Yomeddine est une belle et intense aliénation très bien écrite et réalisée. Le film met en scène une liaison onirique mais enlaidie par la réalité qu’elle frôle, parfaitement décrite et joliment filmée par le jeune réalisateur austro-égyptien Abu Bakr Shawky qui a su nous épater. Cette œuvre cinématographique de 90 minutes relate gracieusement le pain quotidien de Beshay, interprété par Rady Gamal. Tout en joignant le beau au triste, l’injuste à l’humain, l’idée à l’image et les larmes à la joie, le film raconte d’une manière captivante l’histoire de ce lépreux que le sort a choisi de défigurer et de jeter derrière les barreaux d’une léproserie ou plutôt d’une colonie regroupant tous ceux et celles abîmés par la vie. D’ailleurs, cette histoire a réussi à puiser sa beauté dans sa véracité et son intensité dans sa simplicité. Elle repose sur peu de personnages, chacun avec un handicap ou une difformité qui fait son originalité.
C’est à partir de cette idée de divergence que jaillit l’idée d’un univers parallèle au notre, trop exceptionnel et qui n’obéit pas aux mêmes lois. Un univers ou la maladie n’arrête pas les aiguilles de la montre, n’accable pas les sentiments et ne tue pas l’envie de vivre et de partager avec les autres tous les petits plaisirs de la vie. Un univers hétéroclite qui rayonne au fond de tous les personnages, aussi différents soient-ils. Par le biais d’un texte simple et d’un langage courant, facilement assimilable, le spectateur s’engouffre dans le film et finit par partager les maux que ces « anormaux » ressentent à travers les jugements faits par les « normaux ». Une dualité qui fait chavirer nos esprits et qui les stimule dans l’espoir de réussir, un jour, à la décortiquer.
Le personnage principal, Selim alias Beshay, a été abandonné au sein de la colonie qui décidera de s’engager dans une quête d’amour familial et de bonheur. Et c’est à partir de ce moment-là que son périple long et jonché de risques s’annonce. Accompagné d’Obama, son jeune ami noir qui a été également délaissé dans un orphelinat et qui n’a savouré la joie qu’en le côtoyant, ce lépreux tente de trouver des réponses aux questions existentielles qui le hantent dès son très jeune âgé. Cependant, il quitte tous ceux qui ont partagé ses peines et avec qui il a mené sa vie et part à la recherche de sa famille biologique qui l’a abandonné. Des frissons, de la joie, de la pitié et de la colère… Un tas d’émotions nous enlace, nous transperce et nous fait penser à tous ces jugements avec lesquels nous bombardons tous ceux qui nous entourent violant au passage ces âmes innocentes.
Tel un miroir reflétant la laideur de l’être humain qui n’hésite pas à offenser autrui et à répandre haine et méchanceté, ce film ne se contente pas de nous transmettre l’amertume vécue par tous ceux qui sont différents, tous ceux que la vie a sculptés d’une manière exceptionnelle et tous ceux que la volonté divine a masqué derrière une apparence atypique. Il va au-delà de cette aigreur pour nous affirmer qu’en dépit de tout ça, le bonheur demeure une philosophie de vie et de volonté et non une reddition à un destin déjà tracé. Serions-nous un jour à l’abri des jugements ? J’en doute fort.
La charité et le futur métier de l’auteure imposent de serrer les dents et garder le silence!
Quel merveilleuse critique, merci Nour, de nous donner envie d’aller voir ce film,
et sauf le respect du lecteur, que les “pisse vinaigre” aillent se faire soigner …