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Plante portant des fruits.

Solanum eleagnifolium, appelée aussi Morelle jaune, est une petite plante qui se reconnaît facilement à ses fleurs mauves et ses tiges et feuilles épineuses. Ses fruits sont ronds, de couleur verte au départ puis virent au jaune à maturité.

Plante portant des fruits

Cette plante est originaire d’Amérique du Nord. Elle a été introduite en Tunisie depuis une quarantaine d’années (les premiers écrits remontent aux années 1980), probablement avec des semences, au centre du pays. Elle est présente sur de nombreux continents (Australie, Amérique du sud, Asie, Afrique du sud et le pourtour du bassin méditerranéen).

En Tunisie, elle était localisée dans certains secteurs, à El Alem (Kairouan) où elle a eu le temps de se multiplier et se propager pour constituer désormais un fléau qui menace les terres agricoles de plusieurs régions de la Tunisie. Elle est actuellement présente dans de nombreux gouvernorats : Sidi Bouzid (surtout Jelma), Sousse, Monastir, Mahdia, Sfax, Zaghouan, Tunis et Béja. Il est aussi probable qu’elle se trouve dans d’autres régions du pays. Les deux régions les plus touchées sont celles de Kairouan et Sidi Bouzid.

La plante occupe surtout les bords des routes, les lits des cours d’eau, les champs cultivés de toutes sortes (oliveraies, champs de céréales, de cultures saisonnières, d’arbres fruitiers…), les haies et même les zones urbaines (Kairouan, Jelma, El Fahs…). Elle est disséminée par les pneus des voitures (ce qui explique sa présence le long des routes), par l’eau (le long des cours d’eau et des canaux d’acheminement des eaux de pluies). Une fois installée, elle se multiplie par graines mais aussi par voie végétative, surtout lors des labours qui la fractionnent et la dispersent dans les champs cultivés. Dans les périmètres irrigués, elle a envahi nombreuses zones par le fumier, transporté des lieux où elle est présente (graines).

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Détails de la fleur.

Toutes les parties de la plante sont toxiques. Les épines portées par ses feuilles et tiges accroissent la répulsion du bétail pour sa consommation. Ses fruits sont également toxiques et ne sont pas consommés par le bétail. Seules les jeunes feuilles et les sommités fleuries sont consommées par les animaux, les poules et dindes, particulièrement après les pluies et quand d’autres plantes ne sont pas disponibles pour le bétail. Si toutefois la plante est consommée par le bétail, notamment quand elle se trouve dans du fourrage, elle peut provoquer des avortements.

Cette espèce est invasive et envahissante. Elle occupe des terrains présentant des sols très variables (sableux, argileux, marneux…). Pendant la période de sécheresse, elle perd ses feuilles et ses tiges tendres, mais elle repousse après les pluies. Si les parties aériennes de la plante ne sont pas très développées (souvent de 30 à 40 cm mais peuvent atteindre les 90 cm), ses parties souterraines (racines) descendent à plus d’un mètre de profondeur. Les techniques culturales et la généralisation du labour facilite sa dispersion, surtout par les fragments des racines qui peuvent se régénérer une fois maintenues dans l’humidité. Ceci a pour conséquence l’occupation de la totalité de l’espace dans certains sites, notamment des champs cultivés. Dans les lits d’oueds, la multiplication se fait par graines. L’occupation de l’espace par la morelle jaune a pour conséquence la diminution de la productivité des terres, du moment où son caractère vigoureux lui permet d’absorber l’eau destinée aux plantes cultivées, surtout les cultures saisonnières.

L’occupation du sol par cette plante a provoqué aux Etats-Unis, par exemple, l’abandon des terrains infestés et la chute de leurs prix. Ce phénomène n’est pas encore observé en Tunisie, mais ne tarderait pas à voir le jour.

Actuellement, la morelle jaune semble impossible à éradiquer dans de nombreuses régions. Son extension vers les régions arides de la Tunisie centrale et méridionale est hautement probable. Là, elle risque de s’étendre en particulier dans les périmètres irrigués. Ce qui rend son confinement difficile, c’est l’absence de tout service qui s’occuperait de son élimination des bords des routes d’où elle commence son expansion. Les services municipaux des villes où elle est présente ne sont pas conscients du danger de son extension et, encore plus grave, nombreux sont les agriculteurs qui n’ont aucune idée du péril qu’elle représente. Dans les régions où elle est encore peu présente, son confinement est encore possible, avant que le mal ne s’étende davantage, notamment dans les régions situées au nord de Kairouan.

L’absence de programme national de suivi de son extension et de lutte contre sa dissémination aggrave davantage la situation. Les institutions concernées par cette espèce (agriculture, environnement) ne semblent pas prendre au sérieux la gravité de la situation.

Des programmes de recherche sur l’espèce sont plus que jamais nécessaires, en impliquant différents types d’approches et d’équipes de différentes disciplines, afin d’arrêter l’expansion de l’espèce avant de limiter sa présence à des seuils tolérables. Il est à remarquer qu’un des moyens de lutte contre l’espèce serait de réduire sa fructification par la coupe des plantes après leur floraison (au printemps et en automne, après les évènements pluvieux). Le labour estival n’est efficace que si les bouts de racines arrachés soient exposés au soleil (ne restent pas dans les mottes du sol). Remarquons enfin que les moyens de lutte chimique contre cette espèce n’ont pas été efficients jusqu’à ce jour. Le recours aux méthodes alternatives est donc une nécessité (lutte biologique par utilisation de biopesticides, de parasites, de prédateurs spécifiques…) ou, à la limite, la recherche de moyens de lutte intégrée sans conséquences pour l’environnement seraient incontournables.

Pour finir, disons que ce qui est présenté plus haut est loin d’être alarmiste. La situation est grave et il est largement temps de prendre à cœur ce type de problème avant qu’il ne soit trop tard. Ne dirons surtout pas que nous ne le savions pas !