Le jeudi 22 novembre, la diffusion prévue d’une interview avec Slim Chiboub, gendre du Président déchu Ben Ali, sur la chaine Attounissia, est annulée suite à la déposition du chargé du contentieux de l’Etat d’une ordonnance sur requête contre la chaîne tv. Son but était l’interdiction de la diffusion de l’entretien avec Slim Chiboub. En parallèle, la réaction du Chef du Gouvernement Hamadi Jebali sera des plus surprenantes. Ce dernier qualifie la diffusion de l’entretien “de plan machiavélique” et de “normalisation avec les figures de l’ancien régime et avec le crime”.

M. Fathi Layouni, le chargé de contentieux de l’Etat, représentatif donc du peuple tunisien, s’est ainsi octroyé le droit de censurer une émission télévisée parce que sa diffusion serait “à l’encontre des tendances de la révolution

Selon l’avocate à la Cour de Cassation Sonia Chaouach, ce qui s’est passé est inadmissible car

pour empêcher “quelque chose”, notamment la diffusion d’une émission, sous prétexte que cela puisse mener à un danger éminent, il faut tout d’abord respecter ce qu’on appelle “la procédure contradictoire”. Cela veut dire que les deux parties concernées (comme c’est le cas aujourd’hui de la justice face à la chaîne télé Ettounssia ) se défendent et argumentent leurs positions respectives.

Que cela se fasse de le part d’un seul camp et oblige le vis-à-vis qui ne s’est pas défendu d’exécuter l’ordre est contraire aux principes de droit.

En outre, le recours à une ordonnance sur requête se fait non pas pour interdire mais pour préserver un droit ou le protéger, cependant, le juge chargé des ordonnances la pourtant signée.

Le lendemain, 23 novembre, le directeur de la chaine Al Hiwar, Tahar Ben Hssine, défie les autorités en offrant la possibilité à Attounissia de passer l’interview sur sa chaîne, condamnant par là la tentative de censure et l’atteinte à la liberté d’expression. Coup de théâtre, une action en référé a été de suite déposée par le chargé du contentieux de l’Etat pour interdire la diffusion de l’interview non seulement sur la chaine Attounissia mais dans tous les médias. Quelques heures plus tard, vers 15h30, le tribunal de Première instance rejette le procès.

Selon l’avocate Ines Harrath, le chargé du contentieux peut opposer l’Etat à des organismes publics ou privés, ce qui veut dire que M.Layouni a opposé l’Etat en entier à la chaine Attounissia. D’après Mlle Harrath, le recours à une ordonnance sur requête était une grave erreur

On a pris les règles les plus élémentaires des procédures civiles et pénales et on les a foulé aux pieds

Ainsi, en l’absence d’une instance de régulation des médias, les problèmes de ce genre, censés être examinés par la HAICA, (Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle) auraient pu être résolus autrement selon M.Kamel Labidi, ex- Président de l’INRIC (l’Instance nationale de la réforme de l’information et de la communication). Certes, l’entrevue avec Slim Chiboub est passée sur la chaine Attounissia, et au-delà de la fausse problématique de ” d’apparition d’une figure de l’ancien régime dans les médias” à laquelle a eu recourt le gouvernement en place, la question de la liberté d’expression dépendra indéniablement de la nouvelle Constitution, des lois qui seront réformées et surtout de l’Instance de la HAICA qui n’a toujours pas été mise en place.