adnen-meddeb-victime-etat-urgence-tunisie

Adnen Meddeb et Amine Mabrouk en prison pour du papier à rouler !

Adnen Meddeb et Amine Mabrouk, membres du comité d’organisation des JCC ont été arrêtés, samedi 28 novembre, vers 21 h20, après la cérémonie de clôture. Malgré leur laissez-passer, ils sont jetés en prison pour infraction au couvre-feu mais aussi pour ivresse sur la voie publique et plus grave, pour intention de consommation d’une matière stupéfiante, à cause d’un paquet de papier à rouler du tabac, retrouvé dans la voiture de Amine.

Leur mission accomplie, Adnen et Amine quittent le théâtre municipal. Ils se font arrêter par un barrage de contrôle. Bien qu’ils aient justifié leur non-assiduité au couvre-feu, en présentant des documents fournis par la direction des JCC, la police ne lâche pas. « Ah ! Vous faites du cinéma », demande l’agent sur un ton moqueur. « Vous êtes ivre ? Toi, tu sembles être un zatal* ». Les deux jeunes nient en bloc. Le policier décide de passer à une fouille minutieuse de la voiture. Dans la boite à gant, il trouve du papier à rouler, assez pour les accuser de consommation de stupéfiant.

Adnen et Amine sont conduits au poste de police du Bardo, là où Amine explique à l’enquêteur que le papier à rouler n’est pas le sien et qu’il venait de récupérer sa voiture chez le tôlier. Après une soirée d’interrogatoire musclé, ils sont transférés au centre de détention de Bouchoucha, dimanche.

« Mon frère et son ami ont été battus par la police judiciaire à Bouchoucha. Ils sont couverts de bleus », rapporte Salma, sœur de Adnen Meddeb.

Lundi matin, Adnen et Amine sont conduits au même poste de police pour un second interrogatoire, au cours duquel, les deux hommes sont informés de leurs trois chefs d’inculpation : Détention avec intention de consommer une matière stupéfiante, infraction au couvre-feu et ivresse sur la voie publique. Ils sont conviés à faire un test urinaire de dépistage du cannabis, chose qu’ils refusent catégoriquement.

« Le papier à rouler n’est pas une preuve. On peut en acheter partout en Tunisie. Non seulement, il y a des lois liberticides qui tardent à être réformées malgré les promesses électorales, en plus, certains magistrats prononcent des jugements d’une autre ère », dénonce Maître Ghazi Mrabet, avocat des deux accusés.

Mardi, 1er décembre, Adnen et Amine sont transférés au tribunal de première instance de Tunis. Le dossier est vide mais le procureur de la République en décide autrement. A l’issue d’une audience exceptionnelle devant la Chambre correctionnelle, ils sont transférés à la prison de Mornaguia. La durée de leur détention provisoire dépend du bon vouloir du parquet qui fixera la date d’un procès.

Je suis allée au tribunal mais ils m’ont demandé de revenir demain. Les policiers ont dit à Adnen qu’il est condamné à un an de prison. J’ai essayé de lui expliquer que son audience n’a pas eu lieu et que nous attendons toujours une date… Mon frère est dévasté, s’inquiété Salma Meddeb.

A quand la disparition des lois répressives de Ben Ali ?

Lors de la cérémonie de clôture des JCC, Leila Bouzid, la réalisatrice qui a raflé quatre prix, a dédié son Tanit de bronze « aux 7000 jeunes prisonniers de la Zatla ». Elle a appelé à l’abrogation de la loi n°52 qui fait « subir aux jeunes une terreur qui fait que certains deviennent extrémistes ». Prudente, la jeune cinéaste n’a pas oublié de rendre hommage « aux forces de l’ordre qui ont assuré la sécurité du festival ». A l’extérieur du théâtre municipal, un policier réagit « voilà donc, trois jours après qu’on ait perdu 12 de notre élite, on se trouve ici à sécuriser ces gens en mini jupes et qui nous parlent de la légalisation du cannabis », rapporte Kais Zriba, journaliste.

La mobilisation pour la libération de Adnen Meddeb et Amin Mabrouk s’organise. Azyz Amami, « citoyen impliqué », comme il aime se définir estime qu’ « avec cette loi ainsi que toute une armada de lois inscrite au code pénal parfois depuis un siècle, l’Etat s’est offert un pouvoir de contrôle social. A ce jour, aucune institution ne garantit la Constitution, ce qui nous laisse bloqués avec des lois anachroniques. S’il y avait cette volonté politique que nos politiciens ont travestie lors des campagnes électorales, ces lois seraient tombées en désuétude. C’est le cas dans plusieurs pays du monde ou des lois anachroniques sont toujours en vigueur mais que le changement social a frappé de caducité ».

Azyz Amami sait de quoi il parle depuis qu’il a été incarcéré, jugé puis finalement relaxé pour consommation de stupéfiant.

Les deux jeunes sont condamnés à 100 dinars d’amende pour violation du couvre-feu, un an de prison et une amende de 1000 dinars pour consommation de stupéfiants.

Pas d’analyses, ni de stupéfiants saisis, ni d’aveux devant la police mais juste un paquet de papier de tabac à rouler, s’inquiète Ghazi Mrabet, en appelant d’urgence à réformer la loi n°52.

Note

* Zatal : consommateur de cannabis