Par Khaled Mestiri

Je souhaiterais malgré mes faiblesses manifestes en droit prendre le risque de répondre au collectif « des propriétaires de la résidence Hannibal – Maâlga – Carthage »et particulièrement au comité restreint constitué de juristes par eux mandatés, j’aurais donc à faire à forte partie pourtant l’exercice quoique risqué ne me décourage pas. Bien au contraire, le ton tantôt pleurnichard, tantôt vindicatif de leur missive empreinte d’arrogance « me booste ».

La référence aux deux décrets de déclassement (du 17 avril 2007 et du 4 septembre 2006) en vertu desquels il a été décidé d’extraire les titres fonciers n° 67679-66093-67678 du Parc archéologique de Carthage – Sidi Bou Saïd en vue de réaliser deux projets d’habitation. Ne peut tenir puisqu’il a été prouvé que ces deux décrets ont étés commandités par les spéculateurs directement liés à la famille régnante détournement de vocation d’un bien national de réputation internationale à des fins spéculatives privées et dont les profits ont atteint des montants indécents pour un pays comme la Tunisie. « Des centaines d’hectares vierges de toute construction et situés dans de magnifiques zones archéologiques, de surcroît commercialisées pour une bouchée de pain. L’idée d’accaparer ces terrains tant qu’ils sont classés et puis de lancer la procédure de déclassement pour les revendre des centaines de fois plus cher germe dans les esprits de Ben Ali, son gendre Sakhr et son beau-frère Belhassen ».

Par ailleurs, pour confirmer ces dires M. Abdellatif El Mokhtar, ex-propriétaire du terrain objet de la discorde a déclaré dans le journal La Presse du 12-02-2011 : «Suite à des pressions exercées par Moncef El Matri: insultes et intimidations et ensuite par Belhassen Trabelsi, nous avons vendu sur recommandation de ce dernier, la Sté, à Abdelhakim Hmila, homme d’affaires des Trabelsi (la Baie des Anges à El Kantaoui, Sotudef, autoroutes, etc.), pensant qu’il allait réaliser le complexe culturel et touristique. La transaction a eu lieu au bureau de Belhassen Trabelsi au siège de Karthago en présence d’un avocat. M. Ben Kemla a acheté au prix de 600 D environ le m2 chez Abdelhakim Hmila, soit pour près de 28 millions de dinars, alors que le prix payé à la société Carthage Hannibal d’animation et de loisirs était de 21D le m2, soit un million de dinars.

En tout cas, ce que nous savons aujourd’hui, c’est que les terrains sont vendus, environ 1.000D à 1.200D le m2 ».

. Comment peuvent ces plaignants arguer et jurer de leur droits, de leur bonne foi et de l’absence de liens avec l’ancien régime. Est-ce raisonnable ?
-Nul n’est censé ignorer la loi, donc acheter un bien dont l’origine est douteuse est similaire au recel, ces sites sont protégés et classés ,par conséquent INCONSTRUCTIBLES.

« Décret n°85-1246 du 7 octobre 1985 relatif au classement du site de Carthage
Nous Habib Bourguiba, Président de la République tunisienne:
Vu le décret du 17 septembre 1953 relatif à la protection des sites,
Vu le décret du 3 juin 1929 interdisant la publicité sur les immeubles classés comme monuments historiques et dans les sites ou zones protégées,… »et c , et c …
Décrétons :
Art. Premier : il est institué sur le territoire des communes de Carthage, La Goulette, La Marsa et Sidi Bou Saïd un ensemble de sites classés en raison de leurs intérêts archéologique, historique, esthétique et naturel appelé “Parc archéologique national de Carthage-Sidi Bou Saïd”.
Art. 3 : Sous réserve des dispositions de l’article 5 alinéa 3 du décret susvisé du 17 septembre 1953 et de l’article 4 du présent décret, sont interdits tous les travaux, aménagements et constructions de nature à modifier l’état du site classé,

Ce classement constitue un acte de protection et de valorisation d’un ensemble de sites historiques du patrimoine auxquels l’UNESCO a reconnu le caractère universel: le site de Carthage figurant sur la liste du patrimoine mondial fixé par l’UNESCO. C’est aussi un acte d’aménagement.

Ces Messieurs nous ont même proposé dans un élan destructeur : « il faudrait commencer par raser la ville de Carthage et notamment les sites de Byrsa, du Port punique, » niant que déclarer la zone précitée Parc archéologique et patrimoine mondial c’est mettre le holà à toutes les atteintes passées, cela s’appelle : « LA PROTECTION » ,protection du patrimoine de la nature de l’environnement… pour que le « futur de vos familles » puisse un jour comprendre autre chose que « la défense de la sueur de notre front » .

Ce qui veut dire que tous les déclassements cités par les requérants sont caducs, car l’ex Président et sa mafia sont hors la loi, et pour confirmer les dires des plaignants : «pris en violation des règles de droit les plus élémentaires et en particulier celle de la hiérarchie des normes en droit tunisien, suivant laquelle un simple arrêté ne peut contredire un décret.

Je rappelle que vu la prépondérance du droit international sur le droit interne, d’autant plus que la Tunisie a sollicité la protection de ces sites par l’UNESCO, les deux décrets de déclassement (du 17 avril 2007 et du 4 septembre 2006) .

Pourtant dans une interview faite au journal La Presse du 21-02-2011 :Mohamed El Aziz Ben Achour, ancien ministre de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine , a déclaré suite à la question de la journaliste:

Q :Pourtant le texte des décrets en question est formulé ainsi: «Le Président de la République, sur proposition du ministre de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine…décrète»…
R : Justement. Dans cette affaire, tout s’est déroulé à l’envers. Alors que dans un schéma normal de déclassement, la procédure commence avec une proposition du ministre, qui atterrit sur la table du Président, ici tout s’est passé sens dessus-dessous.

L’ancien ministre, bien que responsable dans le saccage du site archéologique de Carthage ,(il aurait pu démissionner, mais :« la chair est faible »), n’est pas à l’initiative de ce désastre entamé et n’a donc pas fait « de proposition pour promulguer Le décret de déclassement » comme le prétendent les signataires.
Quant à leur implication avec l’ancien régime c’est à voir, une hyménoplastie est peut-être envisageable pour certains ?

L’autre argument avancé par le comité de défense des propriétaires: « Tous les sondages et les fouilles effectués à ce jour sous la stricte supervision de l’Institut national du patrimoine n’a révélé l’existence d’aucun vestige ou objet archéologique ». Je crois que ces Messieurs n’ont rien compris de la notion de parc archéologique en se limitant à evoquer les « fouilles par sondage » niant la préservation du paysage, l’harmonie et l’esthétique des lieux .

Je leur réponds :IL EST INTERDIT DE CONSTRUIRE ET BASTA !

Tout porterait à croire, malgré tout, que toute cette précipitation et cet activisme des promoteurs et propriétaires n’a qu’un seul but mettre les citoyens ,les protecteurs de Carthage « autoproclamés » ou spontanés et les autorités devant le fait accompli, il me semble que seule l’expression : « yebniou beserqa » peut qualifier cet acharnement.

Et si j’ai un conseil à prodiguer aux plaignants c’est que ,même s’ils arrivent à construire malgré tout , de ne pas crier victoire très tôt car un autre ayant droit les guette à l’horizon et c’est : « La famille Abdellatif El Mokhtar a porté l’affaire auprès des tribunaux pour la spoliation de biens sous la pression ».

Nous , membres de l’ «Action citoyenne pour la défense de la Maâlga et les milliers de signataires de la PÉTITION POUR LA SAUVEGARDE DU SITE DE CARTHAGE BIR FTOUHA déclarons que nous ne nous laisserons pas intimider par le ton menaçant pris par ledit comité de défense dans sa mise en garde :« Pour mettre en garde contre les conséquences financières désastreuses de l’éventuelle application de la décision du ministre de la Culture » ni par la violence de leurs sbires.