Les promesses ont-elles été respectées pour que l’on puisse parler de célébration ? Telle est la question que les habitants de Sidi Bouzid se sont posé pendant les jours qui ont précédés la date de la commémoration de la Révolution de Révolution tunisienne et son déclenchement le 17 décembre 2010.
Entre commémoration et célébration, les avis sont partagés, chose qui a crée beaucoup de polémiques. La division de l’opinion publique et les controverses sur la scène politique ont eu leurs répercussions sur la rue où s’est déclenché la flamme de Révolution, rue Mohamed Bouaizi.
Préparation : Un temps pour se préparer et un temps pour les débats
La journée du 16 décembre a été bien remplie ; les dernières touches de la préparation de la deuxième édition du Festival International de la Révolution tunisienne. Cependant la polémique s’est accentuée autour d’un an où rien de ce qui a été promis n’a été achevé. Comment pouvait-on alors parler de “célébration” d’un processus qui a échoué et qui a fait perdre de l’espoir aux gens ?
Une grande partie des habitants de la ville de Sidi Bouzid considère que la situation générale du pays et la tournure que la révolution a pris lui a fait perdre tout sens et qu’une célébration ne serait qu’une mascarade.
C’est seulement un moment de commémoration. On n’a aucune raison de fêter quoi que ce soit. La seule chose à laquelle je pourrais participer, serait d’accompagner le cortège funèbre de la Révolution dit Ahmed, un salarié de la région
Le parti du Front populaire (FP) a aussi participé à l’évènement pour faire de la journée du 17 décembre une occasion de contestation et de deuil, pas un jour de fête. La veille, les partisans du FP ont installé seize tentes à la Place Mohamed Bouazizi et ont porté des slogans rappelant les revendications de la Révolution.
La nuit du 16 Décembre, des feux d’artifice ont été lancés mais il y a eu des violences contre le FP où les tentes ont été arrachées, quelques bannières ont été déchirés également. Les militants du parti de gauche ont accusé ceux du parti islamiste Ennahdha d’en être responsables.
Les partis politiques participent à la commémoration du 17 décembre
1- Le Front Populaire
Même s’ils n’ont pas brandi leurs drapeaux d’une manière évidente, les partisans du FP ont installé leurs bannières et pancartes partout. Lors de l’ouverture, ils ont entamé une marche portant des slogans de revendications des buts de la Révolution, critiquant également le travail du gouvernement Jebali.
Beaucoup d’habitants ont considéré cette action comme un repositionnement du parti dans la ville.
Je ne suis pas du Front Populaire et je ne suis pas communiste mais je les respecte et j’apprécie leur ténacité quant à leurs idées, dit M.T, propriétaire d’un café.
Parti Ut-Tahrir
Les drapeaux noirs du parti Ut-Tahrir étaient partout et bien nombreuses. Les partisans sont venus de plusieurs de villes. Ils ont installé dans la Place Bouazizi leur tente pour le dialogue. Leur présence a intrigué les habitants et a soulevé des débats. La majorité de ceux avec qui on a parlé souhaitait la bienvenue au parti ou avait un avis neutre.
Parti Ennahdha
La présence du parti Ennahdha était très discrète avec une absence totale de tout drapeau ou bannière bien que leur bureau régional était dans le comité d’organisation du festival. Aucune autre activité de leur part n’a été observée. Certains de ceux avec qui on s’est entretenu ont exprimé leur refus total du parti Ennahdha et que ce serait l’avis de beaucoup de personnes à Sidi Bouzid. Plusieurs ont affirmé qu’ils ne croient pas en l’excuse du Chef du gouvernement Hamadi Jebali qui aurait eu une grippe, considérant que son absence était une fuite de la confrontation.
Hamadi Jebali n’est pas venu car il est lâche et que son solde d’excuses a été épuisé. Dieu merci il s’est absenté, sinon on aurait eu une journée noire à Sidi Bouzid. M, employé dans un café.
Par ailleurs, la présence des partis politiques pour ce genre d’événements était toutefois considérée comme de la politisation.
La politisation est devenue une guerre froide qui dérange beaucoup, nous dit Anis, photographe
Cérémonie d’ouverture: Déception et colère
Plusieurs personnalités sont venues à Sidi Bouzid assister au festival, notamment le Président de la République Moncef Marzouki et le Président de l’Assemblée Nationale Constituante. Dix-sept coups de fusils symboliques ont été tirés par les soldats. Après l’hymne national, les discours ont commencé pour finir par des jets de pierres interrompant alors le discours de M. Ben Jaafer.
Au début, c’était le tour de l’allocution du Président Moncef Marzouki. Dès les premières paroles, il a été accueilli par des cris et des sifflements mais ce dernier a poursuivi avec des paroles qui ont rassuré, notamment grâce à son discours d”aveu de culpabilité” qui a fini par contribuer à calmer les manifestants qui l’ont écouté jusqu’à la fin. Beaucoup de personnes ont exprimé leur déception à son égard mais conservant quand même du respect pour lui.
Je comprends le contexte et la difficulté de réparer l’héritage de Ben Ali. On ne demande pas grand’chose, seulement un peu de franchise et de respect. Ali, un chômeur
Cependant quand vint le tour du Président de l’ANC, M. Mostapha Ben Jaafer, des cris de protestation et la tension ont commencé. Ce dernier n’a pas été capable de contenir la colère des gens. Son discours a fini par être interrompu par des jets de bouteilles et de pierres. Les deux présidents se sont précipités avec leur cortège de sécurité dans le bâtiment du gouvernorat pour s’envoler après dans l’avion présidentiel. C’était déjà la fin du festival.
L’annulation des activités après l’incident de la tribune et ses retours
Les motifs de la colère sont là mais il faut dépasser maintenant ce genre de pratiques. Naim, employé dans une boutique d’informatique
Certains ont accusé les partisans du Hizb ut-Tahrir d’être impliqués dans la violence lors de la cérémonie d’ouverture, chose qui n’a pas été vérifiable. Quant au Front Populaire, aucune preuve n’atteste non plus leur implication dans l’agression contre les deux président. Il est important de signaler que ce qui s’est passé n’a surpris personne car la colère était déjà là depuis des mois. Certains croient même que l’agression a été “bien gentil” et que le pire a été évité.
Et Après ?
Le 17 décembre a été entamé par des polémiques autour de l’évènement, pour finir par la question de la responsabilité des uns et des autres de ce qui s’est passé à la tribune. Néanmoins, ce qui intéresse les habitants et ce qu’ils pensent est tourné vers cette révolution qu’ils ont entamé. Un consensus semble être établi où tout le monde est d’accord sur le fait que les buts de cette Révolution sont loin d’être atteints.
Au-delà des nominations des rues, “Place Mohamed Bouazizi”, “14 Janvier”, la réalité des citoyens se sentant oubliés voire marginalisés même après le 17 Décembre, est encore la même.
Traduit de l’arabe par Lilia Weslaty
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