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Par Bassam Bounenni,

Qui pouvait résister à l’esprit déflorateur de Louis XVIII, lui qui disait que l’on n’a de véritables passions que dans l’âge mûr, parce que la passion n’est belle et furieuse que quand il s’y mêle de l’impuissance et qu’on se trouve alors à chaque plaisir comme un joueur à son dernier jeu.

Honoré de Balzac, Le Lys dans la Vallée.

Il est toujours un faible pour les comparaisons, les parallèles et les analogies aux grands tournants de l’Histoire. Les mouvements populaires ont, de tous temps, su ce dont ils n’ont plus besoin. Mais, l’hégémonie du mal, ayant mené, voire malmené leur propre destinée, des décennies durant, ils manquent de lucidité. De repères. Ils ont du mal à faire le second pas. A savoir ce dont ils ont désormais besoin. Pour ce faire, un coup d’oeil sur l’Histoire se doit d’être risqué.

Certes, les contextes des uns et les grilles de lecture des autres peuvent être fort contradictoires. Mais, il n’en est pas moins vrai qu’il existerait dans les coins les plus improbables de la Mémoire des Humains quelques clichés. Des messages. Des avant-goûts.

Les Tunisiens n’ont pas échappé à ce faible, au c du commencement de leur Révolution. La Roumanie post-Ceausescu et l’Amérique Latine post-révolutionnaire ont été évoquées.

Au lendemain de l’assassinat de Chokri Belaid ou encore de Mohamed Brahmi, certains ont avancé la Décennie noire en Algérie comme fatalité. Une histoire de quelques semaines avant le point de non-retour.

D’autres épisodes de l’Histoire contemporaine ont été assimilés à la chronique tunisienne post-Ben Ali, telles les années de la Stratégie de la tension en Italie, pour « expliquer » les actes terroristes dont « la seule finalité serait d’imposer une peur qui légitimerait, à long terme, un retour à la dictature » ou encore l’Opération Mani Pulite, toujours en Italie, pour mieux parler justice transitionnelle.

Les élections législatives d’octobre 2014 ayant abouti à des résultats insensés, selon une lecture systématiquement révolutionnaire, d’autres parallèles viennent s’imposer. Avec l’arrivée au pouvoir de Nidaa Tounès, c’est tout un tabou qui s’effondre, le parti rassemblant en son sein des transfuges de la gauche, d’anciens syndicalistes mais aussi et surtout des caciques du régime de Zine El Abidine Ben Ali. Le parti ne compte pas s’arrêter aux législatives. Le Palais de Carthage est désormais une fin pour son chef, Béji Caid Essebsi.

Une situation des plus déraisonnables, si l’on compare l’issue des élections législatives aux scènes de liesse, au lendemain de la fuite de l’ancien dictateur, ou encore aux discours grandiloquents jurant que la fin des Destouriens – PSD et RCD – est irréversible.

Caid Essebsi avait déjà été parachuté au Palais de la Kasba, au Printemps de 2011. Comme fut parachuté Louis XVIII par Talleyrand, à l’issue du Congrès de Vienne, au Printemps de 1814. Ce fut la Première Restauration et pour Caid Essebsi, sorti des oubliettes, et pour le Comte de Provence, de retour d’un long exil.

La Première Restauration échoua. Et, Louis XVIII jura, tel que Caid Essebsi, de ne plus s’immiscer dans les affaires politiques. Mais, le revoilà reconquérir le pouvoir, suite à la cuisante défaite de Napoléon à Waterloo.

Il joue à la façade du pouvoir voulant concilier révolutionnaires, Napoléoniens et caciques de l’Ancien régime, lui, détenteur de la devise « Union et Oubli », signifiant Union des Français et Oubli de la Révolution. Louis XVIII prend les choses en main, face à une opposition scindée en plusieurs blocs. Incapables de mettre à risque sa posture royale.

Pis, aux élections de l’Eté 1815, une nouvelle Chambre est élue. Le Roi, ne pouvant rêver d’une assemblée aussi loyale, la baptisa « Chambre Introuvable ». La Chambre sera dissoute un an plus tard. Mais, après quoi ? La « Chambre Introuvable » instaura la seconde Terreur blanche, en suspendant les libertés individuelles et en rétablissant les cours prévôtales. En anéantissant les principes et les valeurs pour lesquels la Révolution s’est déclenchée.

Pour la Chambre oeuvre dans le strict esprit de la Charte de 1814 qui considère que la Révolution n’était que de « funestes écarts » ayant « interrompu la chaîne du Temps ». Au grand bonheur d’un monarque en quête de légitimité royale.

De Louis XVIII, les historiens français ont retenu un Roi sans Royaume, puis, un Roi à l’essai et, enfin, un Roi à l’oeuvre méconnue. Talleyrand pense qu’il était « Égoïste, insensible, épicurien, ingrat ». Louis XVIII, lui-même, disait :

Le privilège des grands hommes est de donner une secousse á leur siècle, la secousse donnée, sauve qui peut ! Louis XVIII.