Le partage du savoir-faire est une condition sine qua non pour faire réussir les expériences. Chacun dans son domaine, les outils de partage ne manquent pas, les universités et l’éducation populaires sont possibles, les colloques et manifestations de tout genre permettent à la longue de faire émerger une culture du Commun, de partage et de solidarité. Chacun fait sa part et exerce sa « liberté responsable », mieux vivre s’apprend en partageant.
Transformer sa vie et la vie de son entourage n’est pas aisé dans une situation où la mainmise est commandée par la logique de calcul économiciste, d’une culture affairiste dans un tout marché. L’Etat providence est en fait au service des seuls grands acteurs et lobbies influents, seuls véritables acteurs sur le marché. Dans ce contexte, les alternatives concrètes citoyennes (ACC) peuvent nous apparaître marginalisées, récupérées par les affairistes, instrumentalisées par les entreprises, par les politiciens et par les Etats et grandes organisations ou banalisées et ridiculisées par ceux qui y voient comme une menace pour leurs intérêts et leurs parts de marché.
Les ACC n’ont pas à fixer pour objectif l’élimination du capitalisme, ni donner une alternative « clé en main » au système dominant, mais les adhérents des ACC pratiquent des solutions concrètes aux problèmes du quotidien. Les ACC sont des alternatives car elles sont contre le prêt à penser et prêt à agir proposés, et au fond comme imposés, à tous en même temps et de la même manière. Elles sont des alternatives car elles sont contre la résignation et contre le fait de déléguer son avenir à ceux qui ne sont même pas capables de définir ce que une utilité sociale ou un bien-être collectif –ceux qui se sont montrés incapables parmi les politiciens et dirigeants d’obéir à autres qu’aux lobbies, entre autres, de la finance et de l’industrie.
Ces ACC sont nécessaires, inéluctables et n’ont pas besoin des réflexions abstraites visant à les définir comme concepts abstraits et figés. Elles sont du côté du Oui et de la pratique. Loin de la protestation des agitateurs et l’éternelle insatisfaction de la plupart des anti-système. Elles sont du côté du positif non du négatif. Véritables bâtisseurs d’un demain meilleur, les fidèles apprennent par la pratique, par le partage et par la solidarité.
Au niveau du comportement, le niveau d’innéité, de spontanéité, du naturel, du simple… devance de loin les autres parts et niveaux. Vouloir les saisir par le traitement analytique reste propre aux « impressionnistes » des sciences humaines et sociales parmi les psychologues, les sociologues, les anthropologues ou socio-économistes qui prétendent à l’objectivité et au scienctisme en oubliant derrière eux la véritable question du sens de la vie et de l’engagement d’un citoyen actif et d’un acteur motivé et convaincu. Des telles études banalisent les ACC et les acteurs et les exposent à l’instrumentalisation par ceux qui veulent en tirer profit matériel sans lien ni avec l’humain ni avec le social/solidaire ni avec les aspects de l’environnement. Les récupérateurs ne cherchent qu’à faire des étiquettes (responsabilité sociale ou business teinté social) et du marketing voulant vendre une image trop loin de leur réalité. Bien sûr, tous les entrepreneurs sociaux ne sont pas entrepreneurs au détriment du social.
Les ACC authentiques dont on parle ici sont assez développées partout dans le monde. C’est une vraie effervescence. Au niveau de la nourriture, du logement, de l’éducation ou autre, les individus et petits groupes inventent ensemble des petites solutions simples et du bon sens, des bricoles efficaces sans attendre l’Etat et ses promesses vides pour venir en aide et sans passer essentiellement par le marché et le système argent –sans parler de la main invisible de ce marché qui ne nous montre en fait que ses bras forts et bien visibles entrain de briser le lien social, l’Homme et la nature.
Il est temps, en Tunisie, de pousser plus en avant la mise en valeur de ces initiatives citoyennes (Nawaat.org est sur le bon chemin de partager les expériences et diffuser l’information) de faire une « banque de données des initiatives » afin de faciliter le partage, de faire le tour de la Tunisie pour recenser et valoriser des pratiques apparemment toute simples mais profondément sensées dont les parents et grands parents n’ont pas oublié la maîtrise et les techniques… Et contrairement à la logique du marché – où on est attachés à plus de consommation, de croissance, d’argent, de profit et rentabilité- ici plus de don, de solidarité, de gratuité sera toujours mieux. Ainsi et afin que le bien vivre puisse s’installer, luttons pour que des ACC puissent mieux se développer en adoptant le simple et en laissant le compliqué hors jeu. Il n’y a pas plus concret qu’une utopie dont le jour est venu.
ça sera bien pour nous tous et pour l’avenir de voir pousser en Tunisie plus d’initiatives. il faut bien reflechir et lire les expériences d’ailleurs (car les contraintes sont bien réelles en particulier liées à la nature humaine et le contexte encore instable) pour un : 1- un lieu de rencontre dans chaque ville (exemple Maison de Zarzis, pour tous financé et géré par tous afin de se rencontrer et débattre sur les initiatives) 2-proposer pour réorienter les structures existantes (exemple les cafés passent à des cafés associatifs, certains politiques deviennent solidaires,…j’espère que zero père reussi et que personne ne récupère) 3- démarcher auprès des autorités pour faciliter les tâches sans leur exiger de l’argent. Penser avec du sens et agir dans son territoire! mais être convaincu que le partage, le don et l’Altruisme sont plus intéressants que le chacun pour soi.
Merci et BRAVO pour cette expression toute faite de bon sens et de réalisme… Utopie ? Mais VIVENT les “utopies” ! Ce sont elles qui font naître L’IMAGINAIRE nécessaire pour que les choses changent, au local et maintenant. OUI, il y a des milliers, peut-être des millions de “petites révolutions tranquilles” où se prépare, sans faire de bruit, une humanité de demain consciente de sa RESPONSABILITÉ sur la nature (dont elle fait partie, que ça lui plaise ou non). Merci Moncef, je me permettrai de relayer votre ‘appel’ (je m’autoriserai à en rectifier quelques détails de forme…).
François