Lors du dernier recensement effectué par l’Institut National des Statistiques pour l’année 2014, plusieurs données intéressantes ont émaillé. Mises en ligne progressivement, ces données ont été l’objet de contestations de la part de l’UGTT qui a mis en doute les résultats. Une des dernières données apparues sur le site de l’Institut National des Statistiques est celui de la Pyramide des âges de 2014. Que révèle-t-elle ?
La notion de Pyramide des âges
La Pyramide des âges est un graphique représentant la structure et la composition d’une population selon l’âge et le sexe. S’il s’agit d’un cliché instantané d’un moment donné, elle permet de faire des hypothèses sur l’histoire présent et avenir d’une population. Ainsi selon les données d’une Pyramide, un Etat peut se projeter afin de mener des programmes économiques et sociaux adéquats. Ainsi, par exemple si la base de la Pyramide qui représente les 0-4 ans est large, cela veut dire qu’il y’aura 5 ans plus tard plus de jeunes à scolariser; 20 ans plus tard, plus de chercheurs d’emplois et 60 ans plus tard plus de retraités.
La forme de la Pyramide des âges dépend de trois facteurs principaux : la natalité, la mortalité et la migration. En fonction de ces facteurs, la Pyramide peut prendre plusieurs formes :
- La Pyramide en parasol : Base large, donc beaucoup de jeunes. Sommet effilé, donc peu de vieux. Population jeune à croissance rapide
- La Pyramide en toit de pagode : Il y a moins d’enfants de 0-5 ans que de 10-15 ans, traduisant une diminution des naissances. Le milieu est large, donc beaucoup d’adultes.
- La Pyramide en As de pique : Il y’a là un rélargissement de la base qui montre une reprise de la natalité et un rajeunissement de la population.
- La Pyramide en feuille de chêne : Rétrécissement de la base et plusieurs variations, démontrant une population vieillissante.
- La Pyramide en ogive : Base étroite, donc peu de jeunes. Le milieu et le sommet sont équivalents. Ainsi la population adulte et la population âgée sont au même niveau. Cela démontre que la population est déjà vieille.
- La Pyramide en champignon : la base est très étroite et le sommet très large dénote d’une population vieillie.
La Pyramide des âges en Tunisie
Lors du dernier recensement de 2004, la structure de la Pyramide des âges en Tunisie avait la forme dite « parasol ». Ainsi il y’avait une base très large et donc un pays jeune. Mais en dix ans, la Pyramide a pris la forme de l’As de Pique avec un ralentissement de la natalité et un vieillissement de la population.
Ainsi entre 2004 et 2014 :
- Nous sommes passés de 8,1% de Tunisiens à 8,9% ayant entre 0 et 4 ans. Ainsi cela démontre une reprise, bien que timide de la natalité.
- Nous sommes passés de 18,6% à 14,9% de Tunisiens entre 5 et 14 ans.
- Nous sommes passés de 64% à 64,5% de Tunisiens entre 15 et 59 ans.
- Nous sommes passés de 9,3% à 11,7% de Tunisiens ayant 60 ans et plus.
En fonction des trois facteurs cités plus haut et de ces chiffres, l’on peut se rendre compte qu’il y’ a en Tunisie aujourd’hui une large population adulte, qui dans les années à venir constituera une population âgée de 60 et plus. Or, au vu du ralentissement des naissances et donc de la population entre 5 et 14 ans, cela risquera de peser lourd sur l’avenir socio-économique de la Tunisie.
Ce constat a été partagé par l’ensemble des présents lors du colloque organisé le 20 mai par l’Office Nationale de la Famille et de la Population. Tirant le signal d’alarme, plusieurs experts et démographes urgent le gouvernement actuel à se pencher dès à présent sur ce vieillissement de la population qui pourra, dans les 20 prochaines années, avoir de lourdes conséquences sur le système social actuellement mis en place.
Par ailleurs, dans un livre intitulé « Population et développement en Tunisie » (aux éditions l’Harmattan) à paraitre prochainement1, M. Adel Bousnina, chercheur et maître de conférence à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, revient sur les causes et les effets de ce vieillissement de la population :
…La structure par âge sera marquée par l’accroissement de la population de troisième âge (de 60 ans et plus) qui verrait son poids doubler entre 1995 et 2034. Selon l’hypothèse de la baisse modérée de la fécondité, cette proportion atteindrait 19% en 2034, contrairement au poids des enfants de moins de 4 ans qui pourrait diminuer pour ne pas dépasser 5.6%.
Le vieillissement inéluctable de la population tunisienne pourrait être concrétisé par l’importance de l’effectif du groupe d’âge 60 ans et plus, qui pourrait dépasser 2 millions et demi de personnes en 2034 (253.3 mille en 1966), tandis que les proportions des enfants (0-4 ans et 5-14 ans) pourraient connaître un recul irréversible (en passant respectivement de 11 % et 23.8 en 1995 à 5.6% et à 12.3% en 2034). »
A. Bousnina, « Population et développement en Tunisie », éditions l’Harmattan.
Si la croissance démographique continue dans ce sens, avec une population de 15-60 ans très forte qui basculera inéluctablement vers les plus 60 ans dans les années à venir, et un taux de fécondité bas expliquant le faible taux des 0-4 ans, le renouvellement démographique n’aura pas lieu. Selon plusieurs experts, cela s’explique par deux facteurs principaux : la baisse du nombre des mariages mais aussi le recul de l’âge du mariage qui conditionne à n’avoir qu’un ou deux enfants ; lorsque dans les années 1960, un couple faisait entre 3 et 4 enfants.
Ainsi, la structure de la Pyramide des âges passera d’une pyramide à base large se rétrécissant au fur et mesure qu’on avance dans l’âge, à une pyramide d’une population vieille avec un sommet aussi large que la base.
Parmi les conséquences de ce vieillissement de la population sera la création de charges sociales supplémentaires pour l’Etat. Comme mentionné par M. Bousnina :
… le problème des charges sociales supplémentaires se pose avec acuité et le coût de la couverture sociale devient de plus en plus lourd… À ce titre, plusieurs indicateurs montrent les difficultés financières que connaissent les différentes caisses sociales en Tunisie. En fait, le déficit de ces caisses (CNRPS, CNSS, CNAM) qui continue de se creuser, nécessite des solutions urgentes de la part de l’État…
Ainsi, les difficultés que connaissent les différentes caisses sociales (CNRPS, CNSS et CNAM) pourraient augmenter. Comme affirmé par M. Youmbai, ministre des Affaires Sociales, les caisses sociales ont connu un déficit estimé à 280 millions de dinars (MD) en 2013, de 400 MD en 2014 et 700 MD en 2015 et pourraient s’élever à 1000 MD en 2016.
Comme l’affirme M. Bousnina, le rapport vieux/actif ne cesse d’augmenter entre 1980 et 2010 passant de 4,3% à 15%. Mais là où le bât blesse, c’est que ce rapport connaitra une hausse nettement plus rapide dans les décennies à venir : « Dans les prochaines décennies, ce rapport serait en hausse d’une manière beaucoup plus rapide, et ce en faveur de la population vieille et aux dépens des actifs, puisqu’il pourrait atteindre 28% en 2029 et même dépasser 31% en 2034… »
Ainsi face à ce constat alarmant, une prise en main gouvernementale doit avoir lieu. Si des solutions existent – modification de l’assiette des cotisations sociales ou du taux de cotisations, modification de l’âge de départ à la retraite et donc allongement de la durée de cotisation – il ne tient qu’à nos dirigeants de prendre dès à présent les mesures nécessaires avant qu’il ne soit trop tard.
Notes
1. Le livre « Population et développement en Tunisie » de M. Adel Bousnina paraitra prochainement aux éditions L’Hermattan. Nous le remercions d’avoir partager avec nous en avant première certains passages.
Le taux de fécondité ne cesse de diminuer depuis des décennies et il est désormais inférieur à 1.9. Le seuil qui assure le renouvellement des générations est égal à 2.11. Donc, si cette tendance continue à l’avenir, la Grande Bougnoulie sera dans 20 ans ou un peu plus, obligée de ramener des chinois et des philippins pour assurer un minimum de services. Mais, il y a un autre problème: cette même Grande Bougnoulie se noie graduellement mais surement dans une crise économique sans précédent qui débouchera presque à coup sûr sur un désastre à la manière grecque, ce qui balayera le peu d’acquis sociaux restants d’un revers de main. Donc même dans 20 ans, l’économie de la Grande Bougnoulie risque de ne pas être assez fleurissante pour pouvoir ramener des chinois bosser à la place des singes castrés vieillis, mais assez en forme pour se battre pour une retraite dorée au palais de Carthage!
Dans un pays qui se respecte, les politiques démographiques, sociales et économiques sont conçues et revues ensemble parce que la population, ses besoins sociaux et les capacités économiques du pays sont interdépendants voire indissociables. Dans une terre de singes castrés comme la nôtre, les théories démographiques et économiques n’ont pas de place. Ce sont plus tôt les intérêts de la mafia nationale et internationale et leurs petits hommes de main tenant les pseudo-institutions de gouvernement qui priment.
نهايتك_سودة_يا_زنباوي
من_أنتم؟
عربان_جرذان_ونفتخر
بلد_الشقاق_والنفاق_ومفاسد_الأخلاق
جهل،_رجعية،_مصيبة_وطنية
La vieillesse est une chance, et dans ce cas elle apparait comme un indicateur de l’amélioration des conditions de vie facteur de longévité. Elle forme un problème, lorsque l’organisation sociale et sociétale change sans que soient pris en compte certains aspects avec leurs retombées sur la place et la prise en charge du vieillissement.
Il n’y a pas si longtemps, en Tunisie, les “anciens” coulaient leurs vieux jours auprès de leurs progénitures, toutes générations ensemble, et mouraient chez eux. Désormais, ce cas de figure serait l’exception, et le seul refuge lorsque l’àge rend moins autonome serait la maison de retraite. Les solidarités familiales s’effilochent, non point parce que les enfants seraient devenus plus égoistes ou moins attentionnés, mais surtout parce que les modes de vie ont tant transformé les rapports intra-familiaux et inter-générationnels qu’elles se réduisent ou tendent à s’exprimer selon d’autres modalités.
Une nouvelle place et de nouveaux roles sont à inventer pour les générations àgées afin de transformer le ragard social: la multiplication du nombre des vieux est source de nouveaux métiers et d’emplois; ils ne seraient plus un poids économique puisqu’avec leurs “salaires différés” ils financeraient leur prise en charge; ils pourraient ainsi représenter une catégorie contributive au développement économique au-delà du role social qui pourrait leur ètre conféré dans la transmission en héritage de certaines valeurs en déshérence
Pour cela, il faudrait une politique sociale capable de prévoyance. Tous les instruments existent pour ce faire.
Article très intéressant, tout comme les deux commentaires qui suivent. Personnellement, ce que trouve déplorable, c’est l’absence de vision sur le moyen/long terme et l’incapacité de se projeter dans l’avenir. En dépit des dynamiques qui tentent de manière cyclique à faire bouger les choses, on a hélas cette fâcheuse tendance à revenir en courant sur le terrain de nos cuisantes défaites, balayant ainsi les quelques précieuses conquêtes si durement obtenues.
Il faudrait que les “dinosaures” qui sont aux commandes acceptent de laisser la place aux jeunes, plus aptes et mieux outillés pour faire face aux grands défis qui attendent notre Pays. Les ressources humaines sont là (avec le bouillonnement des jeunes générations et l’expérience et le recul des vieux), et ne demandent qu’à s’exprimer et contribuer au progrès de notre nation. Il faudra juste garantir l’égalité des chances à toutes les forces vives de la Tunisie, et se débarrasser définitivement de la mentalité d’assistanat et de l’argent facile. Malgré les désastres annoncés dans un grand nombre de pays ravagés par la crise; malgré la mauvaise gestion de notre classe politique qui refuse de tirer les leçons du passé, la Tunisie maintient quand même le cap, avec certes, de nombreuses zones d’ombre au tableau. Toutefois, il faut réagir vite afin d’éviter une implosion du système économique et social et surtout, ne pas compromettre nos chances de réussite dans l’immédiat.