« Bolice » emprunte aux séries américaines leur manière de filmer et leurs techniques de storytelling tout en calquant leur esthétique : les uniformes, les accessoires, la décoration des bureaux et leur disposition, l’architecture de la salle de l’interrogatoire… etc. Un choix qui aurait pu sanctionner « Bolice » auprès de son audimat potentiel pour manque de proximité. L’usage de la darija et le casting qui compte certains acteurs populaires ne suffisent pas pour livrer une production télévisuelle attachante en ces temps de grande concurrence. Dominant en apparence, l’aspect parodique des polars made in USA n’est absolument pas ce que la série a de plus attachant à proposer. Il s’agit juste d’un hameçon qui en jette plein les yeux. Et c’est là que les créateurs de la série se sont montrés habiles à marcher sur la corde raide.

Leur lucidité réside dans leur capacité à associer un humour décalé typiquement tunisien et l’esthétique des séries américaines, leur aptitude à concilier la parodie du flic américain et les traits caricaturaux de l’archétype du policier tunisien. Les créateurs de « Bolice » invitent souvent le téléspectateur à des analogies enveloppantes en mettant les personnages dans des situations loufoques. Ils stimulent son imagination. C’est surtout ainsi que la série est arrivée à acquérir toute sa tunisianité et à tisser des liens de proximité avec son audimat. Une démarche qui dépasse le procédé stylistique pour être une approche conceptuelle.

Autant de fraîcheur dans « Bolice », c’est aussi parce que ses producteurs n’ont pas opté pour un seul scénariste ou deux à l’instar des autres fictions télévisuelles ramadanesques tunisiennes. Ils sont plutôt cinq, d’âges et d’horizons divers et aux références hétérogènes. Ils ont su créer des personnages insolites et éphémères dont l’apparition de chacun se limite à un seul épisode ou deux. Certaines vannes inspirées d’événements récents consolident la fraicheur de la série comme celle sur la présentatrice du journal tv yéménite, un clin d’œil aux internautes ou encore celle sur la mauvaise prononciation fréquente du terme « Anonymous » devenu « Mininos ».

Un autre ingrédient de la recette du succès de « Bolice » : la bande sonore. Des tubes de Chris Brown, Busta Rhymes, Dilated People, Terror Squad, Joe Budden ou encore Method Man et Redman utilisés, sans acquisition des droits d’auteur, pour le générique fin tiennent le téléspectateur en haleine jusqu’à la fin de chaque épisode. Du goove, les créateurs de la série nous en servent. Leurs backgrounds leur facilitent la tâche. Le réalisateur Majdi Smiri n’est autre que l’ancien rappeur et b-boy Maguy connu dans la sphère hip hop tunisienne depuis le début des années 2000. Deux membres de l’équipe de concepteurs du générique aussi. Il s’agit d’Ahmed Khanfir et de Fakhreddine Amri. Le premier était, il y a quelques années, un beatmaker très sollicité par les rappeurs. Le deuxième est le monteur de plus d’une dizaine de clip de rap tunisien.

Des acteurs populaires, une image captivante, des personnages insolites et un humour frais et décalé tout alliant avec subtilité l’esthétique des séries policières américaines et l’image caricaturale du flic tunisien. C’est ainsi qu’Undergroound Skills a su présenter une production contribuant à renforcer le potentiel compétitif de la naissante chaîne tv « Attassia ».