Dès l’annonce du confinement général impliquant les arrêts des cours dans tous les établissements éducatifs publics et privés et la prise en compte des deux premiers trimestres pour les modalités de passage d’une année à une autre, le bureau national de l’enseignement privé a fustigé cette décision considérée comme « nocive pour les établissements privés mais aussi pour les élèves », selon les termes de sa représentante Aicha Saïd. « Nous prenons en charge 200 mille élèves donc 200 mille familles qui sont à la recherche d’un enseignement de qualité (….). Cette décision sape la qualité de l’enseignement privé », a-t-elle ajouté. Par ailleurs, Saïda souligné le danger d’un « effondrement de ce secteur qui emploie 50 milles employés entre enseignants et administratifs ».
Ils ne lâchent rien ou presque
Des soucis financiers qui ont poussé la Chambre nationale de l’enseignement privé relevant de l’UTICA à appeler les parents d’élèves inscrits dans des établissements privés de payer la tranche du troisième trimestre tout en permettant des arrangements en fonction des degrés de difficultés des parents à le faire. Présidente de la Chambre nationale de l’enseignement privé, Latifa Boughattas, a indiqué sur les ondes de Mosaïque Fm, que « certains établissements ont décidé de consentir à des réductions de 20 à 30% pour maintenir un équilibre financier tout en prenant en considération la situation des parents. Il y a aussi des parents qui ont accepté la troisième tranche comme prévu », se félicite-t-elle.
Contactée par Nawaat, Boughattas nous confie : «On n’était pas contre l’arrêt des cours lors de l’apogée de la crise sanitaire mais on aurait pu reprendre en mai. On est bien outillé pour organiser une reprise respectant les règles de distanciation et d’hygiène d’autant plus que nos classes ne sont pas surchargées. Ça n’a pas été fait. Beaucoup d’établissements n’ont pas de quoi couvrir les charges salariales et d’entretien des mois d’arrêt de cours qui s’ajoutent à ceux de l’été ». Selon la représentante de Chambre nationale de l’enseignement privé, le nombre des établissements privés a augmenté de 250% lors des sept dernières années atteignant environ 1000 institutions. Quant au nombre d’élèves, il a dépassé les 200 milles entre primaire et secondaire.
Pressions sur les parents, précarisation des établissements
Le paiement de la troisième tranche a suscité des polémiques sur les réseaux sociaux. Les parents d’élèves contestent les pressions exercées par les établissements. Ils s’indignent contre les menaces de ne pas inscrire leurs enfants lors de la prochaine année scolaire. Ces agissements ont été qualifiés de « dépassements » et de « harcèlement » par le bureau exécutif de la Confédération générale tunisienne du travail (CGTT) qui a appelé le ministère de l’éducation à prendre les mesures nécessaires pour y faire face afin de jouer son rôle de régulateur du secteur.
Le chargé des affaires juridiques au ministère de l’Education est intervenu, le 8 mai, sur Shems Fm, en menaçant les institutions d’enseignement privéed’aller jusqu’à retirer leurs autorisations d’exercer si elles obligent les parents à payer la troisième tranche, étant donné que le paiement suppose l’accomplissement du service. Cette déclaration a galvanisé certains parents refusant de procéder au paiement de la troisième tranche, explique Mourad Ghalleb, directeur des établissements L’idéale.
L’enseignement en ligne comme compromis
«Il n’y avait pas un refus massif de paiement de la troisième tranche pour la simple raison qu’on a assuré convenablement l’enseignement en ligne pour tous les niveaux, du primaire au baccalauréat en utilisant une application fiable permettant un suivi strict des élèves », avance-t-il. Et de poursuivre : « Les parents satisfaits de la qualité de l’enseignement dispensé n’ont pas contesté dans leur majorité le paiement de la troisième tranche ». Mourad Ghalleb explique que le respect des termes du contrat pédagogique et financier avec les parents lui a permis de dépasser la crise. A ses dires, il n’a licencié aucun des 600 employés de ses établissements.
Pour le directeur de l’établissement Al Andalous (Sfax), Hatem Kaabi, « il y a quelques chamboulements dans le paiement de la troisième tranche. Certains parents l’ont fait, d’autres pas totalement », regrette-t-il, en assurant qu’aucune pression n’a été exercée sur les parents à ce sujet. Dispensant un enseignement de la 7ème année au baccalauréat, l’établissement a aussi recouru à une application pour assurer la continuité des cours mais seulement pour les élèves de la 9ème année et du baccalauréat. « Une minorité d’élèves n’a pas suivi ces cours faute d’avoir une connexion internet », souligne-t-il. Des cours de rattrapage sont prévus pour les autres niveaux en septembre prochain.
La situation des établissements dépend de leur capacité à assurer les cours en ligne. « Certains établissements ont déjà investi dans l’enseignement en ligne et ont eu les moyens de continuer les cours. Par conséquent, le degré de la crise diffère d’un établissement à un autre et en fonction de la coopération des parents », déplore Latifa Boughattas. Selon la présidente de la Chambre nationale de l’enseignement privé, les demandes de paiement contestées sur les réseaux sociaux concernent les mois précédant le confinement, c’est-à-dire janvier, février et mars.« Dès le début de confinement, on a fait face au refus des parents de payer leurs anciennes dettes et par ricochet celles d’avril, mai et juin avec l’intention de ne jamais payer », regrette-t-elle.
L’Etat menace mais ne régule pas
La représentante de la Chambre nationale de l’enseignement privé évoque la situation précaire des 50 milles employés des établissements privés : « Rares sont ceux qui ont pu bénéficier de l’allocation de chômage technique », avance-t-elle. Elle espère une concertation prochaine avec le ministère de l’Education pour une reprise des cours en juin «afin de sauver le désastre financier des mois précédents », dit-elle.
« Nous contribuons à prendre en charge une un nombre d’élèves en croissance continue. Nous faisons partie du système. Hélas, l’Etat nous a ignorés et n’a pas pris en compte le fait que nous reposons sur un système économique pour assurer notre mission pédagogique. Nous devons clore cette année scolaire en tenant les conseils de classe et en émettant les bulletins scolaires, mais avec quels moyens ?! », s’indigne-t-elle avant d’ajouter : « Si la polémique s’est tassée, c’est parce que nous avons arrêté de demander le paiement. On verra comment l’Etat compte remédier à cette crise».
Après avoir déclaré que les relations contractuelles financières entre institutions privées et parents d’élèves ne font pas partie des prérogatives du ministère, le ministre de l’Education s’est montré plus impliqué en assurant que l’Etat a joué son rôle de régulateur et s’est montré compréhensif de la fragilité du modèle économique de établissements privés. Il a également affirmé : « si le contrat financier liant les parents aux institutions privées devient un moyen de pression sur les élèves, des mesures coercitives sont prévues allant jusqu’à la suppression des autorisations».
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