«#Menich_Msama7 » (Je ne pardonne pas) est un slogan comme un autre, né d’un mouvement citoyen qui s’inscrit au sein d’un long processus révolutionnaire. Pourquoi révolutionnaire ? Parce que désormais les citoyens ont un réel droit de regard sur les institutions de l’Etat (présidence de la république, présidence du gouvernement, Assemblée des représentants du peuple ). Ils ne lâcheront pas ce droit durement acquis.
Pourquoi je parle d’un processus révolutionnaire long ? Parce qu’on ne peut pas changer les mentalités, la politique, les pratiques, les choix et les stratégies en quelques mois. Parce que nous sommes encore loin de la sécurité révolutionnaire (semblable pour moi par ailleurs au principe de sécurité juridique ). Parce que pour ce faire, un travail en chaine et de longue haleine est nécessaire. Parce que, depuis décembre 2010, certains ont dénoncé, d’autres ont revendiqué des droits et des libertés, d’autres se sont politiquement engagés, d’autres encore ont confirmé leur ancien engagement… Tout un monde qui a joué un rôle utile et nécessaire. Des vies ont basculé et des cœurs épris de liberté ont chaviré jusqu’à en perdre, parfois, le nord.
Comme l’a si bien dit l’honorable juge Mokhtar Yahyaoui: « Sous une dictature on finit par deviner qu’on ne pourra jamais reconquérir une dignité sans oser un lèse-majesté ». Les mouvements qui sont nés de cette révolution n’ont pas cessé de rappeler, et souvent de manière légitimement violente, tous les maux de leur génération.
Revenons donc à « Menich_msama7 », ou « je ne pardonne pas » le slogan porté par la campagne contre le projet de loi sur la réconciliation économique et financier.
Initié par la présidence de la république, ce projet de loi s’inscrit dans une logique antirévolutionnaire qui a, d’ailleurs, été toujours présente, tantôt tapie dans l’ombre, tantôt sortant au grand jour, au vu et au su de tous. Au vu et au su de tout ceux qui ont payé le prix fort pour initier et entretenir le processus révolutionnaire, de tout ceux qui ont senti ce cri retentir dans leur propre chair.
Face à tout ceux-là, le président de la république branit la réconciliation avec les corrompus de tous bords dérivant du chemin sensé révéler la vérité, vulgariser tous ces maux qui nous rongent depuis des années, rétablir la transparence, la justice, le droit de mémoire et les réformes institutionnelles structurelles que cela implique.
Cette loi n’est pas et n’a pas été leur unique cheval de Troie. On s’attend au pire qui reste toujours à venir. Nous sommes à la croisée des chemins et nous en sommes bien conscients.
Mais notre salut réside justement dans cette prise de conscience de notre citoyenneté, de nos droits et de nos libertés.
Il nous est impossible de pardonner et de nous réconcilier avec ce qu’on appelle à tort et à travers « hommes d’affaires », ni avec ceux communément appelés « fonctionnaires » corrompus jusqu’aux os et responsables de tant et tant de malheurs.
Il va sans dire qu’à un certain moment il faudra aller au-delà pour tourner définitivement la page entachée de sang et de peurs. Mais nous estimons que pour rendre cela possible, il faudra que l’Etat fasse preuve de ce dont il a toujours été incapable : rendre justice !
En tant que citoyenne qui se pose tous les jours des questions sur l’avenir de son pays et des siens, j’exige que le processus de justice transitionnelle soit respecté et appliqué à la lettre dans la transparence totale. Autrement je demeurerais, tout comme plusieurs de mes concitoyens, cette éternelle insatisfaite qui, néanmoins, sait, désormai,s comment s’y prendre pour que vous ne puissiez plus jamais dormir à poings fermés.
Et le pire pour vous Mr le président, c’est que je ne suis et ne serais jamais plus une « simple » citoyenne lambda.
On ne lâche rien,
Un droit c’est un droit, et l’histoire doit avancer. Tout recul est un danger. Oui ou non, on veut une Tunisie réconciliée? Oui ou non on veut une Tunisie démocratique? La feuille du président ne peut pas être considérée comme une bonne intention. La feuille du président, dit que la révolution a récapitulé. Le peuple ne doit pas trahir ses enfants martyrs. Non au silence.
Nous tous, nous comprenons que les temps sont durs, mais ils sont durs pour le peuple, pas pour les hommes d’affaires ni pour les firmes internationales, ni pour l’FMI et la banque mondiale. Créer un climat favorable à l’investissement passe par créer une réelle réconciliation politique et sociale entre l’état et le peuple. L’état tunisien doit aimer ses enfants. La Tunisie doit apprendre à investir dans l’humain. Investir dans l’humain, passe aussi par responsabiliser tout le monde vis-à-vis de la richesse nationale. La recapitalisation des banques publiques spoliées est un crime économique, et clouera l’état et l’humain dans la faiblesse, dans l’impossible de se relever. Ce sont des reformes qui n’ont pas réussi ailleurs, pourquoi les reproduire chez nous ?
Réconciliant l’état avec son peuple à travers un contrat social, où jeune et adulte, homme et femme, enfant et troisième âge auront une place, une reconnaissance. La révolution est venue pour permettre cette réconciliation générale et généralisée. À travers le respect du processus transitionnel et ses exigences et ses étapes, le développement, et le progrès deviennent à la portée de tous.
Une justice transitionnelle, dans le cadre d’un modèle tunisien, qui préparera tout le monde à la grande réconciliation, et puis la réconciliation économique et financière devient un simple mécanisme (complexe, je vous l’accorde), dans le grand processus de la réconciliation.
Avec des feuilles et des propositions comme celle du président de la république, nous sommes entrain de perdre du temps et de se diviser à nouveau. Les plais de la dictature sont encore ouverts, il ne faut pas rendre impossible ce qui n’est pas.
Avec des feuilles et des propositions comme celle du président de la république, nous sommes entrain de perdre du temps et de se diviser à nouveau. Les plaies de la dictature sont encore ouverts, il ne faut pas rendre impossible ce qui ne l’est pas.