Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Lens est un court-métrage surréaliste qui explore le processus de deuil à travers le ressenti plutôt que la rationalisation. Situé dans une galerie d’art, le récit suit une jeune femme, Rawan, et son ami Trey, qui deviennent captivés par une figure peinte, mystérieuse et troublante. À mesure que l’interaction de Rawan avec la peinture se développe, elle se transforme en une expérience psychologique. Le lien entre les deux personnages ouvre un espace introspectif, presque surnaturel, où le deuil se vit plus qu’il ne se raconte.

Écrit et réalisé par DeVon Moore, Lens adopte un ton discret, accompagné d’une palette de couleurs sourdes : bleu profond, noir, et tons terreux, souvent associés au deuil. Le film expérimente avec le silence, la répétition et le symbolisme visuel pour guider personnages et spectateurs à travers le récit. Façonné par le son et l’espace, le film plonge dans le surréalisme grâce à une série de coupes brutales qui introduisent l’histoire par vagues, obligeant le spectateur à ressentir pleinement l’instant et l’élan qu’il provoque.

Le film est porté par l’actrice tuniso-américaine Dawnyes Rezgui, qui incarne Rawan. Le prénom Rawan signifie apparemment « rivière » en arabe, ce qui pourrait faire écho à l’épiphanie du personnage survenant au bord de l’eau. Rawan inscrit en filigrane son héritage tunisien dans la narration à travers les choix de costume et les dialogues. Au sommet du film, on la voit transformée, pieds nus dans une rivière, vêtue d’une jebba noire et dorée, tandis que sa voix murmure doucement en arrière-plan : maktoub — « c’est écrit ». Ce moment culminant semble intime et ancestral, reliant la compréhension du deuil, du destin et du regard hérité.

Tout au long du film, la peinture agit à la fois comme sujet et comme portail métaphysique permettant à Rawan d’accéder à une partie isolée de son esprit. Réalisée par Shahed Ibrahem, une artiste syrienne basée à Dubaï, l’œuvre reflète le moment d’épiphanie de Rawan : une silhouette ombragée au sourire énigmatique, entourée de vagues tourbillonnantes. La voix de la peinture est incarnée par Iheb Mahmoud, acteur tunisien, et Amen Allah Arbi, qui narrent en arabe un poème sur le deuil et ses sensations intimes. Ce poème, disséminé tout au long du film, renforce le lien croissant entre Rawan et la peinture. Bien que récitée en arabe, la narration transcende la langue et évoque une union spirituelle entre deux mondes et deux sensibilités.

Lens n’est pas un film bruyant ; il avance en silence, laissant de la place à la réflexion intérieure. À travers l’image, le son, l’héritage et le talent, il dévoile les thèmes du deuil et du regard personnel, obligeant personnages et spectateurs à traverser ce deuil en le ressentant, plutôt qu’en le pensant.