La 3ème vague du Covid-19 est bien installée en Tunisie. Après une baisse des cas de contaminations enregistrée en début du mois de février, l’épidémie est de nouveau très virulente avec l’apparition du variant britannique du Covid-19. D’après le dernier bilan du ministère de la Santé, pour la seule journée du 7 avril, la Tunisie a enregistré 1833 nouvelles contaminations sur 7364 tests effectués. Le nombre de décès a atteint 49 le même jour. Parmi les personnes contaminées, 1844 ont été hospitalisées. Parmi elles, 117 ont été placées sous respirateurs artificiels et 388 ont été admises en soins intensifs. Le ministère de la Santé signale 133 hospitalisations supplémentaires en 24h aussi bien dans les structures de santé publiques que privées.
Ces chiffres alarmants marquent un nouveau tournant dans la propagation de cette épidémie. La mutation du coronavirus est derrière le rebond de sa dangerosité, explique à Nawaat, Hechmi Louzir, le directeur général de l’institut Pasteur et membre du conseil scientifique de lutte contre le Covid-19. D’après lui, les prémisses d’une 3ème vague ont surgi fin février avec l’apparition du variant britannique en Tunisie. Entre temps, il y a eu une baisse des infections due, selon Louzir, aux mesures sanitaires et l’instauration du couvre-feu à 20h. Mais cette légère trêve n’était que passagère. «Il faut savoir que les épidémies connaissent des vagues : il y a une alternance entre des périodes de pic et des périodes d’accalmie ».
Retard de la vaccination
Néphrologue et présidente de l’ONG tunisienne spécialisée dans le domaine de la santé, Carthage Health Association, Khouloud Manaii estime que cette 3ème vague était inéluctable. «Bien que certains pays européens ont pris des mesures plus strictes que nous, cela n’a pas empêché sa survenue», a-t-elle affirmé à Nawaat. Et de nuancer : «On aurait pu avoir un nombre moins élevé de contaminations si les autorités n’avaient pas permis l’organisation de manifestations publiques. Il y a eu aussi un moment relâchement compréhensible de la population, qui vit sous tension depuis une année. Il est difficile de maintenir une certaine discipline durant longtemps. Mais au niveau de la communication gouvernementale, il fallait pouvoir raviver la vigilance et l’intérêt», souligne-t-elle.
Par ailleurs, Docteur Manaii relève le retard de la campagne de vaccination. « Il y a eu un retard dans la vaccination par rapport à d’autres pays, notamment en ce qui concerne le personnel soignant. Si ces derniers avaient reçu leur deuxième dose il y a un mois, ils seraient davantage protégés et auraient moins tendance à propager la maladie. Les soignants sont ainsi toujours à risque comme dans la première et deuxième vague», regrette-t-elle.
Cette contagiosité du Covid-19 est d’autant plus virulente avec la variant britannique. « La particularité de ce variant, ayant remplacé l’ancienne souche, est qu’ils est plus dangereux. Ceci se manifeste par le nombre de contaminations journalières, des décès mais aussi la pression que subissent les hôpitaux pour la prise en charge des patients », explique Hechmi Louzir. Et d’ajouter : «Ce variant cause des symptômes plus sévères. Il y a toujours des expressions cliniques variables où on est face à des personnes asymptomatiques, des cas légers qui s’apparentent à une grippe et des cas plus compliqués présentant une détresse respiratoire nécessitant une hospitalisation. Avec le variant britannique, les cas les plus compliqués sont plus importants ».
Structures sanitaires saturées ?
La dangerosité du virus se manifeste dans la saturation de la capacité d’accueil des structures sanitaires. Le ministère de la Santé avance que le taux d’occupation des lits de réanimation a atteint 80% des places disponibles. Concernant les lits d’oxygène, 50% sont occupés. Cette tension s’accentuera face à la propagation actuelle du virus, prédit le ministère. Hechmi Louzir se montre plus rassurant sur cet aspect. « La capacité d’accueil des établissements hospitaliers est variable. Certaines structures sont saturées et il n’y a plus de lits de réanimation. D’autres un peu moins. Afin d’assurer une prise en charge adéquate pour tous, il y a une application au sein du ministère de la Santé qui gère, en temps réel, la capacité d’accueil de chaque établissement et oriente les patients en fonction des places disponibles. On n’a pas encore atteint le seuil de 100% de saturation à l’échelle nationale. Toutefois, il faut faire en sorte de ne pas arriver à ce stade », renchérit-il.
Pour la présidente de Carthage Health Association, cette saturation des structures sanitaires était prévisible. «On ne voit pas de réelles différences entre la première vague et celle-ci. Certes, le ministère de la Santé a essayé de fournir plus de matériels et plus de lits, mais pas assez pour répondre au besoin actuel. Il faut ainsi continuer à chercher des financements pour les services en première ligne dans la prise en charge du Covid afin optimiser leur efficacité », plaide-t-elle. Et de reprendre aussitôt : « Toutefois, tant que le nombre de contaminations continue de grimper, on n’arrivera jamais à avoir un nombre de lits suffisants ».
Hechmi Louzir comme Khouloud Mannai prédisent d’autres vagues. « On peut s’attendre à d’autres vagues parce que le virus est en train de muter et il est encore plus contagieux. Malgré la chaleur, sa virulence est intacte, contrairement aux attentes de certains. Donc il ne faut pas compter sur cet élément », précise la néphrologue. Pour le président de l’Institut Pasteur, « d’autres crises suivront tant que l’immunité collective n’a pas été atteinte. Cette immunité s’acquiert par le taux de personnes infectées devenues résistantes au Covid-19 et par la vaccination du plus grand nombre ».
Pour les deux spécialistes, pour espérer moins de dégâts dus au Covid-19, il faut favoriser la prévention. Tout en écartant la possibilité de l’instauration d’un confinement général, Hechmi Louzir envisage l’option de confinements ciblés, qui s’ajoutent à d’autres mesures préventives.
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