Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

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Une des préoccupations les plus urgentes à l’Université Tunisienne d’aujourd’hui est de repenser et de redéfinir le rôle de l’universitaire dans son institution mais aussi de réfléchir à sa manière d’agir de façon à ce qu’il accomplisse les tâches faisant réellement partie de ses prérogatives.
Quel rôle doit avoir un universitaire ?

• Est-il d’escalader les échelons et de s’occuper de sa carrière ? Si oui de quelle manière ?
• Est-il de se concentrer sur la recherche ? Si oui doit-il avoir une vision globale sur la recherche en Tunisie ? doit-il évaluer dans quel état est la recherche en Tunisie ?
• Est-il de s’occuper de l’encadrement ? Si oui dans quelles conditions ?
• Est-il de se concentrer uniquement sur l’enseignement ?

Sur toutes ces questions, à quel point l’universitaire est impliqué dans la réforme de son université ? De quelle manière doit-il le faire dans son université ? Pourquoi accepte-t-il de soumettre le sort de son université à une nomenklatura très réduite ? Quel importance doit avoir un universitaire pour servir de lien entre son institution, sa communauté et son entourage industriel et culturel ?

Ce sont des questions que je viens de soulever suite à des entretiens avec des directeurs de plusieurs « community colleges » aux USA. Tous insistant sur l’importance de l’évolution de l’universitaire dans un contexte communal et économique, tous insistent sur l’extrême importance de la transparence dans les recrutements et les concours. A leur contact j’ai commencé à réaliser quelques unes des raisons qui expliquent l’écart en années lumières séparant notre Université des leurs.

D’un autre côté, ils ont tous mis l’accent sur la nécessité de l’implication des universitaires et des instances de l’Université dans le processus de la transparence et du tissage des liens avec l’environnement, d’établir et d’encourager, voire même, de céder, des fois, aux exigences des milieux économiques. Je me demande si une telle chose est possible dans une structuration actuelle de l’Université Tunisienne. Savons-nous tous pourquoi nous sommes à ce stade de détérioration ? Comprenons –nous tous que le mode de scrutin actuel, le statut actuel des universitaires ne mèneront nulle part ?

La perversion du système universitaire actuel vient du fait des années dictatures ; elle vient également suite à l’incrustation d’une façon de faire de la part de la hiérarchie sans qu’il y ait la moindre présence de mécanismes de contrôle ni de suivi, ni de contre-pouvoir ; cette façon de faire a été cautionnée par les années dictatures à partir du moment ou cette hiérarchie a juré allégeance au système de la dictature ou du moins ne s’inscrivait pas dans la contestation. Cette perversion a fini par toucher la gouvernance ainsi que la gestion de l’Université Tunisienne.

Pire encore, cette perversion, héritée de la dictature, a touché le mental des Universitaires. Aujourd’hui, elle est d’une telle ampleur au point qu’elle a engendré, à mes yeux, deux types de complexes chez un bon nombre d’universitaires si je me réfère aux concepts avancés par le critique et le psychanalyste Octave Mannoni et définis en référence à la Tempête de William Shakespeare. Il s’agit du « complexe de Caliban » et celui de « Prospero ».

En effet, et toujours à mes yeux, le « complexe de Caliban » selon Mannoni affecte insidieusement le mental, en l’occurrence celui de certains universitaires dans le cas traité par notre article, et facilite une prédisposition de sa part à la soumission au point qu’il trouve anormal, voire suicidaire, d’observer ses semblables et de s’inscrire dans la contestation de la hiérarchie. Quant au « complexe de Prospero », il nourrit et renforce l’arrogance de l’oligarchie universitaire et accentue une prédisposition de sa part à dominer au point qu’elle trouve que c’est enfantin, voire insolent, de contester leur hégémonie d’ailleurs non-justifiée dans un milieu censé être une société de savoir sensée observer des règles strictes de bonne gouvernance.

Je reste convaincu que pour arriver à un stade d’émancipation, il est plus que jamais urgent de pousser la réflexion afin de repenser le rôle de l’universitaire afin qu’il se sente acteur et penseur du destin de son Université. C’est une étape si urgente et si inévitable que de provoquer un tel débat afin de mettre en place toute autre possible réforme ; cette dernière consiste à revoir la structuration actuelle de l’Université et à réviser un mode de scrutin si humiliant et responsable de la perversion logistique de l’Université et mentale de l’universitaire.

De toute évidence, loin de nous l’intention de généraliser ni de dénigrer; cet article a plutôt l’objectif d’éveiller l’esprit des universitaires et de les encourager à réagir face aux injustices qu’ils sont en train de subir au quotidien dans leur milieu professionnel. Il est temps de désacraliser les structures actuelles ainsi que le mode opératoire défaillant actuellement en vigueur. Alors Universitaires soyez prêts dans vos starting blocks!