Tunisie Principes Republicain

 

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Principes republicains

 

 

Depuis le 14 janvier, les Tunisiens n’ont probablement jamais autant parlé aussi librement des rapports du religieux au politique sans craindre la répression. Depuis 52 ans, la disposition de l’article 1er de la Constitution tunisienne relative à l’Islam en tant que « religion d’État » n’a jamais fait l’objet d’autant de débats au sein des media tunisiens. Les Tunisiens passent enfin à la clarification du sens et de la portée de l’une des dispositions constitutionnelles les plus symboliques tant pour ses détracteurs que pour ses partisans.

A vrai dire, sur Nawaat.org, ce débat a eu lieu depuis de nombreuses années déjà. Parfois enflammé entre les tenants d’un État « laïc » -les guillemets s’imposent, j’y reviendrai- et les tenants de l’article 1er de la Constitution. Et force est de constater que par les échanges, la raison parvenait souvent à l’emporter. Ce débat, hélas ayant été de ceux non autorisés par le despotisme de Ben Ali, fut demeuré confiné aux espaces où il avait lieu.

Eu égard au titre qui annonce déjà le choix qui sera défendu au sein de cet essai, inutile de dire que depuis des années nous plaidons sur Nawaat le caractère impératif du maintien de l’article premier, c’est-à-dire le maintien du caractère non–laïc de la Tunisie, cependant au profit d’un État fermement sécularisé. Et comme nos lecteurs ont dû le remarquer, les pages de Nawaat ont toujours été également ouvertes y compris pour les thèses inverses.

L’objet de cet article est de revenir sur ce débat afin de contribuer, d’une part, à clarifier de nouveau certaines notions et à démontrer, d’autre part, les maladresses à la fois politique, institutionnelle et historique des thèses qui œuvrent pour une séparation totale entre l’État et la religion dans le contexte tunisien.

En effet, dans ce contexte, généralisable d’ailleurs à d’autres pays arabes, la grande erreur serait de croire qu’en évacuant la question de l’Islam de la Constitution l’on renforcerait le processus de sécularisation, et ce, via une laïcisation à la française. Or, c’est tout l’inverse qui se produirait, c’est-à-dire l’abandon de l’appareil d’État à la surenchère du religieux. Le choix devant lequel la Tunisie est confrontée est le suivant : Ou bien l’on se positionne dans le cadre d’un État qui s’approprie la religion tout en œuvrant à promouvoir et à garantir le processus de sécularisation, ou, inversement, on joue à l’apprenti sorcier (et non moins laïc) en offrant la meilleure passerelle pour que la religion finisse par s’approprier l’État. Et nous n’insisterons jamais assez sur le fait que la logique des rapports État/Religion, tant en Tunisie que dans le reste du monde arabe, aboutit inéluctablement à ce que l’un finisse toujours par contrôler l’autre. Et la séparation totale entre la religion et l’État, en engendrant la perte de contrôle de la religion par ledit État, conduirait à ce que les mosquées et les imams finissent par contrôler l’appareil d’État. Dans le contexte tunisien, l’article 1er incarne une garantie de la primauté du politique sur le religieux. Inversement, sa suppression mènerait à la primauté du religieux sur le politique.

En conservant le lien organique entre l’État et la religion pour garantir le processus de sécularisation, la Tunisie ne fera qu’imiter, à juste titre, les pays démocratiques ayant réussi leur marche vers la sécularisation. Aussi, articulerons-nous notre démonstration sur le fait que la laïcité n’est point une panacée. De nombreux exemples révèlent que le lien organique est non seulement possible au sein d’une démocratie politique, mais incarne également une condition pour garantir la viabilité de la démocratie (I). Par ailleurs, on verra que ce qui pose problème en soi, ce n’est pas tant ce lien organique, mais les ambiguïtés dont il recèle (II) et, qu’au fond, le vrai enjeu démocratique réside ailleurs, c’est-à-dire au niveau des mécanismes qui vont garantir les libertés fondamentales et l’État de droit. Des mécanismes pour lesquels aucune concession ne devrait être tolérée. Dès lors, la disposition constitutionnelle “Islam religion d’État” doit se juxtaposer à ces mécanismes pour les reconnaître et garantir leur compatibilité et non point pour les défaire. D’autant plus que des approches à la logique analogue ont remarquablement bien réussi.

 

I.— Les plus grandes démocraties de la planète n’ont jamais été laïques, mais sécularisées.

Pour éviter tout malentendu, il est utile de revenir sur le sens de certains termes (A). Ceci permettra de mieux appréhender les réussites des processus de sécularisation optant pour une démarche non-laïque (B)

 

A.— Retour sur la définition de la laïcité et de la Sécularisation

La laïcité, bien qu’elle incarne un concept politique récurrent dans le monde francophone, demeure pourtant, du point de vue de son application, un phénomène exceptionnel dans le monde. La laïcité a été et demeure un exemple singulièrement français. Cette laïcité française incarne de nos jours le principal socle républicain sur lequel sont bâtis les équilibres sociaux et politiques français. Ceci, à telle enseigne, que toute atteinte à cette laïcité est susceptible de porter gravement atteinte à la démocratie française. Cette laïcité s’est historiquement imposée comme le principal mécanisme qui a permis la pacification politique du régime républicain. Loin d’être une improvisation, elle fut le produit d’un long cheminement endogène sur près d’un siècle. Depuis 1801, date du Concordat qui mit l’Église sous tutelle de l’État, ce parcours a été ponctué par de nombreuses lois, surtout sous la Troisième République, qui ont affirmé la séparation de l’Église et de l’État. Parmi ces lois mentionnons celle de Jules Ferry du 26 mars 1882, dissociant l’école publique de l’enseignement religieux ; la loi Gobelet de 1886, portant sur la laïcité du corps enseignant des écoles publiques et, enfin, la loi du 9 décembre 1905 qui parachève au sein de son article 2 ce parcours en disposant que « la République ne reconnaît, ni ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». La République, qui assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice du culte sous les seules restrictions inhérentes à l’ordre public (1). Et au-delà des textes y compris constitutionnels, ce cheminement laïc sera également renforcé par un important édifice jurisprudentiel sans cesse déterminant ses contours.

Dès lors et au regard de ce contexte d’origine française, nous pouvons synthétiser une définition fonctionnelle de cette laïcité comme étant : l’absence de toute référence religieuse du sein des éléments de légitimation de l’ordre juridico‑politique, matérialisée par une séparation totale de l’église et de l’État, laquelle est assurée par une privatisation intégrale de toutes les institutions religieuses (2).

Toute autre définition de la laïcité qui négligerait la présence ou l’absence d’un quelconque lien entre l’État et la religion, deviendrait, selon nous, inopérante. Car n’est plus à même de rendre compte de la place (ou la non–place d’ailleurs) de la religion dans les rouages institutionnels. Affirmer, par exemple, que la Turquie est un État laïc est un contre-sens. La Turquie, au regard de la définition proposée, n’a jamais été laïque. Ceci du fait de l’imbrication entre l’État et la religion au travers de l’administration de la « DIYANET ». Cette dernière gère le corps des 70 000 Imams. Elle contrôle leurs prêches et verse leurs salaires sur le budget du contribuable. En outre, quand l’État génère un discours religieux au sein des programmes scolaires, lequel programme fait l’objet d’enseignements religieux obligatoires dans les écoles publiques, on sort du cadre de la neutralité religieuse de l’État. La disposition constitutionnelle de l’article 2 affirmant que « La République de Turquie est un État de droit [entre autres] laïque » ne signifie plus grand–chose. Du reste, si l’on compare le degré de sécularisation de l’État turc avec celui des pays scandinaves – pourtant consacrant constitutionnellement une religion officielle d’État (cf. infra)- le terme laïcité se vide de son sens.

En revanche,  dès que l’on sort du contexte de la séparation stricte entre la religion et l’État, il devient plus judicieux de parler, quand c’est le cas, de processus de sécularisation. C’est-à-dire de ce cheminement qui permet de libérer l’espace public de l’emprise religieuse. Ce faisant, on renforce les valeurs citoyennes qui sont, par nature,  communes à tous les citoyens. Cette désacralisation de la sphère publique qui met en avant la culture commune citoyenne, dans le respect des croyances de chacun, devient le gage social du « vivre ensemble ». La liberté de conscience comme le reste des libertés fondamentales sont destinées à acquérir une place qui surplombe, dans la sphère publique, les croyances religieuses de chacun. Du reste, le premier bénéficiaire de cette sécularisation, c’est sans doute aussi le croyant qui n’a plus à subir la pression de ceux qui désirent lui imposer sa foi. Cette rationalisation des rapports entre les citoyens tout comme des valeurs sociales communes devient la condition sine qua non de la viabilité du contrat social démocratique, sans lequel l’État moderne n’est qu’une illusion dans sa modernité politique.

Indiscutablement, la laïcité tout comme la sécularisation se recoupent pleinement au niveau de leur objectif. Mais ce qui les distingue, c’est le moyen adopté par chacune des démarches. Loin d’être un banal détail de forme, cette distinction est capitale. Si la démarche laïque opte pour une rupture totale entre l’État et la religion, le sécularisme se caractérise, en revanche, par l’affirmation de ce lien pour réussir son projet.

En effet, et tel que nous avons eu l’occasion souvent de le rappeler depuis près de deux décennies (3), de très nombreuses démocraties occidentales sont loin du schéma laïc. Or, une certaine « élite laïciste » tunisienne, et non moins francophone, néglige -non sans maladresse- le fait que la France est entourée d’Etats qui ne sont pas laïcs et qui ne sont pas pour autant moins démocratiques. C’est même fréquemment l’inverse. Il ne s’agit pas ici de dénigrer la laïcité française, puisque dans le contexte français nous y adhérons totalement. Il s’agit plutôt de relever que la démocratisation dans le contexte Tunisien n’a de chance de réussir, pour un pays à plus de 95% de musulmans, qu’en s’inspirant d’une façon endogène de la lucidité du modèle démocratique séculariste plutôt que laïc.

 

B.— Les réussites des processus de sécularisation sans la laïcité

Loin d’être une panacée, la laïcité a certainement réussi son pari en France, et ce, non sans avoir traversé des étapes parfois douloureuses. Cependant, d’autres démarches qui n’ont pas opté pour cette séparation totale entre la religion et l’État n’ont pas moins réussi à fonder des démocraties politiques modernes. Au sein de ces démocraties occidentales, moult dispositions constitutionnelles rattachent l’État au religieux. La Constitution irlandaise rédigée « au nom de la Sainte Trinité dont dérive toute puissance et à qui il faut rapporter, comme à notre but suprême, toutes les actions des hommes et des États […] » précise dans son article 44 que l’Irlande « reconnaît que l’hommage de l’adoration publique est dû au Dieu Tout–Puissant. Il révérera Son Nom ; il respectera et honorera la religion ». La Constitution hellène dispose en son article 3 que « la religion dominante en Grèce est celle de l’Église orthodoxe du Christ […] ». Aussi, avant d’entrer en fonction, les députés prêtent–ils serment « au nom de la Trinité Sainte consubstantielle et indivisible […] » ( art. 59 ) (4). Le Danemark proclame dans l’article 4 de sa Constitution que « l’Église Évangélique luthérienne est l’Église nationale danoise et jouit, comme telle, du soutien de l’État ». Quant aux autres églises, elles relèvent du statut des « Églises dissidentes » (5). La situation est à peu près similaire en Finlande (6) et en Suède (cf. infra). En Angleterre, et bien que le principe de la séparation de l’Église et de l’État soit toujours à l’ordre du jour, la confusion du pouvoir spirituel et temporel est encore de mise. La reine d’Angleterre cumule sa fonction royale avec celle de Chef de l’Église anglicane. Et à ce titre, le monarque anglais reçoit le serment d’allégeance des évêques anglicans (7). En République fédérale d’Allemagne, les citoyens sont soumis à un impôt religieux dont il est très difficile de se soustraire. Enfin, du côté nord-américain, « l’ordonnancement juridique canadien […] établit comme fondement du Canada “ La suprématie de Dieu et la primauté du droit ” » (8). Aux États-Unis d’Amérique c’est la devise même de l’État fédéral qui rappelle sur chaque dollar en circulation sur la planète qu’« en Dieu [ils] ont foi » [In God we trust(9). Et c’est sur la Bible que le président américain prête serment avant de s’installer à la Maison blanche. Mais, c’est surtout dans les textes constitutionnels des États fédérés que nous trouvons les nombreuses références à une divinité suprême. Au Massachusetts, par exemple, on lit dans le préambule de la Constitution : « Nous, peuple du Massachusetts, nous reconnaissons, et nos cœurs sont pénétrés du sentiment de la plus vive gratitude, nous reconnaissons la bonté du Législateur Suprême de l’Univers, qui, par une suite de décrets de sa providence, nous procure l’occasion de […] former une Constitution » ; et, dans l’article trois de la Constitution, il est précisé : «  […] le bonheur d’un peuple, le bon ordre et la conservation du gouvernement civil dépendent essentiellement de la piété, de la Religion et des bonnes mœurs, qui ne peuvent se répandre parmi tout un peuple, que par l’institution d’un culte public de la Divinité […] » (10).

Bien que les pays mentionnés ci–dessus ne soient pas des modèles parfaits de démocratie, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils comptent parmi les pays où l’on relève le moins d’entorses aux règles démocratiques. Par ailleurs, s’il ne s’agit pas de pays laïcs, au sens français du concept, nous devons admettre qu’il s’agit là, assurément, de nations qui ont atteint un haut degré de sécularisation de leurs institutions. En d’autres termes, la reconnaissance d’un fondement religieux de l’État n’a pas représenté un obstacle à l’affranchissement du pouvoir civil de l’emprise du religieux (11). Et en ce sens, d’une part, les références religieuses ne confèrent plus aucun droit particulier à une autorité spirituelle d’exercer le pouvoir politique et, d’autre part, la sécrétion du droit n’est plus soumise, sous réserve des cas irlandais et grecs, aux arguments d’autorité religieuse. La nature institutionnelle de l’État et les caractères du droit produit conservent leur essence civile. Par ailleurs, les éléments religieux du discours de légitimation de l’ordre constitutionnel n’ont pas empêché le développement de tout un arsenal de mesures juridiques qui garantissent les libertés et droits fondamentaux des citoyens sans discrimination tenant à la religion ou à la race. Et il est indéniable que la liberté de conscience comme le reste des libertés fondamentales ont acquis une place qui surplombe, dans la sphère publique, les croyances religieuses de chacun. Ainsi, en s’appropriant la religion, on garde un contrôle plus ou moins étroit sur le champs religieux afin qu’il ne contrevienne pas au projet démocratique.

Et pour cause… si on examine aujourd’hui le haut du classement des pays les plus démocratiques de la planète selon le « Democracy Index » de 2010 (12), les quatre premières places sont occupées par des pays où la religion d’État est officiellement proclamée ; soit : 1) la Norvège, 2) l’Islande, 3) le Danemark et 4) la Suède. A ce titre, l’article 2 de la Constitution norvégienne énonce que « la religion évangélique luthérienne demeure la religion officielle de l’État ». L’article 62 de la Constitution islandaise dispose que « l’Église évangélique luthérienne est l’Eglise d’État en Islande et, en tant que telle, elle doit être soutenue et protégée par l’État. ». L’article 4 de la Constitution danoise proclame que « l’Église Évangélique luthérienne est l’Église nationale danoise et jouit, comme telle, du soutien de l’État ». Quant à la Suède, et malgré l’entrée en vigueur – le 1er janvier 2000 — des dispositions relatives à la séparation de l’église officielle, cette séparation demeure pourtant formelle, puisque l’Eglise de Suède continue à être subventionnée par l’État tout en bénéficiant officiellement de son soutien.

Par ailleurs, quand on voit la composition du parlement français, pays laïc par excellence et celle des parlements des 4 pays mentionnés,  le moins que l’on puisse dire, c’est que la laïcité du pays classé 31e dans le même tableau n’a pas été d’un grand secours au niveau de la participation des femmes dans la vie politique. Et on peut en dire autant que ce soit pour la composition des gouvernements, des assemblées locales ou de la composition des directions des partis politiques. De même, le classement du tableau de l’indice de développement humain est tout aussi éloquent, puisque sur les 5 premières places, nous retrouvons la Norvège, l’Irlande, le Canada et l’Islande (13).

Eu égard aux exemples mentionnés, il est manifeste que, du point de vue du principe, religion, développement humain et démocratie ne sont pas incompatibles. Cependant, si le principe des références constitutionnelles à la religion n’est pas critiquable en soi, ce qui peut l’être, en revanche, c’est la portée ambiguë qu’il est susceptible d’avoir, a fortiori, lorsque le processus de sécularisation demeure encore jeune.

 

II.— Une révolution démocratique, c’est aussi des remises à plat pour clarifier des ambiguïtés.

Dans l’introduction, la première mention du terme « laïc », le fut entre guillemets. Ces guillemets se justifiaient par le fait que pour nombre de Tunisiens, le terme laïcité est utilisé maladroitement dans le sens de la sécularisation. Hormis les tenants de la suppression de l’article 1er de la Constitution, nous avons aussi relevé lors des nos échanges avec les Tunisiens, que la plupart de ces derniers qui souhaitent une Tunisie « laïque », aspirent, en réalité, à une Tunisie sécularisée. Non sans lucidité, ils ne semblent pas souhaiter le rejet de la mention de « l’Islam religion d’État », mais désirent plutôt des garanties au niveau du processus de sécularisation dudit État, tout en levant les ambiguïtés.

 

A.— Les ambiguïtés et les craintes

En Tunisie, comme dans d’autres pays arabes, les difficultés relatives à la cohabitation entre la démocratie et la religion ont surtout été le fait de l’absence d’une portée claire des références religieuses. Contrairement aux pays occidentaux décrits plus haut, la mention de la religion officielle de l’État n’a jamais eu véritablement de contenu précis et la place que la Constitution réserve à l’Islam a toujours été difficile à interpréter : Est–ce un ré-enracinement de l’État dans une tradition islamique même rénovée ou s’agit–il simplement d’affirmer la fidélité symbolique de la nation à l’Islam ? (14). Les avis ont toujours été partagés. Et faute de débat public sur cette question depuis les 50 dernières années, le consensus est demeuré illusoire. Un consensus aussi éloigné que le fut la résolution des incohérences du droit, lequel droit tantôt reconnaît la liberté de conscience, tantôt réprime l’apostasie. Par ailleurs, cette absence d’une portée claire des références religieuses, conjuguée à une orientation relativement arbitraire des politiques législatives, n’a jamais rassuré quant au champ ouvert qu’elle laissait à tous les dérapages propres aux « aventuriers », fussent–ils laïcistes ou cléricaux.

A cet égard, même H. Bourguiba qui fut pourtant l’un des chefs d’État arabes qui a le plus œuvré en faveur du désengagement de l’institution étatique de l’emprise religieuse, n’a pas hésité, lui aussi, à manier les symboles religieux pour raffermir l’autorité de l’État. Il n’a pas manqué, non plus, de justifier ses conceptions politiques par la tradition musulmane. Son habileté politique —ou faut‑il écrire sa maladresse— l’a même poussé, afin de disqualifier le pouvoir des Uléma, à couvrir le pouvoir présidentiel républicain par la théorie musulmane de droit public. Il n’a pas boudé l’idée qui tend à assimiler l’autorité du président de la République à celle de l’Imam. « L’Islam —se plaisait–il à affirmer— est un tout où le temporel et le spirituel ne sauraient être dissociés. L’un comme l’autre sont de la compétence des chefs d’État. Les enseignements qui nous sont donnés tant par la tradition prophétique que par l’action des premiers Califes, indiquent clairement que l’Imam, ou chef suprême, est seul qualifié pour connaître des affaires de l’Islam et seul compétent pour se prononcer sur les grandes options desquelles dépendent l’invulnérabilité de l’État et le destin de l’Islam, en tant que régime politique et social ». « Les questions relatives a l’Islam et à la vie des musulmans —conclut–il— ne sont donc pas du ressort exclusif des Uléma. L’Islam ne connaît pas d’église distincte de l’autorité politique » (15).

Son successeur Ben Ali, n’a pas manqué, à peine accédant au pouvoir de multiplier les références religieuses ainsi que les actions en faveur d’une affirmation plus nette du caractère musulman de l’État tunisien (16), à commencer par l’introduction de l’appel à la prière sur les ondes de la radio et télévision nationales. Mais, sitôt son pouvoir raffermi à la tête de l’État, il deviendra le plus grand tortionnaire de l’islamisme politique tunisien. Durant ces 50 dernières années, toute l’ambiguïté a résidé dans le fait que d’un côté on prétendait désengager les structures de l’État de l’emprise religieuse et, de l’autre, on rivalisait d’ingéniosité pour octroyer une base religieuse de légitimation, à la fois, à l’État et à ses orientations politiques. Ce qui n’arrangeait également guère les choses, c’est que ce processus de sécularisation dépendait des caprices des gouvernants. La volonté populaire comptait pour si peu. La représentation nationale incarnée par un parlement, authentique chambre d’enregistrement, ne servait qu’à applaudir le tout et son contraire. L’absence de démocratie, bloquant l’émergence de consensus sur des questions aussi fondamentales que celle des rapports de la religion à l’État maintenait la permanence des tensions politiques tout comme la crise de l’ensemble du système juridico-politique. Une crise cristallisée par ce climat diffus que nous qualifions de « Syndrome du Pentimento Juridique (17) ». Syndrome par lequel on entend : l’ensemble des symptômes issus de la peur inspirée par la rémanence à la fois, sociale, culturelle, idéologique et religieuse de certaines institutions traditionnelles abrogées ou réformées, d’une part, et la grande crainte, d’autre part, (justifiée par l’expérience juridique de certains pays) de les voir resurgir pour se substituer aux institutions actuelles. Et cette peur est d’autant plus forte que l’est la conscience de la cohérence fragile des fondements démocratiques des institutions d’aujourd’hui.

Et c’est à travers cette instabilité de certaines institutions juridiques que se révèle, en Tunisie comme dans le reste du monde arabo-musulman, l’ampleur de cette crise. Un rapide panorama démontre à quel point le droit est instable. Des pans entiers de ce dernier, en rapport avec la religion, apparaissent, disparaissent, puis réapparaissent au grès des caprices des gouvernants (18). Si le droit peut être comparé à une « toile sur laquelle d’autres peignent », tel que le résume fort justement Yadh Ben Achour (19), alors, le droit des pays en question s’apparente à un authentique pentimento (20) qui reflète la mauvaise qualité des matériaux et des procédés utilisés lors des recompositions successives de la toile juridique.

 

B.— 14 janvier 2011, le temps pour aplanir les ambiguïtés.

Il est vrai, cependant, que pour le cas tunisien, cette instabilité systémique s’est plutôt limitée aux normes à incidence politique afin de neutraliser les règles démocratiques de dévolution du pouvoir et la soumission des gouvernants au contrôle politique (21). Et, manifestement, le chemin parcouru par la Tunisie en terme de processus de sécularisation entamé depuis l’autonomie interne (1955) fait, qu’aujourd’hui, ce pays est probablement le mieux outillé de la région pour réussir sa transition démocratique, dès lors que certaines ambiguïtés soient levées.

Aussi, quel va être le sens qu’aura le maintien probable de la mention de « l’Islam religion d’État » dans la future Constitution tunisienne ? Encore aujourd’hui, nous doutons fort que cette mention puisse être définie précisément. En revanche, depuis le 14 janvier 2011, nous pouvons d’ores et déjà envisager ce qu’elle ne peut pas être. C’est-à-dire avoir un sens qui aille à l’encontre des motivations pour lesquelles des Tunisiens sont morts, tout comme celles des citoyens qui ont défié Ben Ali devant son ministère de l’Intérieur pour le sommer de « dégager ». Des motivations qui se résument dans la revendication du respect de la dignité de la personne. Cette dignité non-susceptible d’être détachée du respect des libertés fondamentales et des garanties protégeant le citoyen dans un État démocratique. En somme, peu importe le sens que les uns et les autres conféreront à la disposition « Islam Religion d’État ». Désormais ce qui est non négociable depuis le 14 janvier, c’est que ce sens puisse aller à l’encontre desdites libertés. Et c’est déjà une clarification considérable. Et pour que cette avancée le demeure, les Tunisiens ne devront tolérer aucune concession sur ce terrain. Et cela, ça ne sera pas en évacuant de la Constitution la disposition qui permettra à l’État de contrôler le champ religieux, mais certainement en refondant et en reconsolidant tout l’arsenal juridique nécessaire pour garantir une démocratie sécularisée.

C’est à ce niveau que se révèle le grand chantier à venir. En somme, l’enjeu va se situer au niveau des mécanismes juridiques et institutionnels qui vont garantir et rendre effectif notamment :

1 — Les droits de l’Homme et les libertés fondamentales dans leur acception universelle. Et faut-il rappeler que s’arrêter pour épuiser son énergie sur le fait de vouloir supprimer la disposition « Islam Religion d’État » de la Constitution tunisienne, alors que les droits de l’Homme et les libertés fondamentales sont reconnus depuis des années en Tunisie, mais qui n’ont jamais réussi à devenir vraiment effectifs, c’est perdre le sens des priorités dans le combat démocratique. Et faut-il rappeler que la violation de ces droits n’était pas le fait de la religion, mais plutôt d’un despote, de surcroît loin d’être éclairé.

2 — La liberté d’expression sous toutes ses formes.
Qu’elle soit assurée et il n’y aurait aucune crainte à avoir d’une quelconque religion qui submergerait la sphère publique. Les Tunisiens toléraient-ils la moindre forme de censure, ils peineront alors à reconstruire leur démocratie.

3 — L’égalité des droits et des chances entre les sexes. Au passage et rien qu’en lisant la liste des 24 nouveaux gouverneurs nommés par le gouvernement de transition où ne figure aucune femme, nous réalisons à quel point la Tunisie a encore du chemin à parcourir. Exciper du code du statut personnel pour clamer l’avance de la Tunisie sur le reste du monde arabe, cela reviendrait à se voiler la face pour ne pas traiter les graves carences qui demeurent.

Et, par-dessus tout, là où il va falloir être particulièrement vigilant, c’est au niveau de tout ce qui est de nature à altérer  l’autonomie du législateur… altération aussi insidieuse soit-elle. De même, si l’indépendance de la justice n’est pas garantie, il ne faudrait pas s’étonner ensuite que les gardiens de nos libertés fondamentales ne soient pas en mesure de les protéger. Dans le même sens, si l’organe qui va assurer la justice constitutionnelle ne jouit pas d’une réelle indépendance, inutile non plus de se prévaloir des garanties que la Constitution, mais aussi les conventions ratifiées par la Tunisie, confèrent au citoyen.

On aurait tort de croire que la sécularité d’une nation démocratique se mesure à l’existence ou pas d’une disposition constitutionnelle qui lie organiquement la religion à l’État. Le critère le plus objectif pour apprécier cette sécularité (et ce, pour une nation qui reconnaît déjà les libertés fondamentales dans leur acception universelle), c’est de jauger le degré de l’accomplissement de l’État de droit. Le pouvoir judiciaire et la justice constitutionnelle en sont la clé de voûte.

Les spécialistes de la justice tunisienne ne me contrediront pas en affirmant que nous avons la chance en Tunisie d’avoir une magistrature estimable, laquelle a toujours été en avance sur les gouvernants, devançant même les besoins de modernité politique de la société tunisienne. Les dysfonctionnements indignes que Ben Ali a imposés à cette magistrature pour la soumettre ne doivent pas dissimuler cet atout formidable dont dispose la Tunisie pour réussir sa transition démocratique. Et pour cause, parmi les différents corps de métiers, nous n’avons pas observé un seul, depuis la chute de Ben Ali, qui soit allé aussi loin pour se purger des scories qui lui furent imposées, tout comme des indignes qui ont trahi leurs serments.

Outre l’appareil judiciaire et son indépendance, ce sont également toutes les autres institutions destinées à réduire cette hypertrophie si symptomatique aux exécutifs arabes. La séparation des pouvoirs, à elle seule, n’est plus suffisante à assurer une démocratie moderne et non moins sécularisée. Le rôle des hautes autorités comme celles de l’audiovisuel, de régulation de la concurrence, de contrôle du marché boursier, etc. sera capital. Négliger leurs indépendances et les mécanismes destinés à assurer leurs neutralités serait la voie la plus courte pour revenir progressivement aux pratiques bénaliennes.

Les enjeux de la démocratie tunisienne s’articulent autour de ces éléments là. « L’islam religion d’État » permet justement à l’État de garder le contrôle sur une lecture de l’Islam qui ne soit pas en mesure de contrarier ce projet national démocratique. Alors ne nous trompons pas de combat !

Riadh Guerfali (Astrubal), le jeudi 31 mars 2011
Docteur en Droit Public
Co-admin Nawaat.org
Enseignant Universitaire, ancien avocat
http://astrubal.nawaat.org/
Compte sur Twitter @astrubaal
Nawaat sur Twitter @nawaat


(1) — Cf. l’article premier de la même loi.

(2) —  Sur la notion de Laïcité cf. :
— Jean Baubérot : (dir.) Religions et laïcité dans l’Europe des Douze. Paris, Syros, 1994.
— Albert BAYET : La laïcité au XXe siècle ; pour une réconciliation française. Paris, Hachette, 1958.
— Alain Bergounioux : « La laïcité, valeur de la République ». In Revue «  Pouvoir » sous le titre «  La laïcité », n° 75, Paris, Seuil, novembre 1995, p. 17 à 26.
— François‑Paul Blanc et Françoise Monéger : Islam et/ou Laïcité. Perpignan, C.E.R.J.A.F, 1992.
— H. Bost  : (éd.) Genèse et enjeux de la laïcité. Genève, Labor & Fides, 1990.
— Jean BOUSSINESQ : La Laïcité française. Paris, Seuil, coll. Points, 1994.
— Hervé HASQUIN : (dir.) Histoire de la laïcité, principalement en Belgique et en France. Bruxelles, éd. La renaissance du livre, 1979.
— Michel Wieviorka: « Laïcité et démocratie ». In Revue «  Pouvoir » sous le titre «  La laïcité », n° 75, Paris, Seuil, novembre 1995, p. 61 à 71.
— Sur la portée de la notion de laïcité au travers de la jurisprudence française, cf. :
— Yves Madiot : « Le juge et la laïcité » . In Revue «  Pouvoir », op. cit., p. 73 à 84.

(3) — Entre autres cf. Riadh Guerfali : « Les Fondements du pouvoir politique au Maghreb central entre tradition religieuse et modernité politique », In Le Chef de l’État en Afrique… Entre traditions, État de droit et transition démocratique.  Dir. F.-P. Blanc, J.-B Gaudusson, A. Fall, F. Feral. Cahiers du Centre d’Etudes et de recherches juridiques sur les Espaces Méditerranéens et Africains francophones (CERJEMAF), n°9/2001, PUP, p. 271 à 308.

(4) — De même, concernant les textes religieux, la Grèce constitutionnalise leur statut inaltérable ainsi que l’interdiction de toute traduction non autorisée. À cet égard, l’article 3 de la même Constitution dispose : « Le texte des Saintes-Écritures est inaltérable. Sa traduction officielle en une autre forme de langage, sans le consentement préalable de l’Église autocéphale de Constantinople, est interdite ».

(5) — Article 69 de la même Constitution.

(6) — Cf. le « Church Act » de l’article 76 de la Constitution finlandaise relatif à l’Eglise officielle.

(7) — Cf. Jean Imbert : « Conférence inaugurale ». Pages 18 et 19 In Constitutions et religions. Rec. du Cours de l’Académie Internationale de Droit Constitutionnel, Tunis, session 1994. Presses de l’Université des Sciences Sociales de Toulouse, 1996, p. 13 à 24.

(8) — Cf. Jacques Zylberberg : « Laïcité, connais pas : Allemagne, Canada, État‑Unis, Royaume Uni ». Page 44, in Revue «  Pouvoir », op. cit., p. 37 à 52.

(9) — À propos des rapports institutionnels entre le religieux et le politique aux U. S. A voir Jacques Zylberberg , op. cit. p. 47 à 50.

(10) — La version française du texte du préambule de la Constitution et de la déclaration des droits du Massachusetts  est reprise sur Stéphane Rials in : La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Paris, Hachette, coll. pluriel, 1989, p. 512 à 517.

(11)  — Pour une approche exhaustive du concept de laïcité et les nuances qu’il comporte avec le concept de sécularisation, voir les analyses pertinentes de Franck Frégosi au sein du tome I de : Les rapports de l’État et de la religion au Maghreb. ( Algérie Tunisie ). Introduction à la sécularisation des institutions dans le monde musulman. Thèse dir. Bruno Étienne, I. E. P., Aix-en-Provence, 1994 (deux tomes).

(12) — Le classement « Democracy Index » est réalisé par « The Economist Intelligence Unit » dont l’autorité en la matière est largement reconnue. Ce classement  est basé sur 60 indicateurs regroupés en cinq catégories : processus électoral et pluralisme politique, les libertés publiques, la bonne gouvernance, la participation politique et la culture politique.
Cf. le dernier rapport de 2010
http://graphics.eiu.com/PDF/Democracy_Index_2010_web.pdf

(13) — Cf. le classement relatif à l’indice de développement humain  tel que défini par le Programme des Nations unies pour le développement sur
 http://hdr.undp.org/en/media/HDR_2010_FR_Complete.pdf

(14) — Sur la question des rapports Constitution-Religion dans l’ensemble des pays musulmans, voir la contribution d’A. Amor : « Constitution et Religion dans les États musulmans ». In Constitutions et religions. Presses de l’Université des Sciences Sociales de Toulouse, 1996, p. 25 à 89.

(15) — Discours du 18 septembre 1966 sous le thème « La Tunisie et le rapprochement islamique ». Publication du secrétariat d’État aux affaires culturelles et à l’information, 5 octobre 1966, p. 10 et 11.

(16) — Cf. dans le même sens Zakya Daoud : « Chronique tunisienne ». In Annuaire de l’Afrique du Nord, Paris, CNRS, tome XXVIII, 1989, p. 683.

(17) — Cf. Riadh Guerfali : « Crise du droit et éclectisme idéologique : Le syndrome du Pentimento juridique ».  In  L’/es islamisation/s, réel et imaginaire. Dir. F.-P Blanc,  IXe réunion des chercheurs sur le monde arabe et musulman. Revue d’Histoire des Institutions Méditerranéennes n °1, CERJEMAF/P.U.P, 1997, p. 231 à 248.

(18) — Voici quelques exemples en rapport avec le droit de la famille :
– Irak :
1959, réforme du code de la famille ( code du statut personnel ).
1963 et 1968, des restrictions sont apportées au code de 1959.
1978, ces restrictions sont supprimées
1991, dépénalisation du ” crime d’honneur ” sur la personne de la fille ou de la femme séduite.
– Égypte :
1955, Nasser supprime les tribunaux religieux.
1971, réforme constitutionnelle qui fait de la sharia une source principale de la législation.
1979, Adoption d’un nouveau code de la famille plus progressiste ( Loi Gihane ).
1985, la loi Gihane est annulée par le conseil constitutionnel.
– Iran :
1932, adoption d’un nouveau code de la famille ( assez progressiste pour l’époque ).
1975, adoption de la loi de protection de la famille.
1983, abrogation du code de 1932 et de la loi de 1975 qui sont remplacés par un nouveau code conforme au droit religieux shiite.
– Pakistan :
1961, adoption d’un code de la famille ( assez progressiste ).
1984, adoption de la Sharia par plébiscite.
1988, la « Sharia Ordinance » déroge à certaines dispositions du code de 1961 pour faciliter la polygamie.
– Algérie :
1984, adoption du nouveau code de statut personnel qui légalise la répudiation traditionnelle qui n’existait pas dans le « Statut franco-musulman » de 1959.

Pour d’autres exemples dans le même sens voir :
– Olivier Carre : L’Islam laïque, ou le retour de la grande tradition. Paris, A. Colin, 1993.
– Bernard Botiveau : Loi islamique et droit dans les sociétés arabes. Paris, Karthala, 1994.

(19) — Yadh Ben Achour en postface de Politique religion et droit dans le monde arabe. Tunis, Cérès Productions, 1992.

(20) — Pentimento : mot italien signifiant « repentir », mais également dans le vocabulaire des beaux-arts, mot qui fait référence à toute toile de peinture sur laquelle, avec le temps, réapparaissent à la surface d’anciens motifs sur lesquels l’artiste a repeint.

(21) — Cf. Riadh Guerfali : « La Constitution Tunisienne, charte d’un régime républicain à l’agonie », Publié sous le pseudonyme de Chadly Ben Ahmed Al-Tûnisi In Réalités Tunisiennes : L’État de manque ; Politique, Economie, Société, Culture. Horizons Maghrébins N° 46/2002, Presses Universitaires du Mirail, p. 27 à 37.