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« Bienvenue, nous nous trouvons aujourd’hui dans une salle rectangulaire. Cinq personnes, plus une interprète de la langue des signes, sont sur le podium. Et l’assistance est composée d’environ 60 personnes ». C’est avec une diction mesurée presque radiophonique, qu’Imed Zwawi a décrit l’ambiance de la salle de l’hôtel qui a abrité le 30 mars dernier, une conférence sur l’accessibilité des moyens de transport publics pour les personnes handicapées.

Plusieurs des personnes présentes étaient non-voyantes. Imed Zwawi, le président du Tunisian Forum for Youth Empowerment, leur a ainsi décrit l’espace, avant de procéder à la présentation du projet Transport pour Tous ; un projet mené par l’association « Ville pour Tous », auquel le Tunisian Forum for Youth Empowerment s’est associé en mobilisant ses jeunes membres et bénévoles.

Quant aux jeunes sourds qui étaient aux premiers rangs, leurs regards étaient braqués sur les mains de Feyza Gannouni, professeur interprète de langue des signes, qui leur traduisait avec une gestuelle preste les paroles et la présentation du projet.

liberté et une sécurité des déplacements

Le projet consiste en un diagnostic de la ligne 4 du métro reliant la ville de Manouba à la ville de Tunis et fait partie d’une initiative plus large visant à sensibiliser les citoyens à la question du transport en commun pour les personnes en situation d’handicap.

« Le choix de Manouba n’est pas fortuit », a indiqué Houda Abbassi, présidente de « Ville pour Tous ». La ville accueille plusieurs structures qui s’adressent aux personnes en situation d’handicap à l’instar du Centre de réadaptation professionnelle des handicapés moteurs et des accidentés de la vie. Des jeunes de ce centre ont d’ailleurs rejoint les enquêteurs des deux associations pour mener le diagnostic des 21 stations composant le trajet de la ligne 4 du métro, dans les deux sens de l’allée et du retour.

Vanessa Adouani, experte internationale en accessibilité, a aidé les jeunes à établir la grille de diagnostic en partant de la définition universelle de l’environnement accessible, lequel, « doit permettre une liberté et une sécurité lors des déplacements, ainsi que l’utilisation d’un espace ou d’un service ». Elle les a par la suite accompagnés dans la réalisation de l’enquête et la restitution des résultats.

La ligne 4 a un taux d’accessibilité global de 42%. Les taux des 21 stations sont largement différents. Avec un faible taux de 19% seulement, la station du boulevard 20 mars est un calvaire pour les personnes en situation d’handicap, tous handicaps confondus.  Des stations nouvelles ont eu un meilleur score, comme la nouvelle station de Moncef Bey qui a atteint 67%, grâce notamment à son guichet à hauteur adaptée et un passage à niveau entre ses deux quais.

L’accessibilité des transports en commun : une obligation légale

« L’accessibilité des transports en commun est pourtant une obligation légale et les transports en commun doivent se mettre en conformité avec la règlementation » a souligné Vanessa Adouani.

Bien avant l’article 48 de la Constitution, la Tunisie avait ratifié en 2008 la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Signataire de la convention onusienne, la Tunisie s’est ainsi engagée à prendre « des mesures appropriées pour assurer aux personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, l’accès à l’environnement physique, aux transports, à l’information et à la communication, y compris aux systèmes et technologies de l’information et de la communication, et aux autres équipements et services ouverts ou fournis au public, tant dans les zones urbaines que rurales ».

Des textes antérieurs comme le décret n 2006-1477 ont même décliné dans le détail l’aménagement et l’adaptation des moyens de communication et d’information et la facilitation du transport des personnes handicapées qui représentent 13,5% de la population totale de la Tunisie.

Qu’est ce qui explique alors ce décalage entre la législation et la réalité ? « Le laxisme », ont asséné plusieurs intervenants dans la salle. « Les chauffeurs du métro n’arrivent même pas à respecter leur loi organique qui les oblige d’indiquer au micro le nom de la station à chaque arrêt », a-t-on reproché à Monia Zouari. La représentante de la compagnie Transtu a d’ailleurs reconnu ce manque et évoqué la volonté de sa compagnie pour améliorer l’accès.

Selon Imed Zwawi, la représentante de la Transtu a été la seule à avoir répondu à l’appel des associations en ce jour-là. « Nous avons convié les municipalités de Tunis et de Manouba et des représentants du ministère de l’Equipement. Ils ne sont pas là».