L’obligation de quitter le territoire français (OQTF), comme le visa font partie des procédures de la législation qui régit le séjour des étrangers en France. Récemment, avec l’expulsion de « l’influenceur » algérien Doualemn mais que l’Algérie a refusé d’accueillir, un nouveau pallier a été franchi. Les Français parlent d’humiliation, de ripostes, voire de sanctions. Les Algériens, eux, évoquent une application du droit, « une expulsion arbitraire » et pointent du doigt une « extrême droite haineuse ». L’activiste est âgé de 59 ans. Marié à une française et père de 2 enfants, il vit en France depuis 36 ans et dispose d’un titre de séjour depuis 15 ans. Il a été expulsé sans passer devant un juge. L’Algérie a fait obstruction à cette procédure. Et pendant ce temps, l’arrestation de Boualem Sansal plane sur les consciences.
Ces incidents se sont déroulés alors que le mécontentement, voire la colère des Maghrébins grandit par rapport au durcissement des conditions de délivrance des visas pour entrer en France. Si l’Algérie a réagi en 1986 par la réciprocité immédiate en imposant aux Français un visa d’entrée, la Tunisie et le Maroc sont encore dans le statu quo. Mais les conséquences de la multiplication des obstacles actuels ne resteront pas sans effet. La colère issue de l’entrée des Français sans visa est perceptible dans toutes les conversations. Les uns la considèrent comme la perpétuation d’une injustice coloniale historique, d’autres se sentent humiliés rien qu’en pensant à leur voyage. Et vu le vent nationaliste qui souffle sur l’Afrique, comment les autorités tunisiennes et marocaines vont-elles réagir ?
« Anadolu Agency », un organe d’information du gouvernement turc, a publié un article intitulé « Au Maroc, des internautes appellent à imposer le visa aux Français ». Il y est décrit comment des internautes et des intellectuels marocains ont lancé la campagne sur les réseaux sociaux en vue de dénoncer l’attitude hostile de la France à l’égard de leur pays.
Législation
Selon le site Service public.fr, la décision d’éloignement ou d’obligation de quitter le territoire français est prise par le préfet, notamment en cas de refus de délivrance de titre de séjour régulier. C’est la situation d’un étranger qui ne possède pas les documents l’autorisant à rester en France. L’individu concerné par la décision est obligé de quitter le territoire par ses propres moyens dans un délai de 30 jours. Dans des situations limitées, elle peut aussi l’obliger à quitter sans délai. Un recours est possible.
La décision doit être argumentée sur le fond, c’est-à-dire exposer les fondements de la décision en droit et dans les faits. La motivation n’est toutefois pas nécessaire en cas de refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait du titre de séjour. La décision fixe également le pays du renvoi. Si le départ volontaire ne s’est pas effectué dans le délai fixé et par ses propres moyens, l’étranger est placé en centre de rétention ou assigné à résidence, une interdiction de retour en France (IRTF) lui est notifiée et c’est l’administration française qui organisera alors son départ.
L’éloignement se fait vers l’une des destinations suivantes :
- Le pays d’origine (sauf si la vie ou la liberté y sont menacées ou au risque d’exposition à la torture, à des peines ou traitements inhumains ou dégradants).
- Le dernier pays qui a délivré un document de voyage en cours de validité.
- Autre pays dans lequel l’étranger est légalement admis.
Tensions entre Alger et Paris
Le magazine marocain « Tel Quel » rappelle que les OQTF sont une pierre d’achoppement régulier entre la France et ses partenaires au Maghreb, qui rechignent souvent à délivrer des laissez-passer consulaires pour faciliter le rapatriement dans le pays d’origine. « Dans de nombreux cas, les démarches tardent, notamment à cause des vérifications longues et minutieuses sur l’identité des individus ».
D’après « Europe1 », alors que les tensions entre Alger et Paris sont croissantes, l’Algérie refuse de récupérer la plupart de ses ressortissants sous OQTF. Déjà en novembre dernier, le ministre français de l’Intérieur menaçait de dénoncer l’accord de 1968 sur le séjour des Algériens en France. Ce dit accord a été renégocié 3 fois dans le passé, qu’en reste-t-il ?
« RTL » a évoqué la situation des influenceurs algériens qui sont accusés par les autorités françaises d’apologie du terrorisme. L’article précise que La France ne peut pas interdire à l’un de ses ressortissants de revenir dans son pays. Ce droit est garanti également en Algérie, sauf exception, ce qui est le cas en matière de terrorisme ou pour la criminalité organisée. Un arrêté d’expulsion est une mesure à ne pas confondre avec une obligation de quitter le territoire français, une OQTF. Ce sujet nourrit les tensions entre Paris et Alger. Les laissez-passer consulaires sont un sujet de négociations, voire de marchandages entre les pays du Maghreb et la France.
Le « Figaro » international a écrit que le nouveau ministre de l’Intérieur français souhaite notamment conditionner la politique de visas à la délivrance des laissez-passer consulaires, documents indispensables pour renvoyer des étrangers dans leur pays d’origine.
Pressions de l’extrême droite française
Le site algérien « TSA » note que la presse maghrébine s’est également saisie du sujet. « Des voix s’élèvent en France pour réclamer l’application des mesures chères à l’extrême droite, soit la suspension des visas ou encore des transferts de fonds ». L’immigration et sa confusion avec l’insécurité ont toujours été les sujets de base des identitaires xénophobes et racistes.
D’après un article de « TSA », une ressortissante algérienne, privée de titre de séjour et frappée d’une OQTF sans motif valable, a fait revenir la préfecture Seine-Saint-Denis sur sa décision, désormais obligée par le tribunal administratif de réexaminer sa demande et de lui délivrer un document provisoire de séjour. Cette ressortissante algérienne, née en 2005 en Algérie, est arrivée en France en 2016 avec toute sa famille. Ses parents séjournaient déjà régulièrement sur le territoire français. Dans son jugement, le juge des référés a statué que la décision de refus de délivrance du titre de séjour était suspendue. Il a également obligé le préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de délivrance d’un titre de séjour de la ressortissante algérienne et de lui délivrer, en attendant, un document provisoire de séjour.
Les médias Fake News ainsi que la fachosphère française « assomment » le grand public par l’emploi de l’OQTF. Symboliquement et au fur et à mesure que l’extrême droite accapare tous les pouvoirs, le mot est presque devenu l’épée de Damoclès suspendue sur la tête des étrangers. La banalisation du mot intrigue. Il est souvent prononcé par des journalistes et des politiques comme une menace, ou bien comme une punition qui fait plaisir à celui qui la prononce.
Les individus « sous » OQTF sont les nouveaux pestiférés de l’Europe blanche. Or ils n’ont commis aucun crime. Ils sont les victimes d’un ordre mondial dans lequel ils n’ont pas de place. Chez eux, ils subissent la prédation des oligarchies rentières. Et lorsqu’ils débarquent en Europe, ils se retrouvent traqués comme du gibier par les employeurs clandestins, les marchands de sommeil et une administration qui se mobilise quand elle veut…
Puisque nous sommes sur le terrain fallacieux de l’identité, en France, la majorité des reporters, des chroniqueurs, des « essayistes » et des politiques qui diffusent les idées de l’extrême droite n’ont pas une seule goutte de sang français. Beaucoup ne sont même pas catholiques. Comment la France se laisse-t-elle entraîner dans des discours qui vont contre ses intérêts, intérieurs, mais surtout extérieurs ?
Il existe un hit-parade inversé. C’est celui des touristes les plus détestés dans le monde. Selon le portail internet allemand des statistiques « Statista », les Français y tiennent la 3ème position. Les raisons : ils se croient chez eux partout, tutoient sans discernement, radins et toujours mécontents, ils attirent l’antipathie de leurs hôtes.
Le site spécialisé dans les statistiques mentionne que la première place est occupée par les Anglais qui sont suivis des Allemands. Il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour constater que deux pays ont un lugubre passé colonial, tandis que les Allemands qui en ont été privés, ont comblé leur retard par le nazisme qui a fait la fête aux Européens chez eux.
Et si la fachosphère multi ethnique qui sème à longueur de journée la haine et le mépris envers les étrangers arabes et noirs était à la source des mauvais comportements des Français à l’étranger ? A voir et à entendre ce qui se dit sur France 24, TV5, CNEWS, BFMTV, LCI et consorts, on s’interroge : qui souhaite entrer en contact avec un Français à l’étranger ? La France si diverse et qui a un passé révolutionnaire remarquable mérite-t-elle des médias aussi destructeurs de l’image de l’autre et aussi menteurs ?
Les récents débats houleux à l’assemblée nationale ont fait ressortir les liens entre OAS, pieds noirs des deux confessions, et le rassemblement national. Ce parti aurait des liens avec ces mouvances racistes et xénophobes. Vers où l’oligarchie médiatique est-elle en train de mener ce pays ? Certains pensent à la guerre civile.
Les riches ne sont pas concernés
Selon “Nov Law”, pour obtenir la résidence permanente en France, un investissement minimum de 300000 euros est requis pour avoir la carte investisseur, appelée aussi passeport talent qui facilite la résidence permanente. Ce processus peut aboutir au bout de 5 ans de séjour à la citoyenneté française.
Classé 3ème passeport le plus « puissant » du monde, avec 192 pays sans visas et 30 avec visa, c’est ce même pays, la France, dont les ressortissants peuvent sauter dans un avion d’une minute à l’autre, à des prix dérisoires, qui durcit les visas pour les citoyens du Maghreb qui est situé pour le meilleur et pour le pire, à 400 km de ses frontières. Le Maghreb a été pillé et appauvri par la colonisation française pendant plus d’un siècle. D’où la question : pour quand un BRICS sans visas dans lequel le Grand Sud se déplacera chez lui sans entraves ?
Toujours dans cette logique de : « pas de visas pour les riches », il existe un marché mondial de la citoyenneté. Le Vanuatu vend son passeport pour 100000 $ et le délai d’obtention est d’un mois. L’obligation du séjour n’y est pas demandée. Il donne accès à tous les pays du Commonwealth, à 90 pays sans visa et à 56 autres avec visas automatique à l’arrivée à l’aéroport. C’est le même prix qui est demandé par la république dominicaine. Le Portugal vend le sien pour 384000$, l’Espagne : 500000$, les USA : 900000$, le Royaume Uni : 2,5 millions de $… Et la liste est très longue. Certaines demandes peuvent se faire par internet. Une certitude, face à l’argent, l’administration et les États, si agressifs avec les pauvres deviennent des facilitateurs du séjour et de la citoyenneté. Pour circuler librement dans ce monde, il faut être riche.
Triste réalité maghrébine
Le « Journal du Dimanche » a écrit : un document est passé quelque peu inaperçu. Et pourtant, il en dit beaucoup sur le nombre et le profil des étrangers visés par une obligation de quitter le territoire français (OQTF). C’est un rapport parlementaire rédigé par une députée Renaissance et rendu le 16 octobre. Il se focalise sur le cas des « étrangers ressortissants du Maghreb ». Ainsi, en 2023, parmi les 137 730 étrangers de toutes nationalités visées par une OQTF, plus d’un tiers sont originaires du Maghreb. Plus précisément, 47 535 Maghrébins soit 34% du total en France. Ce rapport fait le parallèle avec les chiffres dans tout le reste de l’Europe. Ainsi, en Union européenne, 484 160 personnes étaient potentiellement expulsables. Parmi eux, 22% étaient originaires du Maghreb. Ce rapport illustre la difficulté d’éloigner les clandestins des pays où ils se trouvent. Car si en UE ils sont plus de 91 000 à avoir été expulsés (19%), en France, ils ne sont qu’un peu plus de 10 600 à avoir quitté le territoire (7,6%).
Cette décision administrative qui relève somme toute d’un Etat souverain est révélatrice des relations que l’ancienne puissance militaire entretient avec ses anciennes colonies. L’OQTF n’est qu’un fragment de ce qui sépare la France du Maghreb.
La manière avec laquelle, les Maghrébins en situation irrégulière sont traités trahit aussi et surtout tout un contexte nord-africain marqué par les déséquilibres et l’arriération. En plus des revers diplomatiques, l’échec des 3 pays à offrir à une large partie de leur population une vie décente se reflète aussi au niveau politique, économique, culturel et social.
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