Elaborée par le gouvernement tunisien avec un co-parrainage du Qatar et de la France, la conférence internationale sur l’investissement Tunisia 2020 a pu récolter 15 milliards de dinars d’engagements fermes sur les 64 milliards espérés. Loin des projecteurs, la générosité affichée du Qatar et de la France  s’avère intéressée. Explications.

Qatar : un soutien en demi-teinte

Grande star du sommet de l’investissement, tous les projecteurs étaient braqués sur le Qatar. Entre la présence de l’émir Tamim Ben Hamad Al-Thani, l’annonce de l’ouverture du premier bureau international du QFFD (Qatar Fund For Development) à Tunis et le don de 6 millions de dinars pour la prise en charge des dépenses liés à l’organisation de la conférence, l’émirat est apparu comme le grand mécène de Tunisia 2020. Pour couronner le tout, l’émir a déclaré qu’il était « heureux d’annoncer que l’Etat du Qatar va consacrer une somme de 1,25 Milliard de dollars pour soutenir l’économie de la Tunisie et renforcer son processus de développement ».

Qu’en est-il de cet élan de générosité, s’agit-il vraiment d’une « aide » ? Il s’avère que près de la moitié de l’enveloppe servirait à « rééchelonner le remboursement du prêt qatari ». Cette thèse est confirmée par les propos de Fathi Chamkhi, député du Front Populaire. Dans une interview accordée au Comité pour l’Abolition des Dettes Illégitimes en octobre dernier, il a déclaré que « la Tunisie connaîtra en 2017 un premier défaut de paiement sur un emprunt fait auprès du Qatar ». Il s’agit d’un emprunt contracté par l’Etat tunisien en 2012, sous forme de placement en bons du trésor, d’un montant de 500 millions de dinars avec un taux d’intérêt non-préférentiel de 2,5% (générant des intérêts d’environs 30 millions de dinars par an). Son échéance de paiement arrive en avril 2017. Pour information, la Tunisie a contracté un deuxième emprunt auprès des qataris en 2013, du même montant, afin d’alimenter les réserves en devises de la Banque Centrale.

Le reliquat des montants promis par l’émir Tamim Ben Hamad Al-Thani sera investi en projets touristiques via le groupe immobilier Qatari Diar, qui exploite actuellement la chaine hôtelière La Cigale avec deux unités à Tabarka et Tozeur. Lors du sommet de l’investissement, les qataris ont annoncé un grand projet touristique à Gammarth, en lieu et place de Dar Naouar, comprenant un hôtel de 550 lits, 90 résidences touristiques et un plais de congres de 5.000 places, d’une valeur totale de 450 millions de dollars.

Reconversion de la dette odieuse, la France entre-ouvre le robinet

La majorité des économistes s’accordent sur le fait que le surendettement constitue un facteur majeur de la crise économique actuelle. La dette extérieure brute de la Tunisie a doublé entre 2010 et 2016, passant de 32 Milliards de dinars à 63 Milliards de dinars, et c’est en grande partie dû au service de la dette odieuse détournée en faveur du dictateur et de ses proches. Fin 2016, ce service de la dette a augmenté de près de 25% par rapport à 2015. Il pèse si lourdement sur le budget de l’Etat qu’il détourne des sommes colossales qui auraient pu servir à la résorption du chômage, à l’investissement dans l’infrastructure ou à l’amélioration du service public. Par ailleurs, le Front Populaire a déposé à l’ARP, en juin dernier, un projet de loi visant à créer une commission parlementaire qui se chargera de l’audit de la dette publique tunisienne. Apres six mois, le projet de loi est toujours mis au placard par le secrétariat de l’ARP.

C’est dans ce contexte qu’est intervenu le sommet sur l’investissement, avec une grande interrogation : la France, co-parrain du sommet Tunisia 2020, allait-elle enfin respecter ses engagements à convertir la dette illégitime de la Tunisie en projets de développement ? Le président François Hollande l’avait annoncé à deux reprises, en juin 2012 et en juillet 2013.

Un protocole d’accord a été signé le 28 novembre dernier entre le gouvernement tunisien et l’Agence Française de Développement (AFD), la France accordera une enveloppe 250 millions d’euros annuels sur la période 2016-2020, pour un total d’un Milliard d’euros (soit 2,45 Milliards de dinars), avec un « engagement d’intensifier la conversion de la dette en projets de développement ».

Mais cette somme représente une petite fraction, 8%, du total de la dette tunisienne auprès de la France. De l’aveu même d’Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur de France à Tunis, « 50% de l’ensemble de la dette tunisienne est contractée auprès de la France », ce qui représenterait 31,5 Milliards de dinars.