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Elyes Gharbi, PDG de la Télévision Tunisienne et Sihem Ben Sedrine, Présidente de l’IVD. Crédits photos, IVD

Ce soir et demain, 17 et 18 novembre 2016, démarrent les deux premières audiences publiques de victimes de violations des droits de l’homme sous la dictature. Organisées par l’Instance vérité et dignité, les audiences auront lieu au club Elyssa à Sidi Dhrif appartenant jadis à Leila Ben Ali, épouse du président déchu.

Tant attendues par les uns, redoutées par d’autres, les audiences seront diffusées en léger différé par les télévisions et radios publiques ainsi que d’autres médias privés et étrangers. Une étape clé dans le processus de la justice transitionnelle où la mémoire sera reconstituée collectivement et où la reconnaissance des victimes devrait aider à la réconciliation nationale.

Le 25 octobre 2016, l’Instance de Vérité et Dignité a élaboré une charte pour la couverture des audiences publiques, signée par le Syndicat national des journalistes, le Syndicat tunisien des dirigeants des médias et la Fédération tunisienne des directeurs de journaux. Selon les termes de cette charte, l’IVD s’engage à fournir les conditions favorables et toutes les informations nécessaires pour la transmission des audiences et leur couverture médiatique. L’instance a signé deux conventions avec la télévision nationale et la radio nationale qui permettent une transmission prioritaire de l’intégralité des audiences. N’empêche que le reste des médias peuvent faire la transmission s’ils sont accrédités et ont les moyens de le faire. Parmi les médias privés qui assureront la couverture, Al Hiwar Ettounsi, Al Tassiaâ, Hannibal TV, Mosaique FM, Shems FM, Express FM, la TAP, mais aussi Al Jazira, TV5, France 24,.

De leur coté, les médias s’engagent au silence total au moment des témoignages des victimes, à ne pas enregistrer les audiences et à respecter les mesures de sécurité des victimes et des témoins déterminés par l’Instance. En octobre, l’IVD a organisé trois sessions de formation aux médias audiovisuels, à la presse écrite et à la presse électronique. Selon Leila Yahyaoui, attachée de presse à l’IVD, l’instance a pris ses précautions contre d’éventuels incidents. « Notre responsabilité est de protéger les victimes quelques soient les conditions. Elles témoigneront à visage découvert mais nous veillerons à ce qu’elles ne soient pas intimidées, interrompues ou attaquées avant, durant et après les audiences » affirme-t-elle.

Pour éviter toute polémique autour des témoignages, l’IVD a établi des critères pour sélectionner les victimes des premières audiences publiques. l’IVD a choisi les dossiers selon la gravité des atteintes aux droits humain, la diversité selon le genre, les régions et les époques historiques. L’article 8 de la loi sur la justice transitionnelle définit les violations graves des droits de l’Homme par l’homicide volontaire, le viol et toute autre forme de violence sexuelle, la torture, la disparition forcée et la peine de mort sans la garantie d’un procès équitable.

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Au centre : Abdelaziz Essid, avocat d’el Hiwar Ettounsi, Sami Fehri et Sihem Ben Sedrine, Présidente de l’IVD. Crédits photos, IVD

Parmi 65 milles dossiers reçus et 11 milles personnes auditionnées, seulement une dizaine de victimes témoigneront en audiences publiques. « Nous avons choisi des dossiers symboliques dont la justice a déjà tranché. Concernant les accusés, ils pourront user du droit de réponse s’ils seront nommément cités par les victimes » explique Leila Yahyaoui.

Durant la séance de ce soir et de demain, les victimes prendront la parole en l’absence des bourreaux. Seront présents à cette séance, Kofi Annan, ancien Secrétaire Général des Nations Unies et Pablo de Greiff, Rapporteur spécial des nations unies sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non répétition, ainsi que d’autres commissions Vérité et réconciliation. L’IVD a aussi convié le chef de l’État, le président du gouvernement et le président de l’Assemblée des représentants du peuple.

Reste à savoir si les médias dominants ouvertement hostiles à la justice transitionnelle, virulents contre la présidente de l’IVD, respecteront les termes des conventions qu’ils ont signé. Si les connaisseurs de l’affaire Cactus Prod, se sont étonnés de la présence de Sami Fehri, associé à Belhassen Trabelsi, dans les locaux de l’IVD, la Fédération des directeurs de journaux animée par Taeib Zahar de Réalités et Nizar Bahloul de Business News a déjà annoncé la couleur. Dans un communiqué rendu public mercredi 16 novembre, elle s’est montrée offusquée par la campagne de publicité de l’IVD qui « n’est pas offerte équitablement à tous les médias tunisiens ». A suivre.

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