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André Malraux : Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas,

Nous y sommes ? 

La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024 s’est tenue le vendredi 26 juillet 2024. Elle a duré plus de trois heures. Considérée comme étant une grande réussite pour les uns, elle a été critiquée par d’autres en raison de certains spectacles qui ont été jugés transgressifs.

La Cène :

Un des moments les plus controversés de cette cérémonie fut la parodie de La Cène de Léonard de Vinci. Dans cette représentation, les apôtres étaient remplacés par des drag-queens en tenues provocantes, avec Philippe Katerine, peint en bleu et quasiment nu, au centre de la table symbolisant le Christ. Cette interprétation audacieuse a été perçue comme blasphématoire par de nombreux croyants de différentes religions, entraînant une vague d’indignation. La scène n’a pas seulement provoqué des réactions en France. Des séquences de la cérémonie ont été censurées en Algérie, au Maroc et aux États-Unis. En Australie et en Chine, des images montrent des spectateurs choqués, soulignant que l’impact culturel de la performance a été mal reçu dans de nombreux pays.

75 secondes.fr

La division et la rupture du consensus, qui était la règle dans ce genre de manifestations ont été causées par certaines séquences.

Y a-t-il eu des transgressions alors qu’il s’agissait d’une fête officielle sportive ?

Les plus critiques disent même que ce fut la séquence du XIème arrondissement de Paris, faisant allusion à des quartiers LGBT de la capitale dans lesquels se concentre un grand nombre d’artistes et de créateurs issus des minorités sexuelles. D’autres y ont vu l’expression du Wokisme, du néo marxisme et de l’extrême gauche en action.

Les réactions :

Jean Luc Mélenchon leader de l’extrême gauche anti cléricale a pris position : “Je n’ai pas aimé la moquerie sur la Cène chrétienne, dernier repas du Christ et de ses disciples, fondatrice du culte dominical” a-t-il fait savoir, se refusant pour autant d’entrer “dans la critique du « blasphème. ». L’express.

« La Conférence des évêques de France (CEF) a déploré samedi « des scènes de dérision et de moquerie du christianisme » lors de la cérémonie d’ouverture, comprenant aussi, à leurs yeux, de « merveilleux moments ». Sud Ouest.

Le plus virulent est sans doute l’ancien ministre conservateur Philippe de Villiers qui a qualifié la scène “d’infamie” et qualifie l’ensemble de la cérémonie d’ouverture de “honte”. La dépêche.

«C’est extrêmement irrespectueux envers les chrétiens” : Elon Musk scandalisé par la cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024 ». Midi libre.

 « Certaines parties du spectacle étaient une reconstitution de la dernière Cène de Jésus et de ses apôtres devant un défilé de mode était « inutilement provocante ». Le Figaro.

“Ce n’était pas mon inspiration”, s’est défendu ce dimanche le directeur artistique de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques ».TF1 info.

« L’auteur-compositeur français Philippe Katerine s’est excusé auprès des « Chrétiens du monde » qui auraient été offensés par sa performance à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, lors d’une entrevue avec CNN. » Journal du Québec.

Ainsi les milieux politiques, religieux, économiques et culturels ont réagi publiquement contre les séquences jugées blasphématoires et choquantes.

La décision du CIO : « Face à la montée des protestations, le Comité International Olympique (CIO) a pris une décision drastique pour tenter de calmer la polémique. La rediffusion de la cérémonie, initialement publiée sur YouTube, a été rapidement retirée de la plateforme. » 75 secondes.

Deux poids, deux mesures ?

La Cène « L’ultima Cena » peinture murale de Léonard de Vinci réalisé de 1495 à 1498 – Santa Maria delle Grazie, Milan

On peut constater que les images qui ont fait polémique n’ont pas représenté un prophète en l’occurrence, Jésus, ni un livre sacré, le nouveau ou l’ancien testament. Il n’a été question que d’inspirations et de parodies artistiques. Et pourtant ces images ont été considérées comme étant blasphématoires et certains auteurs se sont excusés.

Cela se passe en France et pour mieux comprendre, nous sommes obligés de comparer et pour cela la mémoire est utile. Si nos souvenirs sont bons, le dernier grand acte qui a été considéré comme étant un blasphème remonterait aux caricatures anti musulmanes de Charlie Hebdo.

Qu’en est -il lorsqu’il est question du Coran, du prophète Muhammad et des Musulmans ?

« L’affaire des caricatures de Mahomet correspond à douze dessins satiriques publiés initialement par le quotidien danois Jyllands-Posten le 30 septembre 2005, puis repris par Charlie Hebdo en 2006. Ces caricatures montraient le prophète Mahomet portant une bombe en guise de turban, ou encore armé d’un couteau flanqué de deux femmes voilées de noir. » INA.fr.

« Le procès contre Charlie Hebdo, intenté par des organisations musulmanes en raison de la publication de caricatures de Mahomet en 2006, s’ouvre le 7 février 2007 devant le tribunal correctionnel de Paris. Philippe Val, Élisabeth Badinter et François Hollande, Abdallah Zerki et Francis Szpiner sont interviewés. »(…)« Le 7 février 2006, le tribunal de grande instance de Paris déboute pour vice de forme les organisations musulmanes qui demandaient l’interdiction de la parution d’un numéro de Charlie Hebdo comportant des caricatures de Mahomet. » Lumni enseignement.

Septembre 2020 : « Nous ne nous coucherons jamais. Nous ne renoncerons jamais », justifie le directeur de Charlie Hebdo, Riss, dans le numéro dont la couverture reprend ces caricatures, en kiosques mercredi et accessible en ligne mardi à midi. « La haine qui nous a frappés est toujours là et, depuis 2015, elle a pris le temps de muer, de changer d’aspect pour passer inaperçue et poursuivre sans bruit sa croisade impitoyable », assure Riss. Le Point.

« Droit au blasphème, caricatures, liberté d’expression… Les Français sont ils encore « Charlie » ?

A l’occasion de l’ouverture du procès des attentats de janvier 2015, Charlie Hebdo a commandé à l’Ifop une grande enquête afin de mieux cerner l’état de l’opinion sur les combats menés par le journal satirique ces dernières années (ex : liberté d’expression, critique des religions, primauté des valeurs républicaines sur les préceptes religieux…) mais aussi le regard que les Français de diverses confessions portent sur les auteurs de la tuerie qui décima alors sa rédaction. » IFOP. (…)

« États-Unis : des écrivains protestent contre la remise d’un prix à “Charlie Hebdo.»

Six célèbres romanciers se sont retirés du gala d’une société littéraire américaine. Ils protestent contre son choix d’attribuer une récompense pour la liberté d’expression au magazine satirique français “Charlie Hebdo”. (…) Ces six absences seront remarquées. Les écrivains Peter Carey, Michael Ondaatje, Francine Prose, Teju Cole, Rachel Kushner et Taiye Selasi ne participeront pas au gala annuel du PEN American Center, qui doit se tenir le 5 mai, a révélé le “New York Times” dimanche. La raison : ils s’opposent au choix de cette institution de remettre à “Charlie Hebdo” un prix pour la liberté d’expression. (…)”Tout cela a été aggravé par l’apparent aveuglement du PEN vis-à-vis de l’arrogance culturelle de la France, qui ne respecte pas son devoir moral à l’égard d’une grande partie de sa population”. France 24.

Conclusion :

L’attentat contre Charlie Hebdo est condamnable. On ne combat pas par la violence une idée quelle que soit sa nature. La vie culturelle française est habituée à la critique de l’institution religieuse. Et pourtant, la cérémonie des JO a démontré qu’il y a des limites à ne pas franchir.

Chez les Musulmans partout dans le monde, le prophète Muhammad et sa représentation sont sacrés. De plus, ces derniers vivent déjà dans le ressentiment anti-occidental.

Il faut dire qu’ils ont subi et subissent encore toutes sortes d’agressions : politiques, militaires, économiques et culturelles. A travers les caricatures, des occidentaux se sont attaqués à leur dernier bastion, le plus intime : leurs croyances religieuses. Or c’est une ligne rouge. Pour les plus nantis comme pour les plus démunis d’entre eux, c’est le dernier refuge, c’est tout ce qui leur reste, vu qu’ils ont perdu sur tous les fronts.

Au final, nous sommes face à deux actes d’atteinte au sacré :

  1. Dans les JO à Paris, c’est le récit judéo chrétien qui a été considéré comme étant moqué.  
  2. A travers les carricatures publiées par Charlie Hebdo à Paris, c’est le prophète des musulmans qui a été profané.

La question est la suivante :

1 – Pourquoi y a t-il eu une quasi-unanimité dans la condamnation des scènes visant le christianisme ?

2 – Pourquoi y a t-il une légitimation du blasphème lorsqu’il a été question d’Islam et des Musulmans ?

Enfin, jusqu’où iront-ils, vu qu’ils en sont à légitimer l’islamophobie et l’arabophobie, ceux qui déclarent publiquement être islamophobes et arabophobes ? On a même entendu une personne connue dire sur France Inter :

« Il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe.»

Rappelons qu’en France, le racisme n’est pas une opinion mais un délit.

Mahmoud Gabsi. Sociologue. Tunis.