هيئة-الحقيقة-الكرامة

Par Sihem Bensedrine,

Nombreux ont été les lecteurs qui ont partagé l’article publié par Khawla Euchi dans la rubrique politique de Nawaat, rien qu’en lisant le titre accrocheur et trompeur « est ce que les RCDistes et les corrompus de l’ancien régime vont devenir membres de l’Instance Vérité Dignité ?», surfant sur la vague d’écœurement qui a saisi tous ceux qui voyaient défiler les anciens responsables de la dictature, vantant avec arrogance leurs « mérites » dans la gestion prédatrice de l’Etat !

Méconnaissance de la loi

Ayant participé moi même dans la préparation de la loi sur la Justice transitionnelle (JT) dans le cadre du Centre de Tunis de Justice Transitionnelle (CTJT) et connaissant bien le texte adopté par l’ANC, j’avoue n’avoir pas saisi les risques d’une telle éventualité si la loi est appliquée à la lettre, sachant pertinemment que les conditions de candidature établies n’exposent pas à de tels risques. Qui sont donc ces « intrus » qui mettent en danger le processus de justice transitionnelle ?

En lisant l’article, on s’aperçoit qu’en fait, les « corrompus » de l’ancien régime et les RCDistes qui se sont portés candidats à l’IVD se résument à une personne, candidate du CTJT : Sihem Bensedrine.

Si l’on excepte les citations du 3e projet de loi, et non du texte final de la LOI adopté par l’ANC et publié au JORT (notre journaliste « d’investigation » ne savait pas qu’elle commentait l’un des projets  et non le texte de la loi voté par l’ANC!), la journaliste me consacre plus du tiers de son article et chute sur une conclusion qui inciterait à croire que c’est bien Sihem Bensedrine la candidate « corrompue et RCDiste » qu’on gagnerait à écarter si l’on veut avoir une IVD « propre » !

Dans son « investigation », la journaliste a trouvé des « experts en droit » (lesquels ?) qui ont identifié de graves lacunes dans la loi (quelles sont ces lacunes ?), susceptibles d’induire le risque de voir « des personnalités incompétentes accéder à la charge de l’IVD ». Pour évaluer ma compétence, la journaliste a-t-elle lu mon CV ? Ou cherché à me rencontrer pour équilibrer son article (si tant est qu’elle en est l’unique auteur) ? Ce n’est pas nécessaire, répond-t-elle avec un aplomb déconcertant : « tout le monde le dit » (sic !)

Dans les « profondeurs » de sa recherche, la journaliste « d’investigation » a découvert que « plusieurs personnes du monde politique et des MEDIAS s’opposent à la candidature de SBS ! » Je ne me souviens pas que la loi ait prévu d’avoir l’aval des lobbies nostalgiques des medias et de la politique pour être candidat !

Ignorance des règles élémentaires du journalisme

À l’appui de cet argumentaire « fouillé », elle nous ressert, le dénigrement produit par un obscur provocateur en mission commandée, sous des oripeaux d’« activiste des droits de l’homme », qui aurait dit (sur Nessma précise-t-elle, beau travail en guise de recherche !) que l’association que je dirige est un « repaire de RCDistes corrompus » ! Notons au passage qu’on me reproche en même temps de ne pas offrir les garanties d’équité envers les RCDistes ! Mais, on n’en est pas à une contradiction près.

Sur quoi s’appuie encore la démonstration « investigative » de notre journaliste ? Dixit le député POCT Ahmed Essafi qui récidive, après s’être fait remonter les bretelles par la commission de tri et continue de se prêter à faire campagne contre une candidate, bafouant l’obligation de réserve à laquelle il est tenu et s’affranchissant des règles basiques liant un mandat d’arbitrage ;

Après le 1er argument massue qu’il nous a servi : « elle n’est pas neutre avec Ben Ali », qui dévoile l’étendue de son inculture des processus de JT (exigeant que les candidats à l’IVD ne doivent pas être « neutres »  par rapport à la dictature),  vient le 2e argument massue : « elle a été victime et l’IVD ne doit pas comporter parmi ses membres de victimes ! » (de toute évidence monsieur le député qui a voté la loi sur la JT ne l’a pas lue, je l’invite à lire l’article 20 de la loi), et enfin il nous sort le 3e argument massue : « elle est coupable de violation des droits des travailleurs de Kalima ! et donc elle n’a pas sa place dans l’IVD, sinon, cette dernière ne serait qu’un « butin » que s’arrogent certains défenseurs de droits humains » (c’est en termes de « butin » que notre éclairé député conçoit la défense DDH !)

Ce ne serait pas ici le lieu de revenir sur la réduction au silence de cette radio indépendante, qui avait généreusement ouvert ses ondes aux expressions les plus diverses de notre société… Ceux qui veulent réellement connaître la vérité, n’ont qu’à se référer aux articles écrits sur le sujet notamment par le directeur Omar Mestiri ; Relevons simplement que les manifestations de jubilation – exprimées sans fard ni retenue par les médias post-mauves – ont instrumentalisé sans vergogne les conséquences sociales funestes de cet arrêt de diffusion, pour transformer ce dommage indéniable porté au pluralisme audiovisuel, en dénigrement des choix éditoriaux de Kalima et en cabale contre ma personne.

Je me contenterais cependant de préciser pour ma part que je ne suis personnellement ni poursuivie pour aucune charge, ni redevable d’une quelconque entorse à ce jour; que le contentieux social, conséquent à la cessation de paiement de la société « Kalima production », suit la procédure de règlement prévue par la loi (redressement judiciaire) et que rien ne préjuge que les droits des travailleurs prévus par la loi ne seraient pas préservés.

Des questions à poser

Mais notre journaliste « d’investigation » n’est pas capable de poser les questions élémentaires, elle avance des « certitudes » colportées par « radio trottoir »  ; je peux comprendre qu’ayant appris le métier sur le tas depuis un ou deux ans, et dans certain média spécialisé en désinformation, elle n’ait pas été outillée pour prendre les précautions d’usage où le B.a.-Ba est le recoupement des sources ; je l’invite à refaire les formations qu’elle semble pourtant avoir effectué avec l’ONG jordanienne « Arij » qui devrait penser à évaluer l’impact des formations dispensées.

Cette énième cabale prouve au moins une chose, c’est que ma candidature dérange, elle dérange les lobbies de l’ancien régime qui ont quelques cadavres au placard et qui savent que je suis incorruptible et intraitable avec  la liquidation du despotisme; ils veulent faire de cette instance, non pas un lieu de mise au jour de la vérité favorisant une saine réconciliation, mais un tombeau de la mémoire où l’on enterre les crimes de la dictature en les recouvrant de fleurs.

Sihem Bensedrine.