Depuis une semaine, des affichettes collées sur les murs de Tunis amusent les internautes et stimulent la curiosité des passants. « Slim Chiboub, gendre de Ben Ali, est Wanted [recherché] pour une récompense de 100 million de dollars » pouvons nous lire sur l’affiche. Après la signature, le 5 mai 2016, d’un protocole d’accord de réconciliation entre l’Instance Vérité et Dignité et l’aîné des gendres de Ben Ali, les militants « Manich Msameh » continuent la mobilisation contre l’impunité. Cette semaine, en tête d’affiche, le propagandiste de Ben Ali, Abdelwahab Abdallah, reçu le 23 mai, au palais de Carthage.

Vers 20h, dans un appartement du centre ville, un groupe de militants de Manich Msameh est en réunion. Quelqu’un prend en photo la nouvelle affiche, la poste sur facebook et annonce le lancement de l’action « Abdelwahab Abdallah, Wanted ». « Notre campagne est un rappel pour les amnésiques. Abdelwahab Adballah était durant des années le chef de la mafia propagandiste de l’ancien régime. Au lieu de l’honorer au palais de Carthage par le président de la République, il fallait le traduire en justice. Nous n’allons pas lâcher avant que tous les corrompus soient jugés pour leurs crimes » martèle Samah Aouadi, militante de Manich Msameh.

Préparation de la colle, dispatching des groupes, rappel des consignes de sécurité, les jeunes de Manich Msamah se dépêchent pour se fondre dans la nuit de Tunis. Avant de quitter l’appartement, Wissem donne les dernières directives « Nous devons rester vigilants. Chaque groupe doit être composé de quatre personnes. Trois s’occupent des affiches et le quatrième assure la surveillance ». Les plus jeunes laissent apparaître quelques signes de nervosité. Pour détendre l’atmosphère, Mohamed Amine ironise « Nous leur dirons que c’est la campagne électorale de Abdelwahab Abdallah ! Ils seront contents et nous laisseront partir ! ». Mais vers la fin de l’action, quatre militants ont été arrêtés durant une heure puis relâchés par la police.


À 22h, le centre ville est encore animé. Sur l’avenue Habib Bourguiba et les rues adjacentes, Samah et ses camarades collent les affiches dans des endroits visibles. Sur les murs, les poubelles, à coté des distributeurs automatiques de banques, les panneaux publicitaires et dans les stations de métro. Trois hommes demandent, « Qui s’est ? – C’est Abdelwahab Abdallah, un des sbires de Ben Ali, répondent les Manich Msameh. « Ah ! Les enfoirés de Ben Ali ! Bravo les jeunes ! » se réjouissent les trois inconnus.

Déserté par la police, Tunis est plutôt calme après un grand match de foot. « La semaine dernière, les supporters de l’Espérance sportive ont déchiré plusieurs affichent de Slim Chiboub. Nous essayons d’expliquer aux gens que ça n’a rien à voir avec le foot. Mais c’est pas du tout gagné. On espère que les gens se rendent compte que le but est d’instaurer une réelle justice et de bloquer le projet de loi de la réconciliation nationale économique » explique Samar Tlili de Manich Msameh.

Sur l’allée principale de l’avenue, les « Manich Msameh » placent quatre affichettes de Abdelwahab Abdallah sur un panneau affichant le quartet, prix Nobel de 2015. Quelques minutes après, deux hommes s’approchent du panneau et déchirent les affiches. « Vous savez combien de familles nourrit Wided Bouchamaoui ? Le quartet est notre fierté ! ». Les militants préfèrent ne pas rentrer dans une discussion avec les deux hommes hostiles. Pendant une brève pause dans un café, ils continuent à discuter des nouvelles méthodes et actions pour faire face au « lavage de cerveau médiatique » qui blanchit sans réserve les anciens du régime.

Malgré les difficultés et le peu de moyen, les militants restent optimistes. « Ce soir, nous avons couvert tout le centre ville, Al Zahra, et Borj Cedria. À partir de demain, d’autres bénévoles se mobilisent dans les régions » explique Wissem. « La campagne réussira quand les citoyens, eux-mêmes colleront nos affichettes spontanément » espère Hachem. A partir d’hier soir, les affichettes sont en accès libre pour téléchargement.