Du 26 au 28 septembre dernier, le festival de Nawaat a une nouvelle fois prouvé son rôle essentiel dans la promotion d’une création artistique engagée et innovante. “Connecté(e)”, performance immersive de l’artiste Oumaima Bahri, se distingue par sa force émotionnelle et sa profondeur symbolique.

Sélectionnée dans le cadre d’Innawaation, un incubateur de projets porté par Nawaat, cette œuvre originale fait partie des cinq projets mis en lumière lors de cet événement.

“Connecté(e)” explore le thème universel de la connexion à travers le langage du corps, s’inspirant du rythme intrinsèque du système cardiovasculaire. Avec cette métaphore, Oumaima Bahri ne se contente pas de danser : elle devient un cœur battant, un réseau vivant, reliant le public entre lui et à elle, créant une expérience sensible et collective.

Une expérience immersive au cœur du souffle vital

Dès l’entrée dans la salle, l’ambiance feutrée et sobre installe le spectateur dans un état d’attention particulier, presque méditatif. Le temps qui précède la performance joue un rôle fondamental dans l’immersion. Comme un rituel sacré, les spectateurs sont invités à enfiler un tissu recouvrant leurs chaussures, un geste simple qui transforme le sol en un espace protégé, presque sacré.

Cet espace tampon permet un passage du monde extérieur au lieu de création, un moment pour quitter le quotidien et s’ouvrir à une autre réalité, plus sensible et intime. L’accueil du public devient ainsi un acte fondateur : il prépare à vivre pleinement l’expérience artistique, en ouvrant les sens et les émotions.

“Connecté(e)” explore le thème universel de la connexion à travers le langage du corps, s’inspirant du rythme intrinsèque du système cardiovasculaire. Nawaat photos. Ala Agrebi

Oumaima Bahri, au centre de cet espace, se présente d’abord repliée sur elle-même. Peu à peu, elle s’ouvre à son entourage, libère son corps : son bassin tourne en cercles amples, délimitant son territoire.

 Le silence s’installe, presque palpable. Puis, la danseuse se redresse, croise le regard de plusieurs spectateurs, les fixe longuement, mêlant intensité et douceur. Ce regard, à la fois perçant et bienveillant, devient le lien invisible qui unit la scène au public.

Au fil de la performance, elle avance entre les rangées, tend la main l’un, effleure les doigts d’une autre, capte ses émotions. Ce contact subtil est la clé d’un dialogue sans paroles. La danse devient langage, où chaque mouvement, chaque expression, chaque souffle porte un message émotionnel. Le public est invité à participer, à s’immerger dans ce réseau de sensations partagées, transformant la représentation en une expérience collective unique.

Pour certains, cette communion provoque une libération profonde : des larmes coulent, des sourires émergent, des étreintes silencieuses semblent naître dans les regards. La danseuse devient alors le réceptacle des émotions muettes, ces sentiments souvent tus ou refoulés. Sa danse, fluide et maîtrisée, parfois agitée, souvent en sueur, exprime une volonté de se libérer de ses propres contraintes, tout en accueillant celles des autres.

Danser l’interdépendance pour reconstruire le lien social

Au-delà de la dimension esthétique et sensorielle, “Connecté(e)” véhicule un message fort et nécessaire dans notre monde contemporain. En s’inspirant du système cardiovasculaire, Oumaima Bahri tisse un réseau symbolique qui rappelle l’interdépendance des êtres humains. Comme le cœur irrigue chaque organe et maintient la vie, nos relations sont au centre de notre humanité.

Cette métaphore vivante invite à repenser nos liens sociaux, à cultiver l’empathie et la solidarité dans une société souvent fragmentée. Le spectacle pose une réflexion sur la manière dont nous pouvons, collectivement, réassembler les morceaux éclatés d’un tissu social fragile, en réinstallant l’humain et ses émotions au cœur de nos existences.

La performance interroge aussi le rôle du spectateur dans le processus artistique. Chaque représentation est unique, car elle s’adapte aux émotions et réactions du public présent.

La danse devient langage, où chaque mouvement, chaque expression, chaque souffle porte un message émotionnel.Nawaatphotos . Ala Agrebi

Le spectateur n’est plus un simple observateur passif, mais un acteur à part entière, co-créateur d’une œuvre vivante. À travers cette interaction, la danse devient un langage muet mais communicatif, une conversation corporelle où les émotions circulent librement.

Ce langage du corps, puissant et universel, transcende les barrières culturelles et sociales. Il offre une forme d’expression directe, qui touche à l’essence même de notre condition humaine. L’émotion partagée devient un acte esthétique, mais aussi un acte de guérison et de reconnexion.

Dans un monde où les relations peuvent parfois sembler désincarnées, fragiles ou distantes, cette performance réhabilite le contact, la présence, l’attention à l’autre. Elle révèle la beauté des liens invisibles qui nous unissent, aussi subtils que vitaux, à commencer par le toucher.

La danse d’Oumaima Bahri est une invitation à cultiver dans nos vies quotidiennes cette capacité à se connecter, à écouter, à ressentir.

Le festival de Nawaat, en accueillant “Connecté(e)”, confirme son engagement à soutenir des formes artistiques innovantes, engagées et sensibles, qui questionnent et transforment notre regard sur le monde. Par cette œuvre, il offre une fenêtre ouverte sur une autre manière d’envisager la relation humaine : une relation qui bat au rythme d’un même cœur, fait d’émotions partagées et d’énergie collective.