Dans la masse des commentaires et des réactions suscités par les résultats des « élections » du 24 octobre dernier, plusieurs positions se sont dégagées. J’aimerai ici réagir au texte de Sihem Ben Sedrine vu le ton autoritaire qu’il emprunte et l’idée fantaisiste qu’il œuvre à imposer sur la nature du débat post 24 octobre.
Dans la masse des commentaires et des réactions suscités par les résultats des « élections » du 24 octobre dernier, plusieurs positions se sont dégagées. J’aimerai ici réagir au texte de Sihem Bensedrine (1) vu le ton autoritaire qu’il emprunte et l’idée fantaisiste qu’il œuvre à imposer sur la nature du débat post 24 octobre. Aussi, vu qu’il démontre à quel point on peut transformer des « élections » qualifiées par tous les observateurs de « non événement » et de mascarade en un événement qui se veut historique. On ose même parler de victoire de l’opposition dans la bataille de la délégitimation contre Ben Ali. Et pas n’importe quelle opposition, mais celle qui a participé activement à la même mascarade « électorale ».
Sihem Bensedrine a préféré se servir d’un titre-postulat ayant l’allure d’une vérité historiquement irréfutable pour faire passer un non-sens. Ce faisant, elle comptait dissuader les éventuels critiques qui oseraient remettre en question cette prétention extravagante et autosuffisante, qu’est « l’intérêt de l’aventure de l’initiative démocratique » et « la victoire dans la bataille de la délégitimation contre Ben Ali » à ne pas s’hasarder dans ce pré-carré. Lequel devrait être réservé aux seuls porte-paroles autoproclamés de la Tunisie opposée à Ben Ali. Sans donner à la critique et au débat l’espace qu’ils méritent dans l’ère post 24 octobre, elle a rejeté d’emblée les sceptiques, avant même qu’ils ne se prononcent, dans le camp de la dictature, et a excellé, tout comme cette dernière, dans le maniement des qualificatifs et des vieilles batteries qui viennent à bout de l’analyse et de l’argumentaire : « guerre psychologique » « collaborateurs actifs », « laboratoires officiels », « services spéciaux » etc. ! Le reste du texte n’est rien d’autre qu’une volonté manifeste de se construire une autorité morale sur la scène politique et médiatique tunisienne, un règlement de compte qui peine à dire son nom, et un manège oeuvrant à légitimer une nouvelle caution donnée au quatrième mandat de Ben Ali par ceux qui se sont appropriés le titre pompeux d’Initiative Démocratique. Comme si l’initiative dans le cirque électoral tunisien avait existé même au sein de la sphère tracée par le régime de Carthage. Que dire alors si la partie concernée prétend se positionner en dehors de cette sphère !
Et c’est bien Sihem Ben Sedrine, dans un entretien accordé le 25 octobre 2004 à Radio France Internationale, qui avait reconnu que ces « élections » qui était « pour rien (…) avaient deux demandeurs seulement : Ben Ali et l’Europe et l’Occident en général. » (2) On a le droit quand même de déduire que tous ceux qui ont participé aux dites « élections » répondaient à la demande de Ben Ali, qui reste le maître absolu du jeu. Jouer sous des prétextes aussi fautifs qu’irréalistes comme « la démonstration du verrouillage politique » et « témoigner de cet interdit qui frappe l’exercice des libertés élémentaires », est avant toute autre chose une reconnaissance de la légitimité de la partie qui mène le jeu et qui défini ses règles. Règles, rappelons-le, qui étaient toujours non constitutionnelles. En acceptant de se mettre à table, l’Initiative Démocratique s’est placée d’emblée au cœur du système bénalien malgré sa prétention au contraire. Et on n’a pas à « se torturer l’esprit » -bizarre définition donnée par S. Bensedrine à l’acte de la réflexion- pour saisir cette réalité.
Au niveau de la fixation des défis et des objectifs de l’opposition, SBS semble être encore l’otage du passé et d’une certaine idée désuète du militantisme, réduite à sa seule bataille médiatique contre le régime de Carthage : « L’unique défi à relever par l’opposition était de faire, encore une fois, la démonstration du verrouillage politique (…) témoigner de cet interdit qui frappe l’exercice des libertés élémentaires » Rétrécir de la sorte le champ d’action de l’opposition à une simple bataille médiatique, qui de plus a prouvé ses limites, équivaut à sacrifier le premier objectif de la résistance à la dictature : la renverser et mettre fin à son règne de la terreur. Et, ici, il est plus qu’inopportun de parler de radicalité du discours de ceux qui ont appelé au boycott actif étant donnée que la radicalité est au sein même du système politique tunisien. La dictature est radicale dans ses choix répressifs, extrémiste dans son négationnisme des drames subis par les prisonniers politiques, leurs familles et les exilés, fanatique dans son flicage de la société, aveuglée dans sa corruption et son favoritisme. Et il est incohérent de vouloir opposer à un tel système une opposition soft et « un ton et une démarche mesurée, et verbalement modérée » sous prétexte qu’il vaut mieux ne pas effrayer cette « frange de l’élite tunisienne, somme toute attachée à son confort matériel. » Et je pense que l’histoire de la Tunisie militante a suffisamment prouvé que le fait de choisir le camp de cette frange de l’élite se traduisait toujours par l’abandon des revendications populaires. Et il ne faut pas être devin pour savoir que tout changement vers la démocratie nécessite une demande populaire suffisamment forte et constante. Vingt ans ne nous ont pas suffi pour comprendre cette loi ni pour rechercher les moyens permettant de mettre en œuvre un tel objectif !
S.B Sedrine n’est peut-être pas consciente qu’en définissant de telles missions à l’opposition elle fait un bond de 10 ans en arrière, condamnant, théoriquement, la société civile et l’opposition à tourner en rond, ne sortant que pour faire une « récréation de quinze jour sous haute surveillance » (3) comme l’avait si bien dit Mustapha Ben Jaafar. Car cela fait plus d’une décennie que l’opposition et les personnalités politiques hyper médiatisées qui agissent presque en tant que parti politique à part entière, nous assènent des formules démocratiques et des recettes de lutte contre la dictature avec les mêmes slogans creux : « démasquer le vrai visage de la dictature », « sensibiliser l’opinion publique internationale », « mobiliser la société civile ». Je me rappelle qu’à l’occasion du « référendum » de mai 2002, Taoufik Ben Brik avait définit dans ces termes la mission de ces parti-personnes : « quand on voit un Jacques Chirac ou un Jean-Pierre Chevènement soutenir sans vergogne ce « coup d’Etat constitutionnel », on se dit que c’est une négligence impardonnable de ne pas avoir dépêché en France et ailleurs, des résistants comme Radhia Nassraoui, Sihem Ben sedrine, Moncef Marzouki ou Oumeya Seddik, pour n’évoquer qu’un petit groupe de virtuoses tunisiens de la parole pour décortiquer sur les ondes la face du référendum, restituer le contexte et les éléments de compréhension nécessaires et nous assurer une présence morale, un poids de parole qui nous valorise. » (4) Deux ans après ce coup d’Etat constitutionnel, qu’en est-il de cette mission ? Rien !
• Ni du côté du peuple, qui reste non réceptif au discours de l’opposition qui a préférer le troqué contre un élitisme systématique et un discours dirigé exclusivement aux médias et ONG occidentales.
• Ni du côté de l’opinion publique internationale. Laquelle continue de fournir ses millions de touristes graissant ainsi les rouages d’une économie otage d’un Etat mafieux et policier.
• Ni du côté des institutions dites internationale, qui n’ont jamais tari d’éloges le bon élève tunisien.
• Et, enfin, ni du côté des chancelleries des soi-disant démocraties occidentales qui nous présentent la Tunisie comme un modèle réussi. On ose même venir chez-nous pour nous lancer en plein visage un « manger et taisez-vous » au moment où des dizaines de prisonniers politiques mènent une grève de la faim.
En plus d’être prisonnière d’une stratégie archaïque, S. Bensedrine veut qu’on donne encore du temps à l’opposition pour je ne sais quel but. « Il faut lui laisser le temps » nous conseilla-t-elle à la fin de son article. Mais qu’est-ce que cela veut dire en terme de débat politique et de lutte contre la dictature ? Cela veut peut-être dire s’autocensurer, car la critique de l’opposition ne peut être qu’un produit préparé dans les « laboratoires officiels des services spéciaux » ! Se taire devant tant de non-sens de peur de se voir étiqueté « collaborateurs actifs » ! Sous-traiter la cause de notre liberté à des lobbies politiques, à des ONG et à de personnalités qui préfèrent être les seules à parler en notre nom, à informer et à interpréter l’information. Et pis encore, qui se permettent de glorifier le rôle joué par une partie de l’opposition de décor ?
L’opposition qui sert de décor au système de Ben Ali -et contrairement à tout le baratin politique construit de toute pièce- est constituée de deux ailes. Une vraie et une fausse opposition de décor. La fausse est celle que représentent Bouchiha, Béji et des pseudo partis comme PUP et le MDS. La vraie est celle qui se présente en tant qu’alternative au pouvoir, qui se nomme Initiative et qui « fait bouger la rue » alors qu’elle s’inscrit dans la logique même du système : elle le cautionne de façon habile ! Et c’est sa « force ». Cette vraie opposition de décor est celle de l’Initiative démocratique. Et le dénominateur commun d’un Mohamed Bouchiha qui, à l’annonce des résultats, s’est déclaré « satisfait » de son score et s’est réjouit d’avoir « contribué à briser le tabou des scores à plus 99 % » et d’un Halouani ou d’une Sihem Bensedrine qui ose prétendre que l’ID « a marqué des points (..) et a dégagé un consensus sur le niveau de rupture avec ce pouvoir illégitime jamais atteint auparavant » c’est que les deux ont joué le jeux de Ben Ali. Nous appelons les premiers une opposition de décors et les seconds une vraie opposition du décor. Car même si « personne ne se faisait d’illusions sur l’issue de ce scrutin sans enjeu » ; comme le rappelle justement Sihem Ben Seddrine, personne, à part les participants, ne peut prétendre que la participation à ce scrutin était sans enjeu. L’enjeu s’est avéré bel et bien énorme. La participation de l’Initiative Démocratique qui a joué le rôle du vrai décor, puis la tentative de légitimer cette participation dans des « élections » constitutionnellement illégitimes sont plus nuisibles que les 130.000 policiers et le bataillon des Rcdéistes. Etant donnée qu’une entreprise pareille discrédite davantage l’action politique déjà souffrante d’un discrédit auprès du peuple, la transforme en Bolitique et nous condamne à nous leurrer des décennies et des décennies dans le labyrinthe des communiqués, des protestations occasionnelles et des « repositionnements » (5) plus que chroniques où la fidélité aux principes et où le discours clair n’ont plus de place. Même les mots n’ont plus de sens : Initiative, démocratie, résistance. La consommation démesurée de ces termes a fini par les ridiculiser. Et Halouani contrairement à se qu’avait avancé Sihem Bensedrine sur les ondes de RFI n’a pas « permit de remobiliser la société civile qui était un peu léthargique, un peu défaite et désespérée ! ». Ce qu’il a fait c’est saboter un rassemblement efficace de la résistance autour du boycott de la mascarade électorale car l’enjeu n’était pas de participer à un crime en le dénonçant mais de boycotter tout en se démarquant.
Peut-on prétendre gagner la bataille de la de la délégitimation contre Ben Ali quand on avoue dans le même texte que la dictature a fraudé alors qu’elle « sait que tout le monde sait » ? La dictature s’en fout carrément ; elle n’a pas de pudeur. La délégitimer c’est refuser de jouer son jeu. Or ce que l’Initiative Démocratique a fait c’est de se présenter en tant qu’acteur dans cette mascarade. Et quelles que soient les bonnes intentions, qui d’ailleurs restent à vérifier, cela ne change rien à la nature du service rendu à la dictature. Maintenant, Ben Ali, tout en sachant que tout le monde sait qu’il a triché et qu’il a manipulé la Constitution pour se maintenir au pouvoir, peut prétendre qu’il a été élu démocratiquement ; et pour preuve : la participation de cette Initiative démocratique qui aurait « l’avantage de s’inscrire politiquement dans la ligne de rupture de l’opposition radicale. » comme veut la peindre S. Ben Sedrine. Pleurnicher ensuite sur le score réservé aux candidats, sur les 70% du temps de la campagne médiatique accaparé par le candidat Ben Ali..etc. est un fait qui ne sert à rien sinon à cimenter l’idée du « progrès enregistré dans le processus de démocratisation » comme l’a souligné l’Europe dans son message de félicitation à Ben Ali. Contrôler le déroulement des élections par des ONG qui auraient du s’inscrire dans la logique du boycott actif des « élections » et dans la bataille de la sauvegarde de notre Constitution fruit de notre indépendance équivaut, selon l’adage à « faire un acte juste pour une cause injuste ». A quoi ça sert d’assister à un double crime de vol et de viol, de laisser faire puis d’écrire un témoignage pour condamner après coup le forfait.
L’autre point que j’aimerai bien discuter ici concerne la Toile et les anonymes. Sans vouloir revenir à l’affaire de « la note de bas de page », ni aux diverses remarques émises par nombre d’acteurs politiques (Rached Ghannouchi, Moncef Marzouki, Om Ziad, S. Bensedrine, Omar Mistiri..etc.) contre les anonymes, la Toile et les forums de discussion j’aimerai bien clarifier une chose qui me semble importante.
L’anonymat, chère madame, qui vous irrite tant, au point de consacrer aux alias et aux anonymes un paragraphe ou une note de bas de page dans chacune de vos interventions bruissantes est un phénomène qui a accompagné la naissance du cyberactivisme ou si vous voulez de la cybversion, selon notre terme tunisianisé. Du pays le plus libre jusqu’au pays le plus autoritaire de la planète, les jeunes et les moins jeunes ont eu l’habitude d’intervenir sur les sites, les blogs et les forums de discussions en utilisant des pseudonymes ; même lorsqu’ils traitent des sujets aussi banals que le foot et les relations. Que dire alors si le sujet est un tabou aussi effrayant que la dictature bénalienne. Le net tunisien, et retenez ceci comme une règle, est loin d’être l’unique espace de la toile où les jeunes se cachent derrière un pseudonyme pour s’exprimer. Négliger, voire ignorer, cette caractéristique de la cybversion et s’acharner comme certains « protégé(e)s » de notre opposition le font sur les anonymes est un signe de courte vue et d’incapacité à réaliser la profondeur de l’évolution qui touche le monde de l’information. Contrairement aux rides de la sagesse, ces traits qui caractérisent les visages de notre si fine et si autosuffisante élite, sont des traits de la bassesse. S’acharner sur l’anonymat, ce n’est rien piger de la Toile. Citation : « le développement du Web indépendant fonctionne véritablement sur une logique spontanée permise par la gratuité, l’anonymat et la liberté qui sont les grands principes, les trois grandes valeurs de l’espace communicationnel d’Internet. » (6) disait l’un des textes intéressants traitant le sujet du web indépendant qui j’espère, contrairement à votre souhait (7) exprimé un jour sur le nº14 de kalima ne sera jamais auto-régulé. Même si on a droit à avoir peur surtout avec le prochain rendez-vous du SMSI à Tunis où il y a une sérieuse menace de « réguler » le Web.
Internet qui a apporté avec lui le phénomène de l’anonymat est un monde en perpétuelle évolution. Plus rapide que la réalité, il la transgresse en terme de liberté, d’autonomie, et de flexibilité. Le cyberactiviste écrit, dessine, prend des photos et met tout ce travail en ligne, dans un temps record, à la disposition de milliers de « preneurs » sans passer par des filtres, ni des hiérarchies, ni une autorité à part celle de son libre arbitre. Dans le domaine de la liberté d’expression, il n’y a pas plus libre que le cyberactiviste. Et l’anonymat ne fait que lui procurer une liberté supplémentaire qui le protége, lui et sa famille, et l’introduit doucement et sainement dans l’arène de l’action politique. C’est le passage idéal le plus sécurisé pour tous ceux qui veulent s’initier à l’action politique et exercer leur citoyenneté bafouée par le règne de la dictature. Œuvrer à présenter une vision fragmentaire en le dénigrant et en discréditant ses acteurs c’est oublier que ceux qui créent et maintiennent les sites dissidents tunisiens sont pour la plupart anonymes. C’est eux qui relatent l’information, qui soutiennent les victimes de l’oppression, qui se mobilisent derrière des campagnes qui les touchent comme celle du boycott des « élections ». C’est eux aussi qui ont apporté une touche artistique à l’activité militante mélangeant clip vidéo, image, caricature, satires au discours politique. Les critiquer est plus que légitime. Mais je crois qu’il ne faut pas faire ce que l’on reproche aux autres !
Vouloir priver les anonymes de cette protection, de cette liberté et de ce refuge ultime dans ce monde qui écrase les individus comme on écrase des insectes, c’est oublier que personne au monde, qu’aucune ONG de droits de l’Homme, ni en Tunisie ni ailleurs, n’est capable d’arracher une vraie victime des griffes du régime tunisien, qui a une carte blanche de la « communauté internationale ». Avant d’appeler les anonymes à troquer leur anonymat contre une visibilité, il vaut mieux défendre, comme il se doit, les victimes qui crèvent depuis des décennies dans les geôles d’une dictature. La même dictature que l’on n’hésite pas à légitimer en jouant son jeu « électoral » ou à honorer ceux qui le font. A quoi ça sert alors d’enrichir les rangs des prisonniers politiques par le bataillon d’anonymes et d’ajouter aux drames des familles déjà suppliciées d’autres drames ! Cela pourrait servir le business « droit-de-l’hommiste » de ceux et de celles qui ont des passeports et des moyens financiers, administratifs et « logistiques » pour se permettre d’organiser des voyages et des séjours d’affaires très militants entre Hamburg, Paris et Montréal. Reste que les vraies victimes de la tyrannie tunisienne n’ont ni passeport à savourer ni dinars à dépenser.
Ceux qui interviennent sur le net, le font en tant que simples citoyens réagissant à l’égard de ceux qui parlent en leurs noms. Ces mêmes anonymes ne sont des anonymes que parce qu’ils n’aspirent nullement à remplacer les professionnels de la politique. Il faut cesser de voir les anonymes comme des gens qui veulent prendre la place des personnalités de l’opposition ou de la société civile. Il ne faut pas croire que tous les anonymes sont à l’image de certains de vos amis ou « braves élèves » ; lesquels un jour sont anonymes et d’autres, à l’appui de ce même anonymat, font de l’autopromotion en reproduisant des « documents » signés par leur vrai nom. L’écrasante majorité des anonymes n’intervient pas sur le net pour faire de l’autopromotion ou pour se préparer à une carrière politique (ou journalistique).
Participer à la vie politique est un droit citoyen. Critiquer les personnalités qui se proposent à la sphère publique est plus qu’un droit, c’est un devoir. Et pour le faire on ne va pas attendre le feu vert des non anonymes ni l’autorisation de Sihem Bensedrine qui, comme une placeuse du cinéma le Colisée, nous promet « des places » … sûrement des strapontins dans un théâtre macabre. Détrompez-vous madame, l’information n’est plus la même. Elle n’est plus traitée de la même manière ni par les mêmes acteurs qu’il y cinq ou dix ans. Le Net tunisien nous promet heureusement une citoyenneté active. Cet exercice de la citoyenneté qu’offre la toile est, à défaut de mieux, un rempart contre la posture passive.
Si le style de certains anonymes se nourrit d’un regard vigilant sur les paradoxes et absurdités à la fois du pouvoir et de l’opposition, fallait-il pour autant accuser tous les anonymes de collaboration avec les services de sécurité et transformer toute critique de l’opposition si maladroite soit-elle en un blasphème ?
Pour finir, je tiens à préciser que je ne suis pas en train de nier l’existence, parmi les anonymes, de gens qui pèchent dans les eaux troubles, qui sèment la zizanie, qui diffament et qui font un travail de sape systématique. Les perturbateurs, comme dans tout milieu ou corporation ont toujours existé et existeront toujours. On les compte d’ailleurs parmi les non anonymes.
Dans ces conditions que faut-il choisir : bâillonner les anonymes au risque de rendre un service inestimable à la dictature ou bien les laisser agir en acceptant de recevoir de temps en temps quelques coups d’ailleurs inévitables dans l’arène politique ?
notes :
(1) Sihem Bensedrine : « L’opposition a gagné la bataille de la délégitimation contre Ben Ali », Kalima nº30
http://www.kalimatunisie.com/num30/desenchantement.htm
(2) Pour écouter la totalité de l’entretien cliquer ICI.
(3) Mustapha Benjaâfar : « Mise au point », lundi 13 septembre 2004. http://www.fdtl.org/article.php3 ?id_article=74
(4) Taoufik Ben Brik : « A propos du feraoun el assr », le 23 Mai 2002.
(5) « Désormais sur la touche, le FDTL de Mustapha Ben Jaafar, le PDP de Nejib Chebbi et même le CPR de Moncef Marzouki, qui viennent apparemment de comprendre les nouveaux mécanismes, veulent rentrer dans le jeu, pris de vitesse par la coordinatrice du CNLT, Sihem Ben Sedrine, qui est un parti à elle toute seule et manifeste un vif talent dans le repositionnement. » Nadia Omrane, Artifices et sacrifices d’une mobilisation démocratique. Va-t-on vers un centre mou libéral (de gauche ?) ? Alternatives Citoyennes nº12 du 27 novembre 2004 http://www.alternatives-citoyennes.sgdg.org/num12/dos-omrane-w.html
(6) « Le Web independent », ETIC (Eduquer aux Technologie de l’Information et de la Communication – avec le soutien de l’EU et du projet INTERREG ) http://www.funoc.be/etic/doss005/art001.html
(7) « Après de longues années de traversée de désert, la Tunisie connaît – à travers Internet- une explosion d’une liberté d’expression. Ce nouveau champ de liberté appelle lui aussi une autorégulation, au risque de se muer en aliénation et en un espace de désinformation. Ce champ est aujourd’hui pollué par une intervention régulière d’agents du pouvoir qui laissent leurs empreintes sur les modes et les mœurs. La vigilance est de rigueur. Ne dit-on pas que la liberté s’arrête là où commence la liberté de l’autre. » Sihem Bensedrine, Kalima nº14 http://www.kalimatunisie.com/num14/index14.htm
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